Un État Métabolique et Épigénétique Distinct Propulse l'Immunité Entraînée dans les Macrophages Dérivés des HSCs des Souris Auto-immunes
État métabolique et épigénétique des macrophages dérivés de HSC dans les maladies auto-immunes et mécanisme de leur impulsion sur l’immunité entraînée
Contexte de la recherche
Dans le contexte des maladies auto-immunes (Autoimmune Diseases, AD), des recherches ont montré que l’activation prolongée du système immunitaire et la réponse inflammatoire affectent non seulement les cellules immunitaires matures, mais ont également un impact profond sur les cellules souches hématopoïétiques (Hematopoietic Stem Cells, HSCs). Chez les patients atteints de maladies auto-immunes, il existe un grand nombre de cellules myéloïdes activées qui, en produisant des cytokines inflammatoires, déclenchent l’activation des cellules T auto-immunes même en l’absence de stimulation du récepteur des cellules T (TCR), aggravant ainsi le développement pathologique de la maladie. Cependant, la question de savoir si les cellules souches hématopoïétiques sont également affectées dans ce processus et jouent un rôle clé dans la réponse immunitaire ultérieure reste une problématique importante.
L’état inflammatoire des cellules myéloïdes présentes chez les patients atteints de maladies auto-immunes est étroitement lié au mécanisme de « l’immunité entraînée » (Trained Immunity, TI). L’immunité entraînée fait référence à la réponse “mémoire” du système immunitaire inné après une première exposition à un pathogène, qui se manifeste par une réponse immunitaire renforcée lors d’une seconde exposition. Cette réponse immunitaire renforcée se caractérise non seulement par une expression élevée de cytokines, mais est également accompagnée d’une reprogrammation des voies métaboliques, notamment une augmentation de la glycolyse et une activation associée du cycle de l’acide tricarboxylique (Cycle TCA). Les métabolites produits par cette activité métabolique sont essentiels pour le reprogrammage épigénétique. Cependant, il reste à vérifier si l’immunité entraînée peut être établie et persister dans les cellules souches hématopoïétiques, et se manifester dans les cellules descendantes avec des fonctions immunitaires similaires renforcées.
Source de la recherche
Cet article a été rédigé par Taylor S. Mills et les membres de son équipe, les chercheurs étant principalement issus de l’University of Colorado Anschutz Medical Campus aux États-Unis et du Baylor College of Medicine, entre autres instituts de recherche. L’étude a été publiée dans le journal « Cell Stem Cell » le 7 novembre 2024, l’auteur correspondant étant le Dr Eric M. Pietras.
Objectifs de la recherche et conception de l’expérience
Objectifs de la recherche
Cette étude vise à explorer si les cellules souches hématopoïétiques à long terme (HSCslt) peuvent servir de réservoir de cellules immunitaires entraînées dans les maladies auto-immunes, et ainsi jouer un rôle durable dans la régulation immunitaire au cours de la maladie. L’équipe de recherche a utilisé un modèle murin de lupus érythémateux systémique (Systemic Lupus Erythematosus, SLE) et, à travers une conception expérimentale en plusieurs étapes, a évalué l’état métabolique et épigénétique des macrophages dérivés de HSCslt dans l’immunité entraînée.
Procédure expérimentale
Impact de l’inflammation auto-immune sur la myélopoïèse
Les chercheurs ont utilisé un modèle murin de SLE induit par taxol, en analysant les populations cellulaires du sang périphérique et de la moelle osseuse pour observer l’impact de l’inflammation auto-immune chronique sur la myélopoïèse. Les résultats ont montré une augmentation significative des neutrophiles dans le sang périphérique et des cellules myéloïdes dans la moelle des souris traitées par taxol, accompagnée d’une augmentation de la myélopoïèse inflammatoire.Caractéristiques épigénétiques et métaboliques des progéniteurs myéloïdes et HSCs
Grâce au séquençage de l’ARN et du séquençage de l’accessibilité à la chromatine, l’équipe de recherche a analysé les changements d’expression génétique et épigénétique dans divers types cellulaires de la moelle osseuse de souris auto-immunes, y compris les monocytes, les progéniteurs granulocytes-monocytes (GMP), et les cellules souches hématopoïétiques multipotentes. Ils ont constaté que les HSCslt activaient des programmes de défense spécifiques dans un environnement inflammatoire auto-immun, mais montraient une accessibilité de la chromatine métabolique significativement réduite.Expériences de transplantation pour l’effet immunitaire entraîné des HSCslt
Pour vérifier si les HSCslt peuvent servir de réservoir à long terme pour l’immunité entraînée, l’équipe a transplanté des HSCslt de souris auto-immunes dans des souris saines. Les résultats ont montré que les HSCslt transplantées pouvaient se différencier en macrophages présentant une activité antibactérienne accrue et une sécrétion de cytokines, ces caractéristiques persistant même en conditions inflammatoires auto-immunes.État métabolique des macrophages et relation avec la fonction
L’étude a utilisé un analyseur Seahorse pour évaluer les caractéristiques métaboliques des macrophages. Contrairement à la reprogrammation métabolique observée dans l’immunité entraînée conventionnelle, les macrophages dérivés de HSCslt affichaient des caractéristiques de l’immunité entraînée renforcées, mais avec une activité glycolytique et phosphorylative oxydative basse, indiquant un découplage entre le métabolisme et la fonction.Analyse de l’accessibilité de la chromatine et de l’expression génique
L’étude a constaté une réduction significative de l’ouverture de la chromatine des gènes métaboliques dans les macrophages dérivés de HSCslt induits par une inflammation auto-immune. Ces changements épigénétiques se concentraient principalement sur les gènes centraux de la glycolyse et de la voie de signalisation mTOR, indiquant que les HSCslt et leurs cellules descendantes dans un état de mémoire immunitaire prolongé choisissaient des caractéristiques d’activité métabolique basse.
