Un GPCR d'adhésion sensible à la force est nécessaire pour l'équilibrioception
Contexte académique
La perception de l’équilibre (équilibrioception) est une capacité essentielle pour les mammifères afin de percevoir et de naviguer dans un monde en trois dimensions. Cette capacité repose sur la réponse rapide de transduction mécanique-électrique (mechanoelectrical transduction, MET) des cellules ciliées vestibulaires (vestibular hair cells, VHCs), qui permet de détecter la position et le mouvement de la tête. Bien que des études aient montré que les protéines de type canal transmembranaire (transmembrane channel-like proteins, TMCs) sont des composants clés des canaux MET, de nombreuses questions restent sans réponse concernant les mécanismes moléculaires de la perception de l’équilibre. Ces dernières années, le rôle des récepteurs couplés aux protéines G (G protein-coupled receptors, GPCRs) en tant que capteurs de force mécanique a attiré l’attention, en particulier dans les systèmes sensoriels tels que la vision, l’odorat et le toucher. Cependant, la fonction des GPCRs dans le système vestibulaire n’a pas encore été suffisamment étudiée. Par conséquent, cette étude vise à explorer le rôle des GPCRs dans la perception de l’équilibre, en particulier la fonction du GPCR sensible à la force Lphn2 (également appelé ADGRL2) dans les cellules ciliées vestibulaires.
Source de l’article
Cette recherche a été menée par une équipe collaborative de plusieurs institutions de recherche de premier plan en Chine, notamment l’hôpital Qilu de l’université du Shandong, l’université du Sud-Est et l’université des sciences et technologies de Huazhong. L’équipe de recherche était dirigée par 15 premiers auteurs, dont Zhao Yang, Shu-Hua Zhou et Qi-Yue Zhang, et les auteurs correspondants incluent Wei Yang, Fan Yi, Ren-Jie Chai, Xiao Yu et Jin-Peng Sun. L’article a été publié en ligne le 18 février 2025 dans la revue Cell Research, sous le titre A force-sensitive adhesion GPCR is required for equilibrioception.
Processus et résultats de la recherche
1. Criblage des GPCRs sensibles à la force dans le système vestibulaire
L’équipe de recherche a d’abord analysé l’expression de 30 GPCRs dans les cellules ciliées vestibulaires de souris par séquençage d’ARN unicellulaire (single-cell RNA sequencing, scRNA-seq), identifiant 12 GPCRs exprimés dans plus de 20 % des cellules ciliées. Ensuite, l’équipe a développé un test de stimulation mécanique à haut débit, utilisant un système de pinces magnétiques et une plateforme de biosenseurs GPCR, pour détecter l’activation de ces GPCRs sous stimulation mécanique. Les résultats ont montré que cinq GPCRs—Lphn2, Gpr133, Gpr126, Lphn3 et Vlgr1—pouvaient activer les voies de signalisation Gi ou Gs en réponse à une stimulation mécanique, indiquant leur sensibilité mécanique.
2. Expression et fonction de Lphn2 dans les cellules ciliées vestibulaires
L’équipe a ensuite confirmé, par immunocoloration et hybridation in situ de l’ARN, que Lphn2 était exprimé sur la membrane apicale des cellules ciliées vestibulaires de souris, mais pas dans les stéréocils des cellules ciliées. En construisant un modèle de souris avec suppression conditionnelle de Lphn2, l’équipe a découvert que l’absence de Lphn2 entraînait des anomalies comportementales liées à l’équilibre chez les souris, notamment une augmentation significative des comportements de rotation et une diminution de la capacité de nage. De plus, l’absence de Lphn2 a entraîné une réduction significative des courants MET dans les cellules ciliées vestibulaires.
3. Régulation du processus MET par Lphn2 dans les cellules ciliées vestibulaires
Pour étudier plus en détail le rôle de Lphn2 dans le processus MET, l’équipe a utilisé un système de jet de fluide (fluid jet system) pour stimuler mécaniquement les cellules ciliées vestibulaires et enregistrer les courants MET. Les résultats ont montré que l’absence de Lphn2 ou le traitement avec l’inhibiteur spécifique de Lphn2, D11, réduisait significativement les courants MET dans les cellules ciliées vestibulaires. Fait intéressant, l’absence de Lphn2 n’affectait pas la rigidité des stéréocils ou les courants MET médiés par les tip-links, indiquant que Lphn2 régule un processus MET indépendant des tip-links.
