Une étude prospective de Pembrolizumab néoadjuvant plus chimiothérapie pour le carcinome épidermoïde œsophagien résécable : l'essai Keystone-001

Contexte et motivation de la recherche

Le carcinome épidermoïde de l’œsophage (Esophageal Squamous Cell Carcinoma, ESCC) est un cancer hautement invasif, en particulier aux stades localement avancés. La chimioradiothérapie néoadjuvante préopératoire (Neoadjuvant Chemoradiotherapy, NCRT) est la méthode de traitement standard pour ce type de cancer. Bien qu’elle ait des effets thérapeutiques significatifs, le taux de récidive locale et de métastases à distance reste élevé. En particulier chez les patients atteints de cancer de l’œsophage, le taux de récidive locale après NCRT peut atteindre 35%-50%. De plus, même si l’étude CheckMate-577 a montré que l’utilisation du nivolumab en adjuvant après l’opération peut prolonger significativement la survie sans maladie (DFS), l’amélioration de la survie globale (OS) reste limitée. Par conséquent, il est urgent d’explorer des stratégies de traitement néoadjuvant préopératoire pour améliorer le taux de réponse tumorale et le taux de survie des patients.

Ces dernières années, l’introduction des inhibiteurs des points de contrôle immunitaire (ICI) a apporté des progrès révolutionnaires dans le traitement du cancer, en particulier l’anticorps anti-PD-1 pembrolizumab, qui a montré son efficacité dans divers cancers et est déjà utilisé comme traitement standard de première ligne pour le cancer de l’œsophage avancé. En traitement néoadjuvant, l’immunothérapie combinée à la chimiothérapie pourrait être plus efficace pour inhiber le développement précoce de la tumeur, car la chimiothérapie peut renforcer l’efficacité de l’immunothérapie par divers mécanismes. Sur cette base, Shang et al. ont mené un essai clinique de phase II nommé Keystone-001 pour explorer la sécurité et l’efficacité du pembrolizumab en néoadjuvant combiné à la chimiothérapie chez les patients atteints d’un carcinome épidermoïde de l’œsophage localement avancé et résécable.

Source de la recherche

Cette étude a été rédigée par Xiaobin Shang, Yongjie Xie, Jinpu Yu et d’autres chercheurs, provenant de l’hôpital oncologique de l’université médicale de Tianjin ainsi que de plusieurs laboratoires et institutions professionnels. La recherche a été publiée dans le journal “Cancer Cell” le 14 octobre 2024.

Conception et méthodes de l’étude

Cette étude a utilisé un design d’essai clinique prospectif de phase II, incluant un total de 47 patients atteints d’ESCC localement avancé et résécable. Les étapes principales du design de l’étude sont les suivantes :

  1. Inclusion des patients et protocole de traitement : 47 patients ont reçu trois cycles de traitement avec le pembrolizumab combiné à la chimiothérapie, suivis d’une chirurgie robotique assistée par Da Vinci. Aucun événement indésirable de grade 3 ou supérieur n’a été observé au cours du traitement, et tous les patients ont complété le traitement néoadjuvant selon la dose prescrite.

  2. Critères de jugement principaux et secondaires : Les critères principaux incluaient la sécurité et la réponse pathologique majeure (MPR), tandis que les critères secondaires comprenaient la réponse pathologique complète (PCR) et les taux de survie (OS et DFS).

  3. Sécurité et qualité de vie des patients : Au cours de l’étude, aucun retard chirurgical lié au traitement n’a été observé, et aucun effet indésirable de grade 3 ou supérieur n’a été rapporté. Les effets indésirables de bas grade communs incluaient la perte de cheveux, les éruptions cutanées et la sécheresse cutanée. De plus, la qualité de vie s’est considérablement améliorée, et le statut nutritionnel a également été amélioré.

  4. Chirurgie et évaluation pathologique : 46 patients ont bénéficié d’une chirurgie assistée par robot, tous les patients ont atteint une résection R0 (c’est-à-dire une résection complète de la tumeur), avec un nombre médian de ganglions lymphatiques retirés de 37, sans décès rapporté dans les 30 jours ou 90 jours postopératoires.