Résultats et conclusions de l’étude
Résultats principaux
HSCslt en tant que réservoir durable de l’immunité entraînée
L’expérience a montré que les HSCslt dans un environnement auto-immun pouvaient se différencier en macrophages présentant des caractéristiques d’immunité entraînée, avec une activité antibactérienne et une capacité de sécrétion de cytokines accrues. Cela suggère que les HSCslt peuvent devenir un réservoir pour l’immunité entraînée dans les maladies auto-immunes.Phénomène de découplage entre métabolisme et fonction
Dans l’état d’immunité entraînée, les macrophages dérivés de HSCslt n’ont pas affiché d’activité métabolique élevée traditionnelle, en particulier faible dans la glycolyse et la phosphorylation oxydative. Par l’analyse de l’accessibilité de la chromatine, on a trouvé que les gènes associés à ces voies métaboliques étaient épigénétiquement réprimés, signalant une découplage notable entre la régulation métabolique et la fonctionnalité.Maintien sélectif des HSCslt dans un environnement inflammatoire auto-immun
L’étude suggère que ce découplage pourrait être lié à un mécanisme de maintien sélectif des HSCslt dans un environnement inflammatoire auto-immun. Les HSCslt choisissent une sous-population avec une faible activité métabolique mais des caractéristiques immunitaires renforcées pour jouer un rôle persistant dans la réponse immunitaire ultérieure.
Conclusions de l’étude
L’équipe de recherche a proposé que dans un environnement auto-immun chronique, les HSCslt non seulement agissent comme un réservoir durable pour l’immunité entraînée, mais que leurs macrophages dérivés affichent un découplage entre la fonction et le métabolisme. Cette découverte remet en cause le modèle traditionnel de l’immunité entraînée, indiquant que les caractéristiques de l’immunité entraînée peuvent présenter des phénotypes métaboliques variés selon l’origine cellulaire et l’environnement. En particulier pour les HSCslt, leur activité métabolique est réprimée mais elles parviennent à maintenir une fonction immunitaire renforcée, suggérant que le mécanisme de maintien de l’immunité entraînée est plus complexe qu’on ne le pensait.
Importance et valeur de la recherche
Extension du modèle d’immunité entraînée
Cette recherche révèle que l’immunité entraînée ne se limite pas aux progéniteurs myéloïdes et aux cellules matures, mais que les cellules souches hématopoïétiques à long terme peuvent également servir de réservoir pour l’immunité entraînée, offrant une nouvelle perspective pour comprendre la diversité de l’immunité entraînée.Indications sur le potentiel thérapeutique métabolique dans les maladies auto-immunes
L’étude montre que le phénomène de découplage entre métabolisme et fonction parmi les macrophages dérivés de HSCslt peut signifier que les traitements ciblant les voies métaboliques pourraient avoir différents effets sur les cellules immunitaires entraînées de sources variées. Cette découverte propose de nouvelles pistes pour les stratégies thérapeutiques métaboliques futures dans les maladies auto-immunes.Révélation de nouveaux mécanismes pathologiques des maladies auto-immunes
HSCslt en tant que réservoir de l’immunité entraînée peuvent être réactivés et maintenir la réponse auto-immune durant la rémission et les rechutes de la maladie. Ce mécanisme suggère que les HSCslt jouent un rôle important dans les récurrences des maladies auto-immunes et peuvent devenir une cible potentielle pour le traitement futur de ces maladies.
Points forts et innovations de la recherche
Proposition innovante du rôle des HSCslt dans l’immunité entraînée
Cette étude est la première à proposer le rôle des HSCslt dans l’immunité entraînée des maladies auto-immunes, comblant ainsi un vide dans la recherche sur les réservoirs de l’immunité entraînée.Phénomène de découplage entre métabolisme et fonction immunitaire
Par les données épigénétiques, l’étude a révélé un phénomène de découplage entre métabolisme et fonction dans l’immunité entraînée, offrant une nouvelle compréhension des mécanismes de régulation métabolique du système immunitaire.Mécanisme de maintien sélectif des HSCs en environnement d’inflammation auto-immune à long terme
Cette étude propose qu’en environnement auto-immun, les HSCslt maintiennent sélectivement une sous-population à faible métabolisme avec des caractéristiques immunitaires renforcées, apportant une nouvelle explication des mécanismes pathologiques des maladies auto-immunes.
Conclusion
Grâce à une analyse approfondie des HSCslt et de leurs macrophages dérivés dans les modèles de maladies auto-immunes, cette recherche révèle le potentiel des HSCslt en tant que réservoir durable pour l’immunité entraînée, ainsi que le phénomène de découplage métabolique et fonctionnel de leurs cellules dérivées. Cette étude approfondit non seulement notre compréhension des mécanismes de l’immunité entraînée, mais fournit également une base théorique importante pour le traitement métabolique des maladies auto-immunes. Les futurs travaux de recherche exploreront si des phénomènes similaires de découplage existent dans l’immunité entraînée dans d’autres contextes de maladies, notamment les mécanismes de régulation moléculaire dans les HSCslt, afin de fournir de nouvelles pistes d’intervention pour les maladies auto-immunes et d’autres maladies inflammatoires chroniques.