Contrôler la persistance spectrale d'un laser aléatoire
Contrôle de la persistance spectrale des lasers aléatoires
Contexte de la recherche
Depuis que la théorie des lasers aléatoires (Random Lasers, RLs) a été proposée par Letokhov dans les années 1960, ils sont devenus un domaine de recherche largement étudié. Une caractéristique majeure des RLs est qu’ils ne nécessitent pas de cavité optique fabriquée avec précision, ce qui les rend avantageux en termes de fabrication et de mise à l’échelle. En raison de leur nature multimode et de leur faible cohérence spatiale, ces lasers présentent des avantages uniques dans des applications telles que l’imagerie sans interférence sur tout le champ de vision. Par exemple, les RLs génèrent une lumière cohérente par émission stimulée dans un milieu de diffusion de la lumière, ayant des réponses non linéaires et des comportements de fluctuation spectrale uniques. Ces caractéristiques leur confèrent un potentiel d’application dans le domaine de la détection et de l’imagerie. De plus, les RLs montrent également un potentiel en tant qu’éléments non linéaires dans des réseaux complexes, en faisant des composants idéaux pour les réseaux neuronaux photoniques.
Cependant, en raison de la nature désordonnée de leur structure, les RLs rencontrent dans les applications réelles des problèmes tels que des fluctuations spectrales et une faible répétabilité. En particulier dans des applications nécessitant une haute répétabilité, telles que la synchronisation des réseaux neuronaux, les fluctuations spectrales affectent considérablement les performances. Par conséquent, contrôler la stabilité des modes des RLs et réduire les fluctuations spectrales est devenu un sujet de recherche très actif.
Origine et auteurs
Cet article a été publié dans le numéro 7 du volume 11 du journal “Optica” en juillet 2024, intitulé “Controlling the Spectral Persistence of a Random Laser”. La recherche a été réalisée par Pedro Moronta, Pedro Tartaj, Antonio Consoli, Pedro David García, Luis Martín Moreno et Cefe López. Les institutions associées aux premiers auteurs et aux auteurs correspondants incluent l’Instituto de Ciencia de Materiales de Madrid (ICMM), le Consejo Superior de Investigaciones Científicas (CSIC) et l’Universidad Rey Juan Carlos.
Processus de recherche et méthodes expérimentales
Préparation des échantillons
La préparation des échantillons utilisait trois principaux produits chimiques : le sel de sodium de l’ADN de saumon, le chlorure de CTMA et le colorant DCM (4-(dicyanométhylène)-2-méthyl-6-(4-diméthylaminostyril)-4H-pyrane). Les échantillons avaient une conception en forme de V pour faciliter l’ajustement de la longueur de la cavité. Le processus comprenait le mélange du sel de sodium de l’ADN de saumon avec le chlorure de CTMA pour obtenir un complexe ADN-CTMA, puis l’ajout du colorant DCM à la solution d’ADN-CTMA, et enfin la formation de structures en forme de V avec des bords rugueux par grattage du TiO2.
Configuration expérimentale optique
Deux systèmes laser ont été utilisés dans l’expérience : un laser à impulsions nanoseconde et un laser à impulsions picoseconde, émettant respectivement des impulsions de 15 ns et 30 ps, tous deux fonctionnant à une longueur d’onde de 532 nm. La sortie énergétique est contrôlée en tournant une demi-lame et un polariseur fixe, et une lentille cylindrique a été utilisée pour produire un faisceau linéaire. L’émission de lumière recueillie par un objectif de microscope à l’arrière a été analysée spectroscopiquement à l’aide d’un spectromètre. Les spectres d’émission uniques à différentes longueurs de cavité ont été mesurés pour évaluer leurs fluctuations spectrales.
