La voie du mévalonate contribue à la tumorigenèse primaire du sein et aux métastases pulmonaires

Régulation de la voie du mévalonate dans le cancer du sein et son rôle dans la tumorigenèse et la métastase pulmonaire

Contexte

Le cancer du sein est l’un des cancers les plus fréquents chez les femmes dans le monde, et ses mécanismes de développement et de métastase sont complexes, impliquant une régulation anormale de multiples voies de signalisation et de voies métaboliques. Ces dernières années, la reprogrammation métabolique (metabolic reprogramming) a été identifiée comme un mécanisme clé permettant aux cellules cancéreuses de s’adapter à leurs besoins de prolifération rapide et de métastase. Parmi ces voies, la voie du mévalonate (mevalonate pathway) a été trouvée significativement régulée à la hausse dans plusieurs types de cancer, en particulier dans le cancer du sein, où elle jouerait un rôle important dans la tumorigenèse et la métastase. Cependant, les mécanismes précis de régulation de cette voie et son rôle dans le cancer du sein ne sont pas encore entièrement élucidés.

La voie du mévalonate est une voie métabolique clé pour la biosynthèse du cholestérol et des isoprénoïdes (isoprenoids) dans les cellules. L’enzyme limitante de cette voie est la 3-hydroxy-3-méthylglutaryl-CoA réductase (HMGCR), dont l’activité est régulée par plusieurs voies de signalisation, notamment la voie PI3K-AKT-mTORC1 et la famille de facteurs de transcription SREBF (sterol regulatory element-binding factor). De plus, les GTPases Rho et leurs facteurs d’échange de nucléotides guanyliques (GEFs) sont également impliqués dans la régulation de la voie du mévalonate. Cependant, la manière dont les GEFs de la famille Vav (en particulier Vav2 et Vav3) régulent cette voie dans le cancer du sein, ainsi que son rôle précis dans la tumorigenèse et la métastase, reste largement inexplorée.

Source de l’article

Cet article a été co-écrit par Javier Conde, Isabel Fernández-Pisonero, L. Francisco Lorenzo-Martín et d’autres chercheurs, issus de plusieurs institutions de recherche espagnoles, notamment le Centro de Investigación del Cáncer, l’Instituto de Biología Molecular y Celular del Cáncer et le CIBERONC (Centro de Investigación Biomédica en Red de Cáncer). L’article a été publié en ligne le 9 août 2024 dans la revue Molecular Oncology, avec le DOI 10.10021878-0261.13716.

Méthodologie et résultats

1. Régulation de l’expression des gènes de la voie du mévalonate par Vav2 et Vav3

L’équipe de recherche a d’abord découvert, grâce à des analyses d’expression génique, que Vav2 et Vav3 régulent l’expression de toutes les enzymes clés de la voie du mévalonate dans les cellules de cancer du sein. En supprimant les gènes Vav2 et Vav3, les chercheurs ont observé une diminution significative de l’expression des gènes associés à la voie du mévalonate. Des expériences supplémentaires ont montré que cette régulation dépend de l’activité de la GTPase Rac1 et est étroitement liée à l’activation des facteurs de transcription SREBF. À l’aide d’essais de gènes rapporteurs de luciférase, les chercheurs ont confirmé que Vav2 et Vav3 régulent l’expression des gènes de la voie du mévalonate via l’axe Rac1-SREBF.

2. Rôle de HMGCS1 et HMGCR dans la formation des tumeurs primaires du sein

Pour explorer le rôle précis de la voie du mévalonate dans le cancer du sein, l’équipe a supprimé les gènes HMGCS1 et HMGCR et a observé leurs effets sur les cellules cancéreuses. Les résultats ont montré que la suppression de HMGCS1 et HMGCR inhibait de manière significative la capacité des cellules cancéreuses à former des tumeurs in vivo. Bien que ces cellules knock-out ne présentaient pas de changements majeurs dans leur capacité de prolifération en culture, les tumeurs formées chez les souris étaient significativement plus petites, avec une angiogenèse (angiogenesis) et un taux de survie cellulaire réduits.

