Crises terrestres diachrones de la fin du Permien en Chine du Nord et du Sud

Les crises terrestres à la fin du Permien et au début du Trias

Contexte académique

La transition entre le Permien et le Trias (il y a environ 252 millions d’années) représente l’une des plus grandes extinctions massives de l’histoire de la Terre, ayant non seulement dévasté les écosystèmes marins, mais aussi profondément affecté les écosystèmes terrestres. Bien que les scientifiques s’accordent généralement à dire que cet événement est lié à l’activité volcanique massive de la province magmatique de Sibérie, les mécanismes précis et la chronologie des crises des écosystèmes terrestres restent sujets à débat. En particulier, la question de savoir si ces crises ont été synchrones dans différentes régions, ainsi que la manière dont les changements climatiques les ont influencées, demeurent des énigmes.

Pour répondre à ces questions, une équipe de recherche composée de scientifiques de l’Université des géosciences de Chine, de l’Université du Texas à Arlington, de l’Université de Leeds et de Ressources naturelles Canada, entre autres, a mené une étude intégrant la paléontologie et la géochimie. L’objectif était de révéler les différences spatio-temporelles et les mécanismes sous-jacents des crises des écosystèmes terrestres dans le nord et le sud de la Chine à la fin du Permien et au début du Trias.

Source de l’article

L’article intitulé Diachronous end-Permian terrestrial crises in North and South China a été rédigé par Daoliang Chu, Haijun Song, Jacopo Dal Corso et leurs collègues, et publié dans le volume 53, numéro 1 de la revue Geology en 2024. L’article a été soumis le 1er août 2024, révisé le 3 septembre 2024, accepté le 13 septembre 2024, et mis en ligne le 4 octobre 2024. Il est disponible en accès libre (Gold Open Access) sous la licence CC-BY.

Méthodologie de recherche

1. Zones d’étude et collecte d’échantillons

L’équipe de recherche a sélectionné quatre sections stratigraphiques à la limite Permien-Trias dans le nord et le sud de la Chine comme objets d’étude : - Nord de la Chine : La section de Dayulin (34.48504°N, 112.18245°E) dans la province du Henan et la section de Shichuanhe (35.02917°N, 108.87833°E) dans la province du Shaanxi, situées à une paléolatitude d’environ 20°N. - Sud de la Chine : La section de Chinahe (26.13077°N, 104.35637°E) dans la province du Yunnan et la section de Chahe (26.72054°N, 103.82125°E) dans la province du Guizhou, situées près de l’équateur paléogéographique.

Ces sections couvrent différentes formations géologiques de la transition Permien-Trias, notamment les formations Sunjiagou, Liujiagou, Xuanwei, Kayitou et Dongchuan. L’équipe a collecté des macrofossiles végétaux, des microfossiles de pollen, des échantillons de sédiments et a effectué des analyses paléontologiques et géochimiques détaillées.

2. Méthodes expérimentales

  • Analyse des fossiles végétaux et du pollen : En collectant des macrofossiles végétaux et des échantillons de pollen couche par couche, l’équipe a analysé les changements dans les types de végétation. Les échantillons de pollen ont été extraits par macération acide et identifiés au microscope.
  • Mesure du mercure (Hg) : Un analyseur de mercure Lumex RA-915 couplé à un pyrolyseur PYRO-915+ a été utilisé pour mesurer la teneur en mercure des sédiments, afin de détecter les signaux d’activité volcanique.
  • Analyse des isotopes du carbone organique (δ13Corg) : Un spectromètre à fluorescence X à dispersion de longueur d’onde (XRF) a été utilisé pour mesurer la composition isotopique du carbone organique dans les sédiments, révélant ainsi les changements dans le cycle du carbone.
  • Modélisation climatique : Le modèle Community Climate System Model (CCSM 3.0) a été utilisé pour simuler les variations de la température de l’air en surface (SAT) et des précipitations dans les zones d’étude, afin d’explorer l’impact des changements climatiques sur les écosystèmes terrestres.

3. Analyse des données

En comparant les données des fossiles végétaux, du pollen, de la teneur en mercure et des isotopes du carbone organique entre les différentes sections, et en les combinant avec les résultats de la modélisation climatique, l’équipe a révélé les différences spatio-temporelles et les mécanismes sous-jacents des crises des écosystèmes terrestres dans le nord et le sud de la Chine.

