Fardeau économique de la dégénérescence maculaire liée à l'âge à un stade avancé en Bulgarie, en Allemagne et aux États-Unis
Charge économique du stade avancé de la dégénérescence maculaire liée à l’âge en Bulgarie, Allemagne et États-Unis
Contexte académique
La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est une maladie rétinienne hautement prévalente et handicapante qui touche plus de 200 millions de personnes dans le monde. Parmi celles-ci, les formes avancées — DMLA néovasculaire (nAMD) et atrophie géographique (GA) — affectent plus de 11 millions de personnes à l’échelle mondiale. La DMLA est la principale cause de déficience visuelle et de cécité dans les pays à revenu élevé. Chez les personnes de plus de 45 ans, la prévalence de la DMLA est estimée à environ 8,7 %. Compte tenu du vieillissement de la population mondiale, il est prévu que le nombre de cas de DMLA atteigne 288 millions d’ici à 2040.
La DMLA est une maladie progressive de la rétine centrale qui provoque un flou, des déformations et une perte de la vision centrale. Les principaux facteurs de risque incluent l’âge, le tabagisme et l’alimentation. La DMLA au stade avancé entraîne un risque beaucoup plus élevé de déficience visuelle grave par rapport aux stades précoces et intermédiaires. Bien que plusieurs options de traitement soient disponibles pour la nAMD, les options thérapeutiques pour la GA restent limitées, notamment en Europe où aucun traitement n’a été approuvé à ce jour. La DMLA a également un effet considérable sur la qualité de vie des patients, leur santé mentale et leur situation économique.
Malgré certaines recherches sur les coûts économiques de la DMLA, la plupart des études se concentrent principalement sur les coûts médicaux directs, en négligeant souvent les pertes de productivité et les répercussions sur la santé mentale des patients et des aidants. Une évaluation complète de la charge économique de la DMLA pourrait contribuer de manière significative à l’élaboration de politiques de santé, de plans économiques et de stratégies de recherche dans le domaine médical.
Source de la recherche
Cette étude a été réalisée par une équipe internationale dirigée par Nabin Paudel, PhD, et Laura Brady, PhD, avec des contributions de chercheurs affiliés à Retina International (Dublin, Irlande), Apellis International (Zug, Suisse), F. Hoffmann-La Roche (Bâle, Suisse) et d’autres institutions. Publiée en ligne le 31 octobre 2024 dans JAMA Ophthalmology, l’étude possède le DOI suivant : 10.1001/jamaophthalmol.2024.4401.
Conception et méthodologie de l’étude
Objectif de l’étude
Estimer la charge économique associée au stade avancé de la DMLA en Bulgarie, en Allemagne et aux États-Unis, en tenant compte des coûts directs, indirects, des pertes de bien-être (well-being cost) et des pertes de productivité.
Conception de l’étude
L’étude utilise une approche basée sur la prévalence des maladies pour évaluer les coûts associés à la DMLA avancée. Cette méthode, appelée “cost-of-illness prevalence approach”, s’appuie sur des données recueillies directement auprès des patients et des aidants, ainsi que sur des données publiées dans la littérature scientifique. Les données ont été collectées entre janvier 2021 et mars 2022 et analysées d’avril à juillet 2022.
Participants
L’étude a recruté des participants âgés de 50 ans ou plus, diagnostiqués avec une DMLA avancée (nAMD ou GA) affectant un ou deux yeux, ainsi que leurs aidants. Les participants ont été recrutés via des cliniques ophtalmologiques en Bulgarie et en Allemagne, et via des newsletters en ligne et des médias sociaux aux États-Unis.
Catégorisation des coûts
Les coûts liés à la DMLA avancée ont été regroupés en quatre catégories principales :
- Coûts médicaux directs : frais liés au diagnostic et traitement de la maladie.
- Coûts médicaux indirects : dépenses pour la technologie d’assistance, les soins à domicile, le transport et les compléments nutritionnels.
- Coûts liés à la perte de bien-être : monétisation des séquelles de la maladie (perte de vision, anxiété, dépression).
- Coûts liés à la perte de productivité : perte ou réduction d’emploi du patient et des aidants.
Modélisation économique
Pour chaque pays, les données collectées ont été combinées pour estimer les coûts sociétaux de la DMLA avancée. Les résultats sont exprimés en euros pour garantir la comparabilité entre les pays.
Résultats de l’étude
Caractéristiques des participants
L’étude a inclus 128 patients (62 % de femmes, 94 % âgés de 60 ans ou plus) et 61 aidants (70 % de femmes, 91 % âgés de 45 ans ou plus).
Charge économique globale
- Bulgarie : 449,5 millions d’euros (512,5 millions de dollars).
- Allemagne : 7,6 milliards d’euros (8,6 milliards de dollars).
- États-Unis : 43,2 milliards d’euros (49,4 milliards de dollars).
Dans les trois pays, les coûts médicaux directs représentaient seulement 10 % à 13 % du coût total. La majorité des coûts provenaient de la perte de bien-être (67 % à 76 % en Bulgarie et en Allemagne) ou de la perte de productivité (42 % aux États-Unis).
Bulgarie
- La charge économique moyenne par patient en GA était de 19 311 €, tandis qu’elle était de 20 047 € pour la nAMD.
- Les coûts liés à la perte de bien-être représentaient la plus grande part (87 % en GA, 64 % en nAMD).
Allemagne
- La charge économique totale atteignait 7,6 milliards d’euros, avec une moyenne par patient de 19 482 € (GA) et 20 475 € (nAMD).
- La perte de bien-être était prédominante, représentant 88 % des coûts liés à la GA.
États-Unis
- Les coûts de la perte de productivité dominaient (42 %), avec une charge économique moyenne par patient de 39 250 € (GA) et 48 895 € (nAMD).
- Les pertes liées au bien-être représentaient environ 30 % du coût total.
Discussion et conclusions
Discussion
Cette étude fournit une estimation exhaustive des coûts économiques liés à la DMLA avancée, en tenant compte non seulement des coûts médicaux directs mais aussi des répercussions non financières, comme la perte de productivité et les effets sur le bien-être. Les résultats soulignent que la charge économique de la DMLA est comparable à celle d’autres maladies chroniques comme la maladie de Parkinson ou l’obésité.
Des différences notables ont été observées entre les pays : - En Allemagne et en Bulgarie, les pertes de bien-être représentaient la majorité des coûts, ce qui pourrait refléter des écarts dans les systèmes de soins de santé ou le soutien social. - Aux États-Unis, les pertes de productivité dominaient, en partie en raison de l’impact sur les populations en âge de travailler.
L’utilisation d’une méthode monétaire pour quantifier les pertes de bien-être constitue un aspect novateur de cette étude, mettant en évidence la nécessité de soutenir le bien-être psychologique des patients et des aidants.
Conclusions
Les résultats révèlent que la DMLA avancée impose une charge économique et sociétale considérable dans les trois pays étudiés. Ces constatations soulignent l’importance d’investir dans la prévention, les traitements innovants et les initiatives de réhabilitation visuelle. Les politiques de santé devraient aussi promouvoir un accès élargi aux thérapies disponibles et à venir, afin de réduire les projections alarmantes de progression de la DMLA avec le vieillissement de la population mondiale.