3. Rôle de HMGCR dans la métastase pulmonaire du cancer du sein

Des recherches supplémentaires ont révélé que la suppression de HMGCR non seulement affectait la formation des tumeurs primaires, mais inhibait également de manière significative la capacité des cellules cancéreuses à métastaser vers les poumons. Grâce à des expériences d’injection intraveineuse, les chercheurs ont observé que les cellules knock-out pour HMGCR avaient une capacité réduite à coloniser les poumons. Des expériences supplémentaires ont montré que ces cellules présentaient une capacité réduite à extravaser (extravasation) et à survivre dans le parenchyme pulmonaire, indiquant que HMGCR joue un rôle clé dans le processus de métastase pulmonaire.

4. Programmes d’expression génique régulés par HMGCR

Pour élucider les mécanismes précis par lesquels HMGCR agit dans le cancer du sein, l’équipe a réalisé une analyse d’expression génique à l’échelle du génome, identifiant un ensemble de gènes régulés par HMGCR (appelé “signature génique dépendante de HMGCR”). Ces gènes sont étroitement liés à des processus tels que la prolifération cellulaire, la reprogrammation métabolique et les réponses immunitaires. Une analyse d’enrichissement de jeux de gènes (GSEA) a montré que la signature génique dépendante de HMGCR avait une valeur pronostique chez les patientes atteintes de cancer du sein, en particulier chez celles résistantes à la chimiothérapie, où elle pouvait prédire efficacement le risque de récidive.

Conclusions et implications

Cette étude révèle que Vav2 et Vav3 régulent l’expression des gènes de la voie du mévalonate via l’axe Rac1-SREBF, influençant ainsi la tumorigenèse et la métastase pulmonaire des cellules cancéreuses du sein. HMGCS1 et HMGCR, en tant qu’enzymes clés de la voie du mévalonate, jouent un rôle important dans la formation des tumeurs primaires et la métastase pulmonaire. En particulier, HMGCR affecte non seulement l’angiogenèse et la survie cellulaire des tumeurs, mais joue également un rôle clé dans le processus de métastase pulmonaire. De plus, la découverte de la signature génique dépendante de HMGCR offre un nouveau biomarqueur moléculaire pour l’évaluation pronostique des patientes atteintes de cancer du sein.

Points forts de la recherche

  1. Mécanisme de régulation novateur : Cette étude est la première à révéler que Vav2 et Vav3 régulent la voie du mévalonate via l’axe Rac1-SREBF, offrant une nouvelle perspective sur la reprogrammation métabolique dans le cancer du sein.
  2. Double rôle de HMGCR : HMGCR joue un rôle crucial non seulement dans la formation des tumeurs primaires, mais aussi dans le processus de métastase pulmonaire, fournissant une base théorique pour le développement de thérapies ciblant HMGCR.
  3. Découverte de biomarqueurs pronostiques : La signature génique dépendante de HMGCR offre un nouveau biomarqueur moléculaire pour l’évaluation pronostique des patientes, en particulier celles résistantes à la chimiothérapie, avec une valeur clinique importante.

Autres informations pertinentes

Cette étude a également révélé que les cellules knock-out pour HMGCR présentaient une sensibilité accrue à la ferroptose (ferroptosis), ouvrant de nouvelles perspectives pour le développement de stratégies thérapeutiques basées sur la ferroptose dans le cancer du sein. De plus, la signature génique dépendante de HMGCR développée par l’équipe offre un biomarqueur potentiel pour le traitement personnalisé.

Cette étude non seulement éclaire les mécanismes de régulation de la voie du mévalonate dans le cancer du sein, mais fournit également de nouvelles pistes et outils pour le traitement et l’évaluation pronostique de cette maladie.