Peu de preuves que les structures familiales non monogames sont préjudiciables au bien-être des enfants à Mpimbwe, Tanzanie
Peu de preuves que les structures familiales non monogames sont préjudiciables au bien-être des enfants à Mpimbwe, Tanzanie
Contexte académique
Dans les conceptions occidentales traditionnelles, la structure familiale nucléaire (c’est-à-dire une famille composée de parents et d’enfants) est souvent considérée comme la pierre angulaire du bien-être des enfants. Les structures familiales non nucléaires, telles que le divorce, l’absence d’un parent, la présence de beaux-parents et les mariages polygames, sont souvent perçues comme ayant un impact négatif sur la croissance et le développement des enfants. Cependant, les recherches empiriques sur ces questions reposent largement sur des données transversales ou interrégionales, qui sont sujettes à l’erreur d’inférence écologique (ecological inference fallacy) et ne peuvent pas capturer l’impact dynamique des changements structurels familiaux sur le développement des enfants au fil du temps. De plus, les études longitudinales existantes se concentrent principalement sur des contextes occidentaux ou urbains, tandis que les données détaillées sur les structures familiales et le bien-être des enfants dans les communautés non occidentales, rurales et autochtones sont relativement rares.
Dans la région de Mpimbwe en Tanzanie, la polygynie et la monogamie sérielle (serial monogamy) sont des formes de mariage courantes. Pour explorer l’impact de ces structures familiales non nucléaires sur le bien-être des enfants, Riana Minocher, Monique Borgerhoff Mulder et Cody T. Ross, entre autres, ont utilisé les données d’une étude longitudinale de 20 ans, analysant les taux de survie de 3693 enfants nés entre 1931 et 2014, la croissance de 881 enfants et les résultats éducatifs de 1370 enfants. Les résultats montrent que le mariage monogame n’est pas toujours associé à de meilleurs résultats pour les enfants, remettant en question certaines idées reçues sur les structures familiales humaines.
Source de l’article
L’article a été co-écrit par Riana Minocher, Monique Borgerhoff Mulder et Cody T. Ross, respectivement affiliés à l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutive en Allemagne, à l’Institut de santé de Berlin à la Charité et à l’Université de Californie à Davis aux États-Unis. L’article a été publié le 20 décembre 2024 dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), sous le titre Little evidence that nonmonogamous family structures are detrimental to children’s well-being in Mpimbwe, Tanzania.
Processus de recherche
Collecte de données et sujets d’étude
Les données proviennent d’un village de la région de Mpimbwe en Tanzanie, principalement habité par le peuple autochtone Pimbwe. L’équipe de recherche a mené plusieurs enquêtes sur le terrain entre 1995 et 2014, recueillant des enregistrements détaillés sur les naissances, les décès, les mariages et les divorces, et mesurant la taille, le poids et les années d’éducation des enfants. Les sujets de l’étude comprenaient 3693 enfants nés entre 1931 et 2014, dont les données de taille et de poids de 881 enfants et les données éducatives de 1370 enfants ont été enregistrées.
Classification des structures familiales
L’étude a classé les structures familiales des enfants en plusieurs types, notamment les familles nucléaires avec deux parents monogames, les familles monoparentales, les familles avec beaux-parents et les familles polygames. Pour capturer les changements dynamiques des structures familiales, l’équipe de recherche a classé chaque année la structure familiale de chaque enfant et a codé en détail l’état matrimonial des parents (par exemple, célibataire, marié, divorcé, remarié, etc.).
Méthodes d’analyse statistique
L’étude a utilisé des modèles statistiques bayésiens pour analyser l’impact des structures familiales sur le bien-être des enfants. Les modèles ont contrôlé des variables telles que l’identité des parents, l’ordre de naissance et l’année de mesure, et ont pris en compte les changements dynamiques des structures familiales. En comparant les taux de survie, la taille, le poids et les résultats éducatifs des enfants dans différentes structures familiales, l’équipe de recherche a évalué l’impact des structures familiales non nucléaires sur le bien-être des enfants.
