Une étude en deux phases de l'interaction épigénomique à quatre voies entre les gènes et le tabagisme sur la survie globale du cancer du poumon non à petites cellules à un stade précoce

Étude sur l’interaction quadruple gène-tabac et la survie globale dans le cancer du poumon non à petites cellules à un stade précoce

Contexte de la recherche

Le cancer du poumon est l’une des tumeurs malignes les plus courantes dans le monde et l’une des principales causes de décès liés au cancer. Selon les statistiques mondiales sur le cancer, environ 2,5 millions de nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année, et 1,8 million de personnes meurent du cancer du poumon. Parmi eux, le cancer du poumon non à petites cellules (NSCLC) représente la majorité, comprenant principalement l’adénocarcinome pulmonaire (LUAD) et le carcinome épidermoïde pulmonaire (LUSC). Bien que les traitements du cancer du poumon aient progressé ces dernières années, le taux de survie des patients atteints de NSCLC à un stade précoce reste faible, avec un taux de survie à 3 ans de 13 à 40 % et un taux de survie à 5 ans d’environ 25 %. Cette hétérogénéité des résultats cliniques suggère qu’il existe encore de nombreux mécanismes non élucidés derrière le développement du cancer du poumon.

Les modifications épigénétiques, en particulier la méthylation de l’ADN, sont considérées comme des facteurs clés régulant la tumorigenèse et la progression du cancer. La méthylation de l’ADN est un processus de modification épigénétique réversible impliquant principalement la modification de la 5-méthylcytosine (5mC) de l’ADN. Cette modification a non seulement un potentiel dans la détection précoce des tumeurs, mais fournit également des informations importantes sur la métastase et le pronostic des tumeurs, et guide les stratégies de traitement telles que l’immunothérapie et la chimiothérapie pour les patients atteints de NSCLC. De plus, les interactions gène-gène (G×G) et gène-environnement (G×E) jouent un rôle crucial dans l’élucidation des mécanismes moléculaires des maladies complexes. Le tabagisme, en tant que facteur d’exposition environnementale, a été démontré comme influençant les modèles de méthylation de l’ADN, affectant ainsi la progression du cancer.

Des études précédentes ont identifié des interactions doubles et triples entre le tabagisme et la méthylation de l’ADN, mais ces interactions de faible ordre ont des limites dans l’explication des modèles complexes de progression du cancer. Par conséquent, l’étude des interactions d’ordre supérieur est d’une grande importance pour révéler les mécanismes moléculaires de la progression du cancer du poumon.

Source de la recherche

Cette étude a été réalisée par une équipe de scientifiques de plusieurs institutions de recherche internationales, avec comme principaux auteurs Leyi Chen, Xiang Wang, Ning Xie, entre autres, provenant de l’École de santé publique de l’Université médicale de Nanjing, de l’École de santé publique de Harvard, de l’Hôpital universitaire d’Oslo, de l’Université de Lund, entre autres. L’étude a été publiée en 2024 dans la revue Molecular Oncology sous le titre “A two-phase epigenome-wide four-way gene–smoking interaction study of overall survival for early-stage non-small cell lung cancer”.

Processus et résultats de la recherche

Conception de l’étude

L’étude a adopté une conception en deux phases visant à explorer la relation entre l’interaction quadruple gène-tabac et la survie globale des patients atteints de NSCLC à un stade précoce. La première phase, phase de découverte, a utilisé des données de méthylation de l’ADN provenant de quatre centres de recherche internationaux : Harvard aux États-Unis, l’Espagne, la Norvège et la Suède. La deuxième phase, phase de validation, a utilisé des données provenant de la base de données du Cancer Genome Atlas (TCGA).

Sujets et données de l’étude

L’étude a inclus des données de méthylation de l’ADN de patients atteints de NSCLC à un stade précoce (stades I et II) provenant de cinq centres de recherche internationaux. La phase de découverte comprenait 524 patients (425 patients atteints d’adénocarcinome pulmonaire et 99 patients atteints de carcinome épidermoïde pulmonaire), tandis que la phase de validation comprenait 468 patients (227 patients atteints d’adénocarcinome pulmonaire et 241 patients atteints de carcinome épidermoïde pulmonaire). Toutes les études ont été approuvées par les comités d’éthique des institutions respectives, et un consentement éclairé écrit a été obtenu des patients.

