Les Nanoparticules de Magnétite comme Biogéobatteries Métastables dans les Cycles Redox Consécutifs

Le fer (Fe) est l’un des éléments les plus abondants sur Terre, largement présent dans les sols et les sédiments, et impliqué dans les cycles globaux du carbone, de l’azote et de l’oxygène. Les réactions d’oxydoréduction du fer jouent un rôle crucial dans les cycles biogéochimiques, en particulier dans les processus d’oxydation et de réduction du fer. Les minéraux de fer, en particulier les minéraux de fer à valence mixte (comme la magnétite), en raison de leur surface spécifique élevée et de leur activité redox, peuvent influencer la migration et la transformation des nutriments et des contaminants dans l’environnement. Ces dernières années, des recherches ont montré que les nanoparticules de magnétite (MNPs) peuvent servir de donneurs et d’accepteurs d’électrons pour les microorganismes, agissant comme des “batteries biogéochimiques”, stockant et libérant des électrons dans les cycles redox pilotés par les microorganismes. Cependant, la stabilité des nanoparticules de magnétite dans des cycles redox consécutifs et leur impact sur l’intégrité et les propriétés des minéraux restent mal compris.

Cette étude vise à explorer la faisabilité des nanoparticules de magnétite en tant que batteries biogéochimiques dans des cycles redox consécutifs, et à étudier les changements dans leurs propriétés minérales et leur impact sur les contaminants et les nutriments dans l’environnement. À travers des expériences de cycles redox pilotés par des microorganismes, les auteurs ont révélé les phénomènes de dissolution et de recristallisation des nanoparticules de magnétite lors de processus redox à long terme, ainsi que l’impact de ces processus sur les microorganismes métabolisant le fer dans l’environnement.

Source de l’article

Cet article a été co-écrit par Timm Bayer, Natalia Jakus, Andreas Kappler et James M. Byrne, respectivement affiliés à l’Université de Tübingen en Allemagne, à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne en Suisse et à l’Université de Bristol au Royaume-Uni. L’article a été publié le 7 mai 2024 dans la revue Geo-Bio Interfaces sous le titre Magnetite Nanoparticles are Metastable Biogeobatteries in Consecutive Redox Cycles Driven by Microbial Fe Oxidation and Reduction.

Processus de recherche

1. Synthèse des nanoparticules de magnétite

L’étude a d’abord synthétisé des nanoparticules de magnétite en utilisant une méthode modifiée de Pearce. Les étapes spécifiques incluent le mélange d’une solution de Fe avec une solution de NH4OH dans des conditions anoxiques pour générer des particules de magnétite. Les nanoparticules de magnétite synthétisées ont été lavées plusieurs fois et suspendues dans un tampon de bicarbonate à pH 7.

2. Culture microbienne

L’étude a utilisé deux types de microorganismes : la culture KS, une bactérie oxydant le fer et réduisant les nitrates, et Geobacter sulfurreducens, une bactérie réduisant le fer. La culture KS a été cultivée pendant 7 jours dans un milieu contenant des nitrates, tandis que G. sulfurreducens a été cultivée pendant 5 jours dans un milieu contenant de l’acétate. Après la culture, les suspensions microbiennes ont été mélangées et utilisées pour les expériences suivantes.

3. Conception expérimentale

Les expériences ont été menées dans des flacons de réaction de grand volume (1 litre) et de petit volume (50 ml), contenant un tampon de bicarbonate, des nanoparticules de magnétite et des nitrates. La culture KS a été ajoutée aux flacons de réaction, tandis que le groupe témoin a reçu un volume équivalent de tampon. Les flacons de réaction ont été scellés dans des conditions anoxiques et échantillonnés régulièrement pour des analyses géochimiques et minéralogiques.

4. Cycles d’oxydoréduction

Les expériences ont consisté en deux cycles complets d’oxydoréduction, chaque cycle incluant une phase d’oxydation pilotée par la culture KS et une phase de réduction pilotée par G. sulfurreducens. À la fin de chaque phase redox, les nanoparticules de magnétite ont été lavées pour éliminer les microorganismes, puis un nouveau milieu de culture et des microorganismes ont été ajoutés pour le cycle suivant.

5. Analyses géochimiques

Pendant les expériences, des échantillons ont été prélevés régulièrement et centrifugés pour séparer le surnageant et le pellet. Le pellet a été dissous dans de l’acide sulfurique, tandis que le surnageant a été utilisé pour mesurer les concentrations de fer dissous, de nitrates et d’acétate. La concentration totale de fer et le rapport Fe(II)/Fe(III) ont été déterminés par la méthode de Ferrozine.

