Effet de la chimiothérapie néoadjuvante avec ou sans anticorps PD-1 Sintilimab dans le cancer rectal localement avancé PMMR : essai clinique randomisé

L’effet de la radiochimiothérapie néoadjuvante avec ou sans l’anticorps PD-1 Sintilimab dans le cancer du rectum localement avancé pMMR : résultats d’un essai clinique randomisé

Contexte et importance de l’étude

La gestion du cancer du rectum et la préservation des organes ont toujours posé un défi considérable, en particulier dans les cas de cancer du rectum localement avancé (LARC), en raison de la complexité anatomique, du taux élevé de complications postopératoires, et de l’augmentation significative des risques de récidive locale et de métastases à distance. Traditionnellement, les patients atteints de LARC reçoivent une radiochimiothérapie néoadjuvante (NACRT) à base de fluoropyrimidine et d’oxaliplatine pour réduire le risque de récidive locale. Récemment, la thérapie néoadjuvante totale (TNT) a émergé dans le but d’améliorer le taux de réponse clinique complète (CCR) et d’augmenter le taux de succès des stratégies de préservation des organes. L’ajout d’inhibiteurs de PD-1 a montré des résultats significatifs dans les cas de cancer du rectum avec déficience en réparation des mésappariements (dMMR) et dans ceux à haute instabilité des microsatellites (MSI-H). Cependant, chez les patients pMMR (Réparation des Mésappariements Proficiente), les anticorps anti-PD-1 ont une efficacité limitée en monothérapie. Ainsi, l’association des inhibiteurs des points de contrôle immunitaires (ICI) avec la radiothérapie est devenue un sujet de recherche majeur, et plusieurs essais cliniques monocentriques et essais contrôlés randomisés (RCT) de petite taille sont en cours.

Source de l’étude

L’étude a été menée par Xiao Wei-Wei, Chen Gong et leurs collègues du centre de prévention du cancer de l’université Sun Yat-sen en Chine et publiée dans la revue “Cancer Cell” en septembre 2024. L’équipe a entrepris un essai clinique randomisé de phase II à l’université Sun Yat-sen pour évaluer l’efficacité et la sécurité du Sintilimab, un anticorps anti-PD-1, combiné à la NACRT chez les patients pMMR atteints de LARC.

Méthodes de l’étude

Cette étude monocentrique à étiquette ouverte avec contrôle randomisé a inclus 134 patients atteints de LARC pMMR, répartis au hasard entre un groupe traité par NACRT seul (groupe de contrôle) et un groupe traité par NACRT + Sintilimab (groupe expérimental). Le critère principal était le taux de réponse clinique complète (CR), qui était de 44,8 % dans le groupe expérimental contre 26,9 % dans le groupe contrôle, avec une différence significative (p = 0,031). Pour explorer le rôle prévisionnel potentiel des biomarqueurs, des séquençages d’ARN ont été réalisés sur les tissus tumoraux avant et après le traitement pour analyser l’expression génique correspondante et les changements dans le microenvironnement immunitaire.

Déroulement de l’étude et conception expérimentale

  1. Inclusion des patients et caractéristiques : De juin 2020 à juillet 2022, 134 patients ont été inclus, avec une répartition équilibrée des caractéristiques telles que le sexe, l’âge et le stade de la tumeur entre les deux groupes.

  2. Procédure de traitement : Les patients du groupe expérimental ont reçu quatre cycles de chimiothérapie à base d’oxaliplatine et de capécitabine, associés à quatre doses de Sintilimab. Tous les patients ont complété la dose prescrite de radiothérapie. La conformité au traitement a été élevée, avec 94 % des patients ayant terminé tous les traitements.

  3. Analyse du séquençage de l’ARN : Un séquençage de l’ARN a été effectué sur les tissus tumoraux des groupes expérimental et contrôle, révélant une augmentation significative des cellules immunitaires telles que les cellules T CD8+ et les cellules NK après le traitement dans le groupe expérimental, suggérant une modulation positive du microenvironnement immunitaire.

Résultats de l’étude

  1. Taux de réponse clinique : Le taux de CR dans le groupe expérimental était de 44,8 %, nettement supérieur à celui de 26,9 % du groupe de contrôle. Chez les patients ayant un niveau d’expression PD-L1 CPS≥2, la réponse au traitement expérimental était significativement plus élevée que dans le groupe contrôle.

