Les niveaux de testostérone salivaire et la perception de la douleur présentent une association spécifique au sexe chez les adultes en bonne santé mais pas chez les patients migraineux
Les niveaux de testostérone salivaire montrent une association spécifique au genre avec la perception de la douleur chez les adultes en bonne santé, mais pas chez les patients migraineux
Introduction
Comprendre la complexité de la douleur et le rôle joué par le genre dans la perception de la douleur est d’une importance cruciale pour la recherche médicale. La sensation de douleur est une expérience désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, qui peut être influencée par divers facteurs internes et externes tels que les gènes, l’état émotionnel, les différences de genre, etc. En particulier, concernant comment les hormones sexuelles régulent la douleur, de nombreuses études ont démontré une association entre la testostérone et l’atténuation de la douleur. Toutefois, le rôle spécifique du genre dans cette association reste largement inconnu, ce qui a conduit les chercheurs à explorer l’association entre les niveaux de testostérone salivaire et la perception de la douleur chez les adultes en bonne santé et les patients migraineux.
Contexte et objectifs de l’étude
Les auteurs de cet article se concentrent sur l’association spécifique au genre entre la testostérone salivaire et la perception de la douleur, en choisissant la migraine comme sujet d’étude, car il s’agit d’un trouble douloureux courant, avec une prévalence mondiale d’environ 15%. Le but de l’étude est d’examiner si, chez les individus sains et les patients migraineux, il existe une association spécifique au genre entre les niveaux de testostérone salivaire et la perception de la douleur, et si la migraine perturbe cette association.
Origine de l’étude
Cet article a été rédigé par Li-Ling Hope Pan, Shih-Pin Chen et d’autres chercheurs de l’Université Nationale Yang Ming Chiao Tung et publié en 2024 dans The Journal of Pain. L’équipe de recherche comprend des chercheurs de plusieurs institutions telles que l’Hôpital Général des Vétérans de Taipei, l’Université de Rome Polo Pontino et l’Université de Heidelberg.
Méthodes de l’étude
Participants
L’étude a recruté 88 témoins sains (HCs) et 75 patients migraineux (MIG) âgés de 20 à 50 ans, entre septembre 2019 et mai 2023. Les témoins sains devaient répondre à des critères tels que l’absence de maladies systémiques majeures, de troubles neurologiques et d’antécédents de troubles psychiatriques. Le groupe de migraineux devait répondre aux critères de diagnostic de la migraine de la troisième édition de la Classification Internationale des Céphalées (ICHD-3) et ne pas avoir reçu de traitement préventif pour la migraine depuis au moins trois mois.
Étapes expérimentales
- Évaluation par questionnaire : Les participants ont rempli une série de questionnaires comprenant l’Index de qualité de sommeil de Pittsburgh, l’Échelle de stress perçu, l’Échelle hospitalière d’anxiété et de dépression et le Questionnaire de sensibilité à la douleur, pour évaluer l’état psychologique et psychosocial.
- Échantillonnage de salive : Les niveaux de testostérone salivaire ont été mesurés à l’aide de kits ELISA commercialisés. Les échantillons ont été collectés entre 9h et 15h pour réduire les variations diurnes.
- Évaluation de la perception de la douleur : Les seuils de douleur à la chaleur (HPT) et les scores de douleur à 45°C (PPS) ont été évalués en appliquant des stimuli de douleur thermique à l’aide du Medoc TSA-II Neurosensory Analyzer. Chaque évaluation a été répétée cinq fois et une moyenne a été calculée.
Analyse des données
Diverses méthodes statistiques ont été utilisées pour analyser les données, y compris l’analyse de variance unifactorielle et bifactorielle, l’analyse de corrélation de Pearson et des modèles de régression linéaire. Le seuil de signification statistique a été fixé à p < .05.
Résultats principaux
Groupe témoin sain
- Niveaux de testostérone : Les niveaux de testostérone étaient significativement plus élevés chez les témoins masculins que chez les témoins féminins (142,1 ± 40,8 vs 74,3 ± 42,6 pg/ml).