Résultats principaux

1. Crise des écosystèmes terrestres dans le nord de la Chine

Dans la section de Dayulin, une assemblage de fossiles végétaux dominé par des conifères de type Pseudovoltzia et Ullmannia a été découvert dans la partie inférieure de la formation Sunjiagou, mais aucun macrofossile végétal n’a été trouvé au-dessus de 25,5 mètres. Dans la section de Shichuanhe, une riche assemblage d’ichnofossiles a été découvert dans la partie inférieure de la formation Sunjiagou, mais aucun trace fossile n’a été trouvé au-dessus de 30 mètres. Ces résultats indiquent que la crise des écosystèmes terrestres dans le nord de la Chine a commencé avant l’excursion négative des isotopes du carbone organique (NCIE), datée d’environ 252,21 ± 0,15 millions d’années.

2. Crise des écosystèmes terrestres dans le sud de la Chine

Dans la section de Chinahe, une flore de forêt tropicale dominée par des Gigantopteris a été découverte dans la formation Xuanwei, mais à la base de la formation Kayitou, la végétation a été remplacée par une assemblage monotone de petites espèces de Peltasperm et de lycophytes. Parallèlement, les spores trilettes ont progressivement diminué, tandis que les pollens bisaccates non striés ont augmenté de manière significative, indiquant un changement climatique de l’humidité vers une saisonnalité plus sèche. Dans la section de Chahe, la diversité végétale a également diminué de manière significative, tandis que l’abondance de charbon de bois a augmenté de manière spectaculaire, suggérant une activité fréquente des feux de forêt.

3. Résultats de la modélisation climatique

Les simulations du CCSM 3.0 montrent que dans le nord de la Chine, la température moyenne annuelle a augmenté de 8 à 10°C à la transition Permien-Trias, avec des températures maximales dépassant 42°C, tandis que la saisonnalité des précipitations s’est accentuée et les périodes de sécheresse se sont prolongées. Dans le sud de la Chine, la température moyenne annuelle a augmenté de 6 à 7°C, avec des températures maximales d’environ 38°C, et la saisonnalité des précipitations s’est également intensifiée. Ces conditions climatiques extrêmes ont exercé une pression sévère sur la végétation et les communautés animales, entraînant un effondrement des écosystèmes.

Conclusion

Les résultats de l’étude montrent que la crise des écosystèmes terrestres dans le nord de la Chine a précédé celle du sud d’environ 300 000 ans. Dans le nord, la crise a été principalement causée par des températures extrêmes et la sécheresse, tandis que dans le sud, elle a été associée à une saisonnalité accrue des précipitations et à une activité fréquente des feux de forêt. Ces découvertes suggèrent que la crise des écosystèmes terrestres à la transition Permien-Trias n’était pas un événement global synchrone, mais plutôt le résultat de l’accumulation de changements climatiques régionaux ayant conduit à une extinction mondiale.

Points forts de l’étude

  1. Révélation des différences spatio-temporelles : Pour la première fois, des données géochimiques et paléontologiques à haute résolution ont permis de révéler les différences spatio-temporelles des crises des écosystèmes terrestres dans le nord et le sud de la Chine à la transition Permien-Trias.
  2. Mécanismes climatiques sous-jacents : En combinant modélisation climatique et enregistrements géologiques, l’étude a clarifié l’impact mortel des températures extrêmes et de l’augmentation de la saisonnalité des précipitations sur les écosystèmes terrestres.
  3. Implications globales : Les résultats soutiennent l’idée que la crise des écosystèmes terrestres à la transition Permien-Trias résulte de l’accumulation de changements climatiques régionaux ayant conduit à une extinction mondiale, offrant ainsi une nouvelle perspective pour comprendre les grandes extinctions massives de l’histoire de la Terre.

Valeur de la recherche

Cette étude approfondit non seulement notre compréhension des crises des écosystèmes terrestres à la transition Permien-Trias, mais fournit également des références importantes pour prédire et répondre aux impacts potentiels des changements climatiques actuels sur les écosystèmes. En révélant les effets mortels des conditions climatiques extrêmes sur les écosystèmes, l’étude offre une base scientifique pour élaborer des stratégies de lutte contre les changements climatiques.