Modèle théorique
La théorie des modes couplés (Coupled-Mode Theory, CMT) a été utilisée pour décrire le champ électromagnétique des modes par l’équation suivante :
[ \frac{d a_k}{d t} = i \delta_k a_k - \alpha_k ak + \sum{j \neq k} c_{k,j} a_j + g(t, \delta_k) \frac{a_k}{1 + \gamma_k |a_k|^2} ]
Les paramètres spécifiques comprennent l’amplitude complexe des modes, le décalage de fréquence centrale, la constante d’atténuation, le coefficient de couplage entre les modes, le gain et le coefficient de saturation. Ce modèle est utilisé pour simuler la relation entre la largeur d’impulsion de pompage et le temps d’interaction des modes, afin d’expliquer les résultats expérimentaux.
Résultats expérimentaux et discussion
Relation entre les fluctuations spectrales et la longueur de la cavité
Dans l’expérience, les chercheurs ont modifié la longueur de la cavité en maintenant une énergie de pompage constante et ont constaté que plus la longueur de la cavité est courte, plus les fluctuations spectrales uniques sont faibles. Comme illustré, pour une longueur de cavité de 330 ± 50 µm, le spectre d’émission unique est presque fixe. Pour des longueurs de cavité de 1300 ± 50 µm et 1910 ± 50 µm, les fluctuations spectrales sont significatives, se manifestant par des changements dans les positions des pics dans le spectre d’émission continue.
Analyse du coefficient de corrélation
En calculant le coefficient de corrélation de Pearson pour différentes longueurs de cavité, il a été découvert que plus la longueur de la cavité est courte, plus la corrélation entre les spectres est élevée. Avec une largeur d’impulsion de pompage plus longue (15 ns), les spectres à différentes longueurs de cavité sont presque identiques (coefficient de corrélation de Pearson proche de 1). Pour les impulsions plus courtes (30 ps), seuls les spectres des cavités plus courtes montrent une haute corrélation (coefficient de corrélation supérieur à 0,9).
Résultats de la simulation
Les simulations numériques basées sur le modèle CMT ont confirmé les résultats expérimentaux. Avec l’augmentation du nombre de modes (équivalent à une augmentation de la longueur de la cavité), les fluctuations spectrales uniques augmentent, le spectre accumulé devenant progressivement lissé avec un signal de ligne de base important. Ces résultats indiquent l’importance relative du temps d’interaction des modes par rapport à la largeur de l’impulsion de pompage.
Discussion et conclusion
La recherche montre que le contrôle de la largeur de l’impulsion de pompage et de la longueur de la cavité permet de réguler efficacement la persistance spectrale des RLs. Lorsque la largeur de l’impulsion de pompage est suffisamment longue pour que les photons effectuent suffisamment d’allers-retours dans la cavité, la compétition entre les modes se développe pleinement, formant finalement une structure spectrale stable.
Cette découverte a non seulement une signification importante pour la recherche fondamentale en physique des lasers, mais offre également une méthode simple et fiable de contrôle de la stabilité des modes pour les RLs dans les applications pratiques. Grâce à ce mécanisme de contrôle, le potentiel des RLs dans les domaines de la synchronisation, du traitement du signal et des réseaux neuronaux sera davantage exploré.
Signification de la recherche et perspectives
Cette recherche révèle le mécanisme de transition des RLs de l’instabilité à la stabilité, soulignant le rôle clé de la longueur de la cavité et de la largeur de l’impulsion de pompage dans le contrôle de la stabilité spectrale. Elle fournit non seulement une méthode de contrôle opérable pour les applications pratiques, mais ouvre également de nouvelles directions de recherche pour les RLs et leur application dans les réseaux complexes.
La recherche a été financée par le Ministère de la Science et de l’Innovation d’Espagne ainsi que par plusieurs projets de recherche. Les données de recherche peuvent être obtenues auprès des auteurs correspondants sur demande raisonnable, et le code Python utilisé pour les calculs de simulation peut également être fourni.
Les succès de cette recherche démontrent les avancées de l’équipe dans le domaine des lasers aléatoires, fournissant de nouvelles idées pour la science des lasers et la technologie des applications.