- Corrélation : Une corrélation positive significative entre les niveaux de testostérone et le PPS a été observée chez les témoins masculins (r = .341, p = .029), tandis qu’une corrélation négative significative a été trouvée chez les témoins féminins (r = −.407, p = .005).
- Analyse des variables de contrôle : En tenant compte de l’indice de masse corporelle (IMC) et du moment de l’évaluation, les corrélations sont restées cohérentes.
Groupe migraineux
- Niveaux de testostérone : Les niveaux de testostérone étaient significativement plus élevés chez les patients migraineux masculins que chez les patients migraineux féminins (157,1 ± 45,7 vs 87,8 ± 48,1 pg/ml).
- Corrélation invalide : Aucune corrélation significative entre les niveaux de testostérone et le PPS n’a été trouvée dans le groupe des migraineux, quel que soit le genre. Cela pourrait être dû à des crises de migraine fréquentes interférant avec l’association entre la testostérone et la perception de la douleur.
Sensibilité à la douleur auto-déclarée
- Aucune différence significative entre les genres : Aucune différence significative entre les genres n’a été observée dans les résultats des questionnaires de sensibilité à la douleur, que ce soit dans le groupe témoin ou le groupe migraineux.
Impact du cycle menstruel
- Analyse du cycle menstruel : Aucune différence significative n’a été observée entre les périodes menstruelles des participantes et les niveaux de testostérone salivaire. Après contrôle des périodes menstruelles, la corrélation entre les niveaux de testostérone et le PPS est restée significative (HC : r = −.381, n = 47, p = .009; MIG : r = −.022, n = 45, p = .885).
Discussion
Les résultats de l’étude montrent qu’il existe une association spécifique au genre entre les niveaux de testostérone salivaire et la perception de la douleur chez les hommes et les femmes en bonne santé, mais cette association est absente chez les patients migraineux. Un niveau de testostérone plus élevé chez les hommes sains est associé à un score de douleur plus élevé, tandis que chez les femmes saines, il a un effet protecteur, illustrant les différences de mécanismes de traitement de la douleur selon le genre.
Raisons des différences observées
- Raisons potentielles des différences de genre : Cela pourrait être dû aux rôles différents du genre dans la régulation du système immunitaire. Les hommes dépendent davantage des cellules microgliales pour la médiation de la douleur, tandis que les femmes s’appuient plus sur les cellules T.
- Rôle du système endocannabinoïde : Il est connu que les endocannabinoïdes peuvent inhiber la libération de testostérone, influençant ainsi la capacité de la douleur endogène.
Signification clinique et perspectives de recherche
- Pertinence clinique de la douleur supraliminaire : Cliniquement, de nombreux types de douleur, comme les migraines et les douleurs lombaires, se manifestent souvent comme des douleurs supraliminaires. Étudier les scores de douleur supraliminaires peut fournir plus d’informations sur le traitement de la douleur.
- Changements dans les réseaux cérébraux : Des études ont déjà montré que les patients souffrant de douleurs présentent des changements fondamentaux dans le réseau du mode par défaut et le réseau saillant. L’étude des douleurs supraliminaires peut encore éclaircir ce domaine.
Limites
Les limitations de cet article incluent l’exclusion d’autres hormones sexuelles, le non-considération des différences ethniques et d’âge, une taille d’échantillon relativement petite, des incohérences dans les temps de prélèvement salivaire et la méthode d’estimation des périodes menstruelles. Les futures recherches devraient viser à vérifier ces résultats dans des groupes ethniques et d’âges plus diversifiés et à approfondir la compréhension des mécanismes des différences de genre entre la testostérone et la perception de la douleur.
Conclusion
Les résultats de l’étude montrent une association spécifique au genre significative entre les niveaux de testostérone salivaire et la perception de la douleur chez les hommes et les femmes en bonne santé, alors que cette association est perturbée chez les patients migraineux. Cette recherche offre une nouvelle perspective sur la relation entre les hormones sexuelles et la perception de la douleur, bénéfique pour les futures études sur le traitement de la douleur et la médecine de genre.