4. Couplage fonctionnel entre Lphn2 et Tmc1
L’équipe a découvert, par co-immunoprécipitation et microscopie confocale, que Lphn2 et Tmc1 étaient colocalisés sur la membrane apicale des cellules ciliées vestibulaires. Des expériences supplémentaires dans un système d’expression hétérologue ont montré que Lphn2 pouvait convertir une stimulation mécanique en une augmentation de la probabilité d’ouverture du canal Tmc1. De plus, l’équipe a développé un inhibiteur spécifique de Tmc1, C14, qui a pu inhiber les courants MET médiés par Lphn2, soutenant ainsi le couplage fonctionnel entre Lphn2 et Tmc1 dans le processus MET.
5. Libération de neurotransmetteurs et signalisation calcique médiées par Lphn2
L’équipe a également découvert que Lphn2 pouvait induire la libération de glutamate (glutamate) dans les cellules ciliées vestibulaires sous stimulation mécanique, et déclencher une signalisation calcique (Ca2+ signaling). En utilisant un capteur de glutamate et une sonde fluorescente pour les ions calcium, l’équipe a confirmé que l’absence de Lphn2 ou le traitement avec D11 réduisait significativement la libération de glutamate et la réponse calcique sous stimulation mécanique.
6. Réexpression de Lphn2 pour restaurer la fonction d’équilibre
Enfin, l’équipe a réexprimé Lphn2 dans les cellules ciliées vestibulaires de souris déficientes en Lphn2 en utilisant un virus adéno-associé (adeno-associated virus, AAV), et a constaté que la réexpression de Lphn2 améliorait significativement les comportements d’équilibre des souris et rétablissait les courants MET dans les cellules ciliées vestibulaires. Ces résultats indiquent que Lphn2 participe directement à la régulation de la perception de l’équilibre dans le système vestibulaire.
Conclusion et signification
Cette étude a révélé que le GPCR sensible à la force Lphn2 est exprimé sur la membrane apicale des cellules ciliées vestibulaires et régule, par couplage fonctionnel avec Tmc1, un processus MET indépendant des tip-links. L’absence de Lphn2 entraîne des anomalies comportementales liées à l’équilibre chez les souris et une réduction significative des courants MET dans les cellules ciliées vestibulaires, tandis que la réexpression de Lphn2 restaure ces fonctions. Cette recherche met en lumière le rôle important des GPCRs dans le système vestibulaire et offre de nouvelles perspectives pour comprendre les mécanismes moléculaires de la perception de l’équilibre.
Points forts de la recherche
- Première démonstration du rôle des GPCRs dans la détection de la force mécanique dans le système vestibulaire : Lphn2, en tant que GPCR sensible à la force, participe à la perception de l’équilibre en régulant le processus MET dans les cellules ciliées vestibulaires.
- Découverte d’un processus MET indépendant des tip-links : Les courants MET régulés par Lphn2 ne dépendent pas des tip-links, indiquant une plus grande complexité du processus MET dans les cellules ciliées vestibulaires.
- Développement d’inhibiteurs spécifiques de Lphn2 et Tmc1 : D11 et C14 fournissent des outils puissants pour étudier les fonctions de Lphn2 et Tmc1.
- Restauration de la fonction d’équilibre par réexpression via AAV : Ces résultats offrent une stratégie thérapeutique potentielle pour les troubles vestibulaires.
Autres informations utiles
L’équipe de recherche a également observé que le mode d’expression de Lphn2 dans les cellules ciliées vestibulaires diffère de celui dans les cellules ciliées cochléaires, suggérant que les fonctions de Lphn2 pourraient varier selon les systèmes sensoriels. De plus, l’équipe a proposé un mode d’interaction entre Lphn2 et Tmc1, ouvrant de nouvelles perspectives pour étudier le couplage fonctionnel entre les GPCRs et les canaux ioniques.
Cette recherche approfondit non seulement notre compréhension des mécanismes moléculaires de la perception de l’équilibre, mais fournit également une base théorique pour le développement de nouvelles approches thérapeutiques pour les troubles vestibulaires. En révélant les fonctions des GPCRs dans le système vestibulaire, cette étude ouvre de nouvelles voies de recherche dans le domaine de la biologie sensorielle.