6. Mesures magnétiques

Un magnétomètre KLY-3 a été utilisé pour mesurer les changements de susceptibilité magnétique des nanoparticules de magnétite dans les flacons de réaction, afin d’évaluer les changements magnétiques de la magnétite pendant les processus redox.

7. Analyses minéralogiques

Des techniques telles que la spectroscopie Mössbauer, la diffraction des rayons X (XRD), la microscopie électronique à balayage (SEM) et la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) ont été utilisées pour analyser les changements dans la composition minérale et la morphologie des nanoparticules de magnétite après différentes phases redox.

Résultats principaux

1. Cycles d’oxydoréduction des nanoparticules de magnétite

Les résultats expérimentaux montrent que les nanoparticules de magnétite ont réussi à agir comme des batteries biogéochimiques dans deux cycles redox consécutifs. Pendant la phase d’oxydation pilotée par la culture KS, le rapport Fe(II)/Fe(III) est passé de 0,43 initialement à 0,29, indiquant que la culture KS a réussi à oxyder le Fe(II) dans les nanoparticules de magnétite. Pendant la phase de réduction pilotée par G. sulfurreducens, le rapport Fe(II)/Fe(III) est passé de 0,29 à 0,75, indiquant que G. sulfurreducens a réussi à réduire le Fe(III) dans les nanoparticules de magnétite.

2. Changements magnétiques

Les mesures magnétiques montrent que la susceptibilité magnétique des nanoparticules de magnétite diminue pendant la phase d’oxydation et augmente pendant la phase de réduction. Les changements de susceptibilité magnétique pendant la deuxième phase d’oxydation (-8,7 %) étaient plus importants que pendant la première phase d’oxydation (-3,9 %), indiquant que les nanoparticules de magnétite réduites sont plus facilement oxydées.

3. Analyses minéralogiques

Les analyses par spectroscopie Mössbauer et XRD montrent que pendant la phase de réduction, les nanoparticules de magnétite se dissolvent partiellement et recristallisent en un minéral de Fe(II), la vivianite. Les images SEM confirment la formation de vivianite et montrent un contact étroit entre les nanoparticules de magnétite et la vivianite.

4. Impact des cycles redox à long terme

L’étude a révélé qu’avec la progression des cycles redox, la stabilité des nanoparticules de magnétite diminue progressivement, certaines nanoparticules se dissolvant et se transformant en vivianite. Cela suggère que les cycles redox à long terme entraînent une consommation des nanoparticules de magnétite, affectant ainsi leur fonction biogéochimique dans l’environnement.

Conclusion

Cette étude révèle pour la première fois la faisabilité des nanoparticules de magnétite en tant que batteries biogéochimiques dans des cycles redox consécutifs, et démontre les phénomènes de dissolution et de recristallisation lors de processus redox pilotés par des microorganismes. Les résultats montrent que les nanoparticules de magnétite peuvent servir de donneurs et d’accepteurs d’électrons pour les microorganismes métabolisant le fer dans l’environnement, mais leur stabilité à long terme est fortement influencée par les cycles redox. Cette découverte a des implications importantes pour comprendre les processus dynamiques des cycles du fer dans l’environnement, ainsi que pour les applications des nanoparticules de magnétite dans la réparation des contaminants et la migration des nutriments.

Points forts de la recherche

  1. Première étude systématique sur la stabilité des nanoparticules de magnétite dans des cycles redox consécutifs : À travers des expériences à long terme, les auteurs ont révélé les phénomènes de dissolution et de recristallisation des nanoparticules de magnétite dans des cycles redox pilotés par des microorganismes.
  2. Révélation du potentiel des nanoparticules de magnétite en tant que batteries biogéochimiques : L’étude montre que les nanoparticules de magnétite peuvent servir de donneurs et d’accepteurs d’électrons pour les microorganismes, mais leur stabilité à long terme est fortement influencée par les cycles redox.
  3. Découverte de la formation de vivianite : Les analyses minéralogiques confirment que les nanoparticules de magnétite se dissolvent partiellement et recristallisent en vivianite pendant la phase de réduction, une découverte importante pour comprendre les processus de transformation des minéraux de fer dans l’environnement.

Valeur de la recherche

Cette étude approfondit non seulement notre compréhension du rôle des nanoparticules de magnétite dans les cycles biogéochimiques, mais ouvre également de nouvelles perspectives pour leur application dans la réparation environnementale et le traitement des contaminants. Les résultats montrent que les nanoparticules de magnétite se dissolvent progressivement lors de cycles redox à long terme, ce qui suggère que leur stabilité à long terme et leur impact environnemental doivent être pris en compte dans les applications pratiques.