  2. Analyse du microenvironnement immunitaire : Le séquençage de l’ARN a montré une augmentation significative des scores immunitaires et des cellules T CD8+ dans les tissus tumoraux après traitement chez les patients du groupe expérimental. De plus, une expression positive de PD-L1 était corrélée à un plus grand nombre de lymphocytes infiltrants dans la tumeur, soutenant encore le mécanisme d’activation immunitaire de ce traitement.

  3. Exploration des mécanismes de résistance : Une analyse plus approfondie a révélé que chez les patients non-CR, une expression élevée des gènes PDGFA et IL2RG était fortement associée à la résistance au traitement, ces gènes étant liés à l’augmentation des cellules immunosuppressives, offrant ainsi des cibles potentielles pour la combinaison de médicaments anticancéreux future.

Effets indésirables et sécurité

La plupart des effets indésirables dans le groupe expérimental étaient de grade 1-2, avec quelques rares effets indésirables de grade 3-4, incluant neutropénie, diarrhée et élévation des enzymes hépatiques. Bien qu’il y ait des effets indésirables liés au système immunitaire, la tolérance globale était bonne, sans décès liés au traitement.

Conclusion de l’étude

Les résultats de cet essai RCT de phase II démontrent que l’association du Sintilimab, un anticorps PD-1, avec la NACRT augmente significativement le taux de CR chez les patients pMMR LARC tout en ayant une sécurité contrôlable. Le score CPS de PD-L1 pourrait potentiellement servir de biomarqueur prédictif pour évaluer les résultats de ce traitement combiné et guider les traitements personnalisés à l’avenir. De plus, l’expression active de PD-L1 dans le microenvironnement immunitaire et l’amélioration significative du taux de CR chez les patients avec un CPS élevé soulignent l’importance clinique de ce biomarqueur dans le cadre du LARC pMMR.

Valeur académique et perspectives

C’est la première étude à valider par RCT l’efficacité de l’association de l’anticorps PD-1 avec la NACRT chez les patients pMMR atteints de LARC, offrant ainsi un nouvel espoir pour l’immunothérapie des cancers du rectum non-dMMR. L’analyse du séquençage de l’ARN du microenvironnement immunitaire et de l’expression des gènes de résistance aide à comprendre le mécanisme synergique entre les inhibiteurs de PD-1 et la radiothérapie. À l’avenir, il sera nécessaire de confirmer ces résultats par un IIIe RCT et d’explorer la combinaison de médicaments anticancéreux ciblant PDGFA et IL2RG avec la NACRT pour améliorer encore l’efficacité. Cette étude fournit des preuves solides pour l’application des inhibiteurs de PD-1 dans le cancer du rectum pMMR, avec une signification clinique importante pour les transitions thérapeutiques.

Points forts de l’étude

  1. Taux de CR significativement amélioré : L’ajout de Sintilimab a amélioré le taux de CR à 44,8 %, montrant un avantage significatif par rapport aux 26,9 % de NACRT seule.
  2. Valeur prédictive potentielle du PD-L1 comme biomarqueur : Le score CPS de PD-L1 fournit une référence pour sélectionner les patients susceptibles de bénéficier du traitement, les patients avec CPS≥2 dans le groupe expérimental montrant un taux de CR plus élevé.
  3. Découverte des gènes de résistance et changements dans le microenvironnement immunitaire : L’étude a révélé le rôle des gènes PDGFA et IL2RG dans la résistance au traitement, et la régulation du microenvironnement immunitaire fournit une orientation pour les futures recherches.

Directions de recherche future

Étant donné que cette étude est un essai clinique de phase II, des essais contrôlés randomisés de phase III multicentriques seront nécessaires pour vérifier l’efficacité de l’anticorps PD-1 chez les patients pMMR LARC. En outre, sur la base des résultats actuels, l’exploration de l’association d’anticorps anti-angiogéniques ou inhibiteurs de Treg avec des anticorps PD-1 pourrait viser à obtenir des taux de CR plus élevés. De plus, l’impact différentiel des schémas de radiothérapie sur le microenvironnement immunitaire et leur adaptation à la thérapie combinée ICI mérite également une étude approfondie.