Interactions entre les cellules de la lignée fibroblaste-adipocyte entraînent une production différentielle de protéines de la matrice extracellulaire
Contexte académique
La formation de cicatrices est un problème courant après des traumatismes, des brûlures et d’autres complications, affectant gravement la qualité de vie de millions de personnes dans le monde. Les fibroblastes jouent un rôle central dans la formation de cicatrices pathologiques, ce qui en fait une cible commune pour le développement de nouvelles thérapies visant à favoriser la guérison et à réduire les cicatrices. Des études récentes ont montré que les cellules de la lignée adipocytaire (adipocyte lineage cells) jouent également un rôle important dans le processus de cicatrisation. Des rapports cliniques indiquent que la transplantation de microgreffes adipeuses autologues (autologous adipose micrografts) sur le site chirurgical peut améliorer l’apparence et la flexibilité des cicatrices existantes. Cependant, les types de cellules présentes dans les greffes adipeuses et leurs mécanismes spécifiques dans la cicatrisation restent mal compris. Par conséquent, cette étude vise à explorer les interactions entre les cellules de la lignée adipocytaire et les fibroblastes, ainsi que la manière dont ces interactions influencent la production de protéines de la matrice extracellulaire (extracellular matrix, ECM).
Source de l’article
Cette recherche a été réalisée par Edward A. Sander, Mariam Y. El-Hattab, Kathryn R. Jacobson, Aloysius J. Klingelhutz, James A. Ankrum et Sarah Calve. L’équipe de recherche est issue de l’University of Iowa, de l’University of Colorado Boulder et de l’University of Iowa Carver College of Medicine. L’article a été publié en ligne le 29 octobre 2024 dans la revue Cellular and Molecular Bioengineering.
Processus de recherche
1. Culture cellulaire et formation de sphéroïdes
L’étude a d’abord utilisé des fibroblastes dermiques humains normaux immortalisés par TERT (human dermal fibroblasts) et des cellules souches dérivées du tissu adipeux (adipose-derived stem cells, ADSCs) pour la culture. Les fibroblastes et les ADSCs ont été formés en sphéroïdes (spheroids) respectivement par la méthode de goutte et la méthode de goutte suspendue. Les sphéroïdes d’ADSCs ont ensuite été différenciés en préadipocytes (pre-adipocytes) et en adipocytes matures (adipocytes).
2. Formation de gels de fibrine et co-culture de sphéroïdes
L’étude a utilisé de la fibrine bovine (bovine fibrinogen) et de la thrombine (thrombin) pour préparer des gels de fibrine (fibrin gels), et a co-cultivé des sphéroïdes de fibroblastes, de préadipocytes et d’adipocytes par paires. Le système de co-culture a observé la migration cellulaire et le dépôt de collagène (collagen deposition) par imagerie en temps réel (time-lapse imaging).
3. Marquage fluorescent et imagerie microscopique
Les cellules ont été marquées avant la co-culture avec de la lectine de germe de blé (wheat germ agglutinin, WGA) conjuguée à Alexa Fluor 647 ou avec CellTracker Red. Le dépôt de collagène a été visualisé à l’aide de la protéine fluorescente marquée par CNA35. Le système de co-culture a été imagé en continu pendant 7 jours à l’aide d’un microscope confocal Nikon Ti-E2 A1.
4. Analyse protéomique
L’étude a utilisé la chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem (liquid chromatography-tandem mass spectrometry, LC-MS/MS) pour analyser les protéines de l’ECM produites par différentes combinaisons de sphéroïdes. Les données protéiques ont été analysées à l’aide du logiciel MaxQuant et classées selon Gene Ontology et Matrisome Project.
Principaux résultats
1. Observation du dépôt de collagène
L’étude a révélé que les sphéroïdes de fibroblastes migraient sur les gels de fibrine et déposaient du collagène, principalement dans les zones de fibres alignées entre les sphéroïdes. Après co-culture avec des sphéroïdes d’adipocytes, le dépôt de collagène était plus prononcé autour des sphéroïdes d’adipocytes.
2. Différences dans la production de protéines de l’ECM
L’analyse LC-MS/MS a montré que la composition des protéines de l’ECM produites par différentes combinaisons de sphéroïdes variait considérablement. La co-culture de fibroblastes avec des préadipocytes (FP) produisait le plus de collagène, suivie par la co-culture d’adipocytes avec des adipocytes (AA). La co-culture de fibroblastes avec des fibroblastes (FF) produisait le moins de collagène.
3. Différences dans les protéines de la membrane basale
Les sphéroïdes d’adipocytes (AA) produisaient la plus grande variété de protéines de la membrane basale (basement membrane proteins), tandis que la co-culture d’adipocytes avec des fibroblastes (FA) ou des préadipocytes (PA) réduisait l’expression de certaines protéines de la membrane basale.
Conclusion
L’étude montre que les interactions entre les cellules de la lignée adipocytaire et les fibroblastes influencent de manière significative la production et la composition des protéines de l’ECM. En particulier, la co-culture de préadipocytes avec des fibroblastes augmente considérablement la production de collagène, tandis que la co-culture d’adipocytes avec des fibroblastes inhibe l’expression de certaines protéines de la membrane basale. Ces découvertes ouvrent de nouvelles perspectives pour le développement de stratégies thérapeutiques basées sur le tissu adipeux, susceptibles d’améliorer la cicatrisation et de réduire la formation de cicatrices.
Points forts de la recherche
- Découverte importante : Les interactions entre les cellules de la lignée adipocytaire et les fibroblastes influencent de manière significative la production de protéines de l’ECM, en particulier la co-culture de préadipocytes avec des fibroblastes augmente considérablement le dépôt de collagène.
- Innovation méthodologique : L’étude a utilisé un système de co-culture de sphéroïdes en 3D et la technique d’imagerie en temps réel, combinés à l’analyse LC-MS/MS, pour révéler de manière exhaustive l’impact des interactions cellulaires sur la composition des protéines de l’ECM.
- Valeur applicative : Les résultats de l’étude fournissent une base scientifique pour le développement de stratégies thérapeutiques basées sur le tissu adipeux, susceptibles d’améliorer la cicatrisation et de réduire la formation de cicatrices.
Autres informations utiles
L’étude a également révélé que les sphéroïdes d’adipocytes présentaient une plus grande stabilité sur les gels de fibrine, avec moins de migration cellulaire, ce qui pourrait être lié à la production de protéines de la membrane basale par les sphéroïdes d’adipocytes. De plus, l’étude a mis en lumière le rôle potentiel de différents types de collagène (comme les collagènes de type I, III et VI) dans le processus de cicatrisation.
Cette étude, grâce à une conception expérimentale systématique et à des techniques d’analyse avancées, explore en profondeur les interactions entre les cellules de la lignée adipocytaire et les fibroblastes et leur impact sur la production de protéines de l’ECM, fournissant ainsi une base scientifique importante pour les applications cliniques futures.