L'hyperconnectivité associée à l'amyloïde entraîne la propagation de la tau à travers les régions cérébrales connectées dans la maladie d'Alzheimer

L’hyperconnectivité associée à l’amyloïde entraîne la propagation de la protéine tau dans la maladie d’Alzheimer

Contexte scientifique

La maladie d’Alzheimer (MA) est une maladie neurodégénérative courante caractérisée par l’accumulation de protéines amyloïdes-bêta (Aβ) et l’agrégation anormale et la propagation de la protéine tau dans le cerveau. Selon l’hypothèse traditionnelle de la “cascade amyloïde”, l’accumulation d’Aβ déclenche les changements pathologiques de la protéine tau, entraînant la dégénérescence neuronale et le déclin cognitif. Cependant, la manière dont l’Aβ influence la propagation de la protéine tau reste mal comprise. Des études récentes suggèrent que l’Aβ pourrait favoriser la propagation dépendante de l’activité de la protéine tau en induisant une hyperactivité neuronale et une hyperconnectivité. Ce mécanisme n’a pas encore été pleinement validé chez les patients humains, et son impact sur les stratégies thérapeutiques nécessite des recherches supplémentaires. Cette étude vise donc à explorer si l’Aβ accélère la propagation de la protéine tau entre les régions cérébrales en augmentant la connectivité neuronale et à révéler le rôle potentiel de ce processus dans la progression de la MA.

Source de l’article

Cet article a été rédigé par Sebastian N. Roemer-Cassiano, Fabian Wagner, Lisa Evangelista et d’autres chercheurs de l’hôpital universitaire de Munich, de l’Institut de recherche sur les accidents vasculaires cérébraux et la démence de l’université de Munich, de l’école de cognition Max Planck et de plusieurs autres institutions. Il a été publié le 22 janvier 2025 dans la revue Science Translational Medicine.

Conception et processus de l’étude

Participants et sources de données

L’étude s’appuie sur les données de l’initiative de neuroimagerie de la maladie d’Alzheimer (ADNI) et de l’étude A4, incluant deux échantillons :
1. Échantillon ADNI : 209 participants, dont 69 contrôles cognitivement normaux (CN) négatifs pour l’amyloïde (Aβ−) et 140 patients positifs pour l’amyloïde (Aβ+), couvrant le spectre de la MA, de la phase préclinique à la démence. Tous les participants ont subi une tomographie par émission de positons (PET) pour l’amyloïde, une imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (fMRI) au repos et des examens PET tau longitudinaux, avec un suivi moyen de 2,74 ans.
2. Échantillon A4 : 400 participants cognitivement normaux, dont 55 contrôles Aβ− et 345 patients précliniques Aβ+, utilisés pour valider les résultats transversaux de l’échantillon ADNI.

Processus de l’étude

  1. Collecte et prétraitement des données

    • Les données PET pour l’amyloïde, le tau et la fMRI ont été acquises selon des protocoles d’imagerie standardisés.
    • Les données PET tau ont été normalisées régionalement, et les données PET amyloïde ont été converties en unités centiloid pour harmoniser les résultats entre différents traceurs.
    • Les données fMRI ont été débruitées, corrigées des mouvements et filtrées en fréquence pour calculer les matrices de connectivité fonctionnelle.
  2. Identification des épicentres tau et analyse de la connectivité fonctionnelle

    • Définition des épicentres tau : Les 5 % des régions cérébrales avec les dépôts tau les plus élevés ont été identifiés comme épicentres tau pour chaque patient Aβ+.
    • Calcul de la connectivité fonctionnelle : La force de la connectivité entre les épicentres tau et les autres régions cérébrales a été calculée.
  3. Analyse de la relation entre l’Aβ et la connectivité fonctionnelle
    Des modèles de régression linéaire ont été utilisés pour analyser la relation entre la charge en Aβ et la force de la connectivité des épicentres tau, en contrôlant des facteurs tels que l’âge, le sexe et le diagnostic.

  4. Analyse de la relation entre la connectivité et la propagation du tau
    Les données PET tau longitudinales ont été utilisées pour évaluer si la force de la connectivité des épicentres tau prédisait le taux d’accumulation de la protéine tau dans d’autres régions cérébrales.

  5. Analyse des effets médiateurs
    Des modèles d’effets médiateurs ont été utilisés pour vérifier si l’effet de l’Aβ sur l’accumulation du tau était médié par une augmentation de la connectivité fonctionnelle.

Principaux résultats

  1. Relation entre l’Aβ et la connectivité des épicentres tau

    • Les patients avec une charge en Aβ plus élevée montraient une connectivité fonctionnelle significativement accrue entre les épicentres tau et les régions postérieures du cerveau, notamment le lobe temporal, le lobe pariétal et le lobe occipital.
    • Ce résultat a été validé dans les échantillons ADNI et A4, indiquant que l’hyperconnectivité liée à l’Aβ est une caractéristique précoce de la MA.
  2. Relation entre la connectivité et la propagation du tau

    • Les régions cérébrales avec une connectivité fonctionnelle plus forte montraient un taux d’accumulation de la protéine tau significativement plus rapide, en particulier dans les lobes temporal, pariétal et occipital.
    • Les résultats montrent que l’augmentation de la connectivité fonctionnelle est étroitement liée à la propagation transneuronale du tau.
  3. Effet médiateur de la connectivité fonctionnelle dans la propagation du tau induite par l’Aβ

    • L’analyse des effets médiateurs a révélé que 5 % à 25 % de l’effet de l’Aβ sur l’accumulation du tau était médié par une augmentation de la connectivité fonctionnelle.
    • Cette découverte met en lumière le mécanisme par lequel l’Aβ accélère la propagation du tau entre les régions cérébrales en induisant une hyperconnectivité neuronale.

Conclusion de l’étude

Cette étude est la première à valider chez des patients humains le mécanisme par lequel l’Aβ induit une hyperconnectivité neuronale, favorisant la propagation de la protéine tau entre les régions cérébrales. Cette découverte offre de nouvelles perspectives sur la pathologie de la MA et fournit une base théorique pour développer des stratégies thérapeutiques ciblant l’hyperconnectivité neuronale liée à l’Aβ. La modulation de la connectivité neuronale pourrait potentiellement ralentir la propagation du tau et ainsi freiner la progression de la MA.

Points forts de l’étude

  1. Découverte clé : Mise en évidence du mécanisme par lequel l’Aβ accélère la propagation du tau en augmentant la connectivité neuronale.
  2. Innovation méthodologique : Combinaison de données d’imagerie multimodales et d’analyses longitudinales pour évaluer globalement le rôle de la connectivité fonctionnelle dans la propagation du tau.
  3. Signification clinique : Offre une nouvelle cible thérapeutique potentielle, la modulation de la connectivité neuronale, pour ralentir la progression de la maladie.

Autres informations utiles

L’étude a également révélé que l’hyperconnectivité liée à l’Aβ n’était pas seulement significative entre les épicentres tau et les régions postérieures du cerveau, mais existait également à l’échelle du cerveau entier. De plus, la charge en Aβ était associée à une augmentation du métabolisme du glucose, soutenant davantage l’hypothèse que l’Aβ induit une hyperactivité neuronale. Ces découvertes ouvrent la voie à des recherches futures, notamment en combinant des indicateurs électrophysiologiques pour valider davantage la relation entre l’activité neuronale et la connectivité.