Méthodes d’analyse des données

L’étude a utilisé des méthodes d’analyse statistique basées sur le modèle de risques proportionnels de Cox, ajustées pour l’âge, le sexe, le statut tabagique, le stade clinique et le centre de recherche. L’algorithme de montée (hill-climbing algorithm) a été utilisé pour explorer progressivement les interactions d’ordre supérieur à partir des interactions de faible ordre. La correction des tests multiples a été effectuée en utilisant la méthode du taux de découverte faux (FDR), contrôlant le taux global de faux positifs à moins de 5 %.

Principales découvertes

Dans la phase de découverte, l’étude a identifié 39 paires d’interactions quadruples significatives (FDR-q ≤ 0,05), dont une seule est restée significative dans la phase de validation (p ≤ 0,05). Cette interaction quadruple significative impliquait les années-paquets de tabagisme (pack-year of smoking), cg05293407TRIM27, cg00060500KIAA0226 et cg16658473SHISA9. Plus précisément, l’interaction entre cg16658473SHISA9 et les années-paquets de tabagisme, cg05293407TRIM27 et cg00060500KIAA0226 a significativement affecté la survie globale des patients atteints de NSCLC (ensemble de découverte : HRinteraction=0,9993, IC à 95 % : 0,9990–0,9996, p=3,08×10−6, FDR-q=0,027 ; ensemble de validation : HRinteraction=0,9992, IC à 95 % : 0,9986–0,9998, p=0,014 ; données combinées : HRinteraction=0,9995, IC à 95 % : 0,9993–0,9997, p=3,06×10−6).

Interprétation des résultats

À l’aide d’une visualisation en trois dimensions, l’étude a montré les effets différentiels de cg16658473SHISA9 à différents niveaux d’intensité tabagique et de méthylation de cg05293407TRIM27. Dans le sous-groupe à faible expression de cg00060500KIAA0226, le risque associé à cg16658473SHISA9 augmentait avec l’augmentation de l’intensité tabagique et la diminution des niveaux de méthylation de cg05293407TRIM27 ; tandis que dans le sous-groupe à forte expression de cg00060500KIAA0226, l’effet était complètement inversé.

Modèle de prédiction pronostique

L’étude a également construit un modèle de prédiction pronostique incluant des variables cliniques et l’interaction quadruple. La capacité prédictive du modèle a été évaluée à l’aide de courbes ROC dépendantes du temps et des valeurs AUC, révélant que l’ajout de l’interaction quadruple augmentait significativement la valeur AUC du modèle (AUC pour la survie à 3 ans = 0,709, AUC pour la survie à 5 ans = 0,735), indiquant que l’interaction quadruple améliorait significativement la précision prédictive du modèle.

Conclusion et signification de l’étude

L’étude a identifié pour la première fois au niveau épigénomique une interaction quadruple significative entre gènes et tabagisme, impliquant cg16658473SHISA9, cg05293407TRIM27, cg00060500KIAA0226 et les années-paquets de tabagisme. Cette découverte fournit un nouveau biomarqueur épigénétique pour le pronostic du NSCLC et révèle les mécanismes moléculaires complexes de la progression du cancer du poumon. De plus, le modèle de prédiction pronostique développé dans l’étude a une valeur potentielle dans la prise de décision clinique.

Points forts de l’étude

  1. Découverte d’interactions d’ordre supérieur : L’étude a identifié pour la première fois au niveau épigénomique une interaction quadruple entre gènes et tabagisme, offrant une nouvelle perspective pour comprendre les mécanismes moléculaires du cancer du poumon.
  2. Amélioration du modèle de prédiction pronostique : L’inclusion de l’interaction quadruple a significativement amélioré la précision du modèle de prédiction pronostique, fournissant un soutien solide pour la prise de décision clinique.
  3. Intégration de données multicentriques : L’étude a intégré des données provenant de plusieurs centres de recherche internationaux, renforçant la fiabilité et la généralisabilité des résultats.

Autres informations utiles

L’étude a également révélé, grâce à des analyses d’annotation fonctionnelle et d’enrichissement génique, que les gènes associés à cg16658473SHISA9 étaient significativement enrichis dans des voies liées à l’immunité, telles que les voies de signalisation NF-κB, des cellules T et des cellules B, révélant davantage le rôle important de la régulation immunitaire dans la progression du cancer du poumon.


Grâce à cette étude, les scientifiques ont non seulement révélé de nouveaux mécanismes de survie des patients atteints de NSCLC, mais ont également fourni des bases théoriques et des orientations pratiques importantes pour le traitement et l’évaluation pronostique futurs du cancer du poumon.