Bactéries minéralisées oncolytiques en tant qu'immunothérapeutiques puissants administrés localement
Les bactéries minéralisatrices oncolytiques pourraient être utilisées pour l’immunothérapie des tumeurs via des injections locales
Contexte de l’étude
En tant que nouvelle méthode de traitement du cancer, l’immunothérapie basée sur les bactéries a une longue histoire. Elle remonte à la fin du 19e siècle, lorsque des bactéries inactivées par la chaleur étaient injectées pour traiter les sarcomes. Les premiers essais ont révélé que ces bactéries pouvaient provoquer une forte réponse immunitaire non spécifique, mobilisant un grand nombre de cellules tueuses pour combattre les cellules tumorales. Cependant, la recherche moderne montre que bien que ces types de bactéries (comme les toxines de Coley) aient été remplacés par la radiothérapie et la chimiothérapie au 20e siècle, leur efficacité thérapeutique est comparable à celle des traitements standard. Depuis les années 1990, il a été démontré que le bacille de Calmette-Guérin (BCG), une souche atténuée de Mycobacterium bovis, est devenu la principale immunothérapie intravésicale pour traiter le cancer de la vessie.
Ces dernières années, de nombreux groupes de recherche et entreprises de biotechnologie ont investi d’importantes ressources pour développer de nouvelles souches bactériennes oncolytiques, généralement modifiées par génie génétique pour réduire leur toxicité et leur conférer des capacités antitumorales supplémentaires. De plus, les bactéries ont également été utilisées pour développer des vaccins contre le cancer, ouvrant ainsi de nouvelles opportunités pour les thérapies immunologiques basées sur les bactéries. Parmi les bactéries couramment utilisées se trouvent Salmonella, Listeria et Clostridium.
Le microenvironnement tumoral immunosuppresseur (TME) des tumeurs solides peut inhiber l’activité des cellules immunitaires innées et empêcher les cellules immunitaires adaptatives de déployer leur activité antitumorale, entraînant une réponse médiocre de la tumeur à différentes thérapies, en particulier l’immunothérapie. Des études ont montré que l’injection de bactéries atténuées au niveau du site tumoral peut transformer les tumeurs immunologiquement “froides” en tumeurs “chaudes” immunoactives, augmentant ainsi leur réponse à d’autres thérapies.
Origine de l’article
Cet article a été rédigé conjointement par Chenya Wang, Qian Chen et d’autres chercheurs de l’Institut des matériaux nanofonctionnels et mous de l’Université de Suzhou et du Laboratoire clé des matériaux et dispositifs à base de carbone de la province de Jiangsu, ainsi que par Liping Zhong, Cong Hu et d’autres chercheurs de l’Université médicale du Guangxi. Il a été accepté pour publication le 17 février 2024 par la revue “Nature Biomedical Engineering”. Le papier étudie principalement l’utilisation de bactéries minéralisées comme nouvelle immunothérapie anticancéreuse.
Processus de recherche
1. Processus et méthodes de recherche
Les chercheurs ont choisi Salmonella typhimurium comme souche expérimentale et l’ont inactivée avec du formaldéhyde à 4 %, puis ont procédé à la minéralisation pour faire croître des structures nanométriques de dioxyde de manganèse (MnO2) sur la surface des bactéries inactivées.
Dans le processus de préparation spécifique, les chercheurs ont dispersé S. typhimurium inactivées (à une concentration de 7,5×10^9/ml) dans différentes concentrations de solution de MnSO4 (2,5 mM, 5 mM, 10 mM, 20 mM) pendant 15 minutes, puis ont ajouté NaOH pour la réaction. L’imagerie par microscopie électronique à balayage (SEM) et la spectrométrie de masse à plasma à couplage inductif (ICP-MS) ont confirmé que les particules de MnO2 couvraient uniformément la surface des bactéries.