  5. Séquençage unicellulaire et exploration des biomarqueurs immunitaires : Pour explorer les biomarqueurs de réponse, l’équipe de recherche a prélevé des échantillons de sang périphérique et de tissu tumoral de 12 patients pour une analyse du séquençage d’ARN unicellulaire. Les résultats ont montré que les cellules TRGC2+ NKT (cellules T tueuses naturelles avec récepteur de chaîne γ commun 2 positif) ont augmenté de manière significative chez les patients répondant efficacement au traitement néoadjuvant, et cela a été validé comme un marqueur biologique potentiel de la réactivité au traitement néoadjuvant.

Résultats de la recherche

  1. Réaction pathologique et taux de survie : Parmi les 46 patients évaluables, le taux de MPR a atteint 72%, et le taux de PCR était de 41%. Avec un suivi médian de 27,2 mois, les taux de OS et de DFS à 2 ans atteignaient respectivement 91% et 89%, montrant un bénéfice de survie significatif.

  2. Analyse des sous-groupes de cellules immunitaires : Après le traitement néoadjuvant, le sous-groupe de cellules TRGC2+ NKT a significativement augmenté dans le sang périphérique des patients ayant une réponse efficace, alors qu’aucun changement notable n’a été observé chez les patients avec une mauvaise réponse. En outre, l’analyse d’enrichissement fonctionnel a montré une activité significative dans les voies de la cytotoxicité à médiation par leucocytes et de l’apoptose.

  3. Expérimentation in vitro de validation : Dans le modèle d’organoïdes dérivés de patients ESCC, l’équipe de recherche a observé une corrélation positive entre la proportion de cellules TRGC2+ NKT et le taux d’apoptose des organoïdes, soutenant davantage le potentiel de ces cellules en tant que biomarqueurs de réponse pour l’immunothérapie.

  4. Analyse comparative et de prédiction : En comparant les cellules TRGC2+ NKT avec des ensembles de données de patients atteints de divers cancers, il a été trouvé que les patients ayant une infiltration élevée de cellules TRGC2+ NKT obtenaient de meilleurs résultats en immunothérapie. L’analyse de la courbe ROC a montré que l’effet prédictif des cellules TRGC2+ NKT était supérieur à celui des marqueurs d’activation immunitaire traditionnels.

Conclusions et portée de la recherche

Cette recherche indique que le pembrolizumab combiné à la chimiothérapie en tant que traitement néoadjuvant préopératoire présente des taux élevés de MPR et de PCR chez les patients atteints d’ESCC localement avancé et résécable, avec une bonne sécurité thérapeutique. En outre, l’augmentation des cellules TRGC2+ NKT dans le sang périphérique pourrait servir de marqueur biologique potentiel pour prédire l’efficacité du traitement néoadjuvant.

De plus, l’analyse fonctionnelle des cellules TRGC2+ NKT a révélé leur rôle significatif dans l’environnement microtumoral en termes de cytotoxicité et de présentation antigénique, offrant de nouvelles perspectives pour optimiser l’immunothérapie. En se basant sur ces résultats, l’équipe de recherche a lancé un essai clinique multicentrique de phase III, Keystone-002 (NCT04807673), visant à valider plus avant les bénéfices en survie du pembrolizumab en néoadjuvant combiné à la chimiothérapie par rapport à NCRT chez les patients avec ESCC résécable.

Points forts et innovations de la recherche

  1. Protocole de traitement innovant : Première validation du protocole de traitement néoadjuvant du pembrolizumab combiné à la chimiothérapie pour l’ESCC localement avancé dans un essai clinique de phase II, suggérant un potentiel pour remplacer le NCRT traditionnel.

  2. Exploration des biomarqueurs : Révélation pour la première fois de la valeur potentielle des cellules TRGC2+ NKT en tant que marqueurs prédictifs dans le traitement néoadjuvant, fournissant une base importante pour des traitements personnalisés.

  3. Amélioration de la qualité de vie : Les résultats de l’étude montrent une amélioration significative de la qualité de vie et de l’état nutritionnel des patients, apportant un nouveau soutien pour améliorer la tolérabilité au traitement préopératoire et l’adhésion des patients.

Perspectives futures

Bien que cette étude mette en évidence le potentiel clinique du traitement néoadjuvant du pembrolizumab combiné à la chimiothérapie pour les patients atteints d’ESCC, des essais randomisés à grande échelle restent nécessaires pour valider son bénéfice en termes de survie ainsi que la faisabilité des cellules TRGC2+ NKT en tant que biomarqueurs. En outre, l’exploration des fonctions des différentes cellules immunitaires dans l’environnement microtumoral fournira également plus de perspectives pour l’optimisation future des thérapies immunitaires.