Principaux résultats
Taux de survie
L’étude a révélé que la mort de la mère dans les premières années de la vie était associée à une baisse significative du taux de survie des enfants, en particulier pendant la petite enfance. En revanche, la mort du père avait un impact moindre sur le taux de survie des enfants. De plus, il n’y avait pas d’association significative entre l’état matrimonial des parents (par exemple, célibataire, remarié ou polygame) et le taux de survie des enfants.
Taille et poids
L’étude a montré que l’absence d’un parent (en particulier du père) était associée à une légère diminution de la taille des enfants, mais cet effet disparaissait progressivement à la fin de l’enfance. La mort de la mère était associée à une augmentation du poids des enfants à l’adolescence, ce qui pourrait être lié au soutien supplémentaire reçu par les enfants après le décès de leur mère.
Résultats éducatifs
L’étude n’a trouvé aucun impact significatif des structures familiales sur les résultats éducatifs des enfants. Bien que certains enfants n’aient jamais été scolarisés, cette différence semblait liée à des facteurs économiques plutôt qu’à la structure familiale.
Conclusion et signification
Les résultats de l’étude indiquent que dans la région de Mpimbwe, les structures familiales non nucléaires (telles que la polygynie, les familles monoparentales et les familles avec beaux-parents) n’ont pas d’impact négatif significatif sur la survie, la croissance et l’éducation des enfants. Cette décidence remet en question les hypothèses courantes dans les sociétés occidentales concernant les structures familiales, suggérant que dans différents contextes socioculturels, les structures familiales non nucléaires peuvent ne pas nuire au bien-être des enfants.
Valeur scientifique
Cette étude offre une nouvelle perspective pour comprendre l’impact des structures familiales sur le bien-être des enfants, en particulier dans les communautés non occidentales, rurales et autochtones. En utilisant des données longitudinales à long terme et des méthodes statistiques avancées, l’équipe de recherche a pu capturer de manière plus précise les changements dynamiques des structures familiales et leur impact sur le développement des enfants.
Valeur pratique
Les résultats de l’étude ont des implications importantes pour l’élaboration des politiques publiques, en particulier dans les régions où les structures familiales non nucléaires sont courantes. Les décideurs politiques devraient tenir compte de la diversité des structures familiales dans différents contextes socioculturels et éviter de considérer le modèle familial occidental comme la seule norme.
Points forts de la recherche
- Données longitudinales à long terme : L’étude a utilisé des données longitudinales sur 20 ans, permettant de capturer les changements dynamiques des structures familiales et leur impact à long terme sur le bien-être des enfants.
- Analyse multidimensionnelle : L’étude ne s’est pas seulement concentrée sur les taux de survie des enfants, mais a également analysé la taille, le poids et les résultats éducatifs, offrant une évaluation plus complète du bien-être des enfants.
- Remise en question des hypothèses traditionnelles : Les résultats montrent que les structures familiales non nucléaires ne nuisent pas toujours au bien-être des enfants, remettant en question les hypothèses courantes dans les sociétés occidentales concernant les structures familiales.
Autres informations utiles
L’étude a également exploré la signification adaptative de la monogamie sérielle et de la polygynie dans la région de Mpimbwe. Les résultats suggèrent que la monogamie sérielle peut offrir aux femmes un soutien économique et social accru, tandis que la polygynie n’a pas d’impact négatif significatif sur le bien-être des enfants. Ces découvertes offrent de nouvelles perspectives pour comprendre la diversité et l’adaptabilité des institutions matrimoniales humaines.
Cette étude fournit des preuves empiriques importantes pour comprendre l’impact des structures familiales sur le bien-être des enfants, en particulier dans les communautés non occidentales, rurales et autochtones. Les résultats soulignent la diversité et la complexité des structures familiales dans différents contextes socioculturels, ouvrant de nouvelles voies pour les recherches futures et l’élaboration des politiques.