2. Tests d’activation immunitaire et de toxicité à l’échelle cellulaire
Lors des expériences in vitro, les tests MTT ont montré que les bactéries inactivées n’avaient pas de cytotoxicité apparente sur les cellules CT26 et 4T1. En marquant les bactéries avec des fluorophores et en les co-cultivant avec des cellules dendritiques, ils ont constaté que les bactéries minéralisées avaient une efficacité de phagocytose cellulaire supérieure à celle des bactéries inactivées et des particules libres de MnO2.
Les chercheurs ont également évalué l’effet immunostimulant des bactéries minéralisées sur les cellules dendritiques dérivées de la moelle osseuse murine (BMDCs) et les cellules dendritiques dérivées des monocytes humains (MoDCs). Les résultats ont montré que bien que le MnO2 libre, les bactéries inactivées et leur mélange puissent tous stimuler efficacement la maturation des BMDCs, les bactéries minéralisées avaient l’effet stimulant le plus élevé, supérieur même au contrôle positif de lipopolysaccharide (LPS). Dans les expériences de stimulation des MoDCs, les bactéries minéralisées se sont avérées activer significativement les MoDCs.
3. Études in vivo sur divers modèles tumoraux
Lors des études in vivo, les chercheurs ont utilisé des modèles de cancer du côlon CT26, de cancer du sein 4T1, de mélanome B16F10, de cancer du pancréas KPC et de cancer du foie VX2 chez le lapin, et ont traité les tumeurs par une injection unique des bactéries minéralisées. Par rapport aux bactéries inactivées et au MnO2 libre, les bactéries minéralisées ont montré un effet inhibiteur de croissance tumorale plus significatif et un taux de guérison plus élevé. De plus, les chercheurs ont découvert que les bactéries minéralisées pouvaient induire un puissant effet de mémoire immunitaire, empêchant la récidive de la tumeur lors du rechallenge des souris ou des lapins ayant eu leurs tumeurs éliminées.
4. Évaluation de la sécurité
Les études toxicologiques ont révélé que les bactéries minéralisées n’induisant quasiment pas d’augmentation notable des cytokines chez les souris, et aucun dommage évident aux organes principaux n’a été observé. Les recherches sur la toxicité aiguë à haute dose ont montré que, bien que des abcès se forment parfois au site d’injection, la sécurité globale est satisfaisante.
Conclusion de la recherche
Les résultats de l’étude indiquent que les bactéries minéralisées peuvent activer divers chemins immunitaires et induire une réponse robuste et durable des cellules NK et des cellules T spécifiques, offrant ainsi une efficacité antitumorale marquante avec une bonne sécurité. Les bactéries minéralisées montrent un potentiel considérable en tant que nouvelle génération d’immunothérapie antitumorale, particulièrement pour les traitements localisés. Compte tenu des capacités uniques des bactéries minéralisées, y compris la transformation des tumeurs solides en zones inflammatoires immunitaires et leur forte stimulation immunitaire, leur application clinique future est prometteuse.
Points forts de l’étude
- Méthode innovante : Cette étude utilise la minéralisation des nanoparticules de MnO2 sur la surface de bactéries inactivées, augmentant considérablement leur capacité d’activation immunitaire.
- Validation sur divers modèles tumoraux : Les bactéries minéralisées ont montré une efficacité antitumorale significative dans plusieurs modèles tumoraux in vivo.
- Puissante mémoire immunitaire : Les souris et les lapins guéris ont montré un effet de mémoire immunitaire extrêmement fort lors du rechallenge, empêchant entièrement la récidive tumorale.
- Sécurité : Les bactéries minéralisées affichent une bonne tolérance à haute dose sans provoquer de réactions indésirables systémiques notables.
Cette recherche établit une base solide pour l’utilisation des bactéries minéralisées en tant qu’immunothérapie anticancéreuse nouvelle, efficace et sûre, et fournit un soutien substantiel pour leurs futurs essais cliniques.