Calcul mécanique parallèle : des métamatériaux capables de multitâche

Calcul mécanique parallèle : des métamatériaux capables de multitâche

Contexte académique

Des décennies après avoir été remplacés par des plateformes numériques, les calculs analogiques ont suscité un regain d’intérêt grâce aux développements dans les métamatériaux et les techniques de fabrication complexes. En particulier, les ordinateurs analogiques basés sur les ondes, qui effectuent des transformations spatiales sur un front d’onde incident pour réaliser des opérations mathématiques souhaitées, ont gagné en popularité en raison de leur capacité à encoder directement l’entrée sous sa forme non traitée, évitant ainsi la conversion analogique-numérique. Cependant, ces systèmes sont intrinsèquement limités à des configurations à tâche unique. Leur incapacité à effectuer simultanément plusieurs tâches, ou à calculer en parallèle, représente un obstacle majeur à l’avancement des dispositifs mécaniques conceptuels avec des capacités de calcul plus étendues. Ici, nous présentons une voie pour traiter simultanément des tâches de calcul indépendantes au sein de la même structure architecturée. En rompant l’invariance temporelle dans un ensemble de blocs de construction de métasurfaces, plusieurs faisceaux décalés en fréquence sont auto-générés, absorbant des quantités d’énergie notables du signal fondamental. L’apparition de ces harmoniques accordables permet d’attribuer des tâches de calcul distinctes à différents “canaux” indépendants, permettant ainsi à un ordinateur mécanique analogique de multitâcher.

Source de l’article

Cet article a été rédigé par Mohamed Mousa et Mostafa Nouh, respectivement du Département de génie mécanique et aérospatial et du Département de génie civil, structurel et environnemental de l’Université de Buffalo (Université d’État de New York). L’article a été publié le 18 décembre 2024 dans la revue PNAS.

Processus de recherche

1. Objectif et méthode de recherche

L’objectif de cette étude est de développer un système de calcul mécanique capable de traiter simultanément plusieurs tâches de calcul indépendantes dans la même structure architecturée. Pour atteindre cet objectif, les chercheurs ont adopté une approche basée sur les métasurfaces, en modulant temporellement les blocs de construction de métasurfaces pour générer plusieurs faisceaux décalés en fréquence, permettant ainsi un traitement parallèle de différentes tâches de calcul.

2. Approche par métasurface

Le système de calcul mécanique (AMC) est composé de trois éléments principaux : un sous-bloc de transformation de Fourier spatiale (FT), une métasurface opératrice ou un sous-bloc de filtrage spatial (SF), et un sous-bloc de transformation de Fourier inverse (IFT). La fonction d’entrée ( f(y) ) est encodée spatialement sous la forme d’une onde incidente et est transformée en une sortie correspondante ( g(y) ) via le schéma suivant :

[ g(y) = IFT[H(k_y) \cdot FT[f(y)]] ]

où ( k_y ) est la fréquence spatiale et ( H(k_y) ) est la fonction de transfert entre les champs incident et transmis, décrivant l’opération mathématique souhaitée. Par exemple, les fonctions de transfert associées aux opérations de différenciation et d’intégration consistent respectivement à multiplier et diviser l’entrée par ( (ik_y) ).

3. Conception des cellules unitaires

La dynamique de l’AMC nécessite une cellule unitaire avec une large gamme d’amplitudes de transmission ( |\overline{t}| ) et d’angles de phase ( \phi ). À cette fin, les chercheurs ont adopté une cellule unitaire sublongueur d’onde composée d’un tuyau droit couplé à quatre résonateurs de Helmholtz (HR). En ajustant la hauteur du tuyau droit ( h_1 ) et la hauteur des résonateurs ( h_3 ), il est possible de contrôler avec précision l’amplitude de transmission et la phase.

4. Modulation temporelle

Pour permettre le calcul parallèle dans l’AMC, les chercheurs ont exploité les changements dans le contenu fréquentiel d’un signal se propageant dans des milieux périodiques associés à un biais de moment. En modulant temporellement les propriétés des cellules unitaires, les chercheurs ont pu redistribuer une partie notable de l’énergie des ondes volumiques dans des bandes latérales représentant des harmoniques montantes et descendantes de la fréquence fondamentale. Dans le modèle numérique par éléments finis, chaque domaine de résonateur est défini comme un maillage mobile, où les positions du maillage déformé sont introduites dans la dynamique du système comme degrés de liberté.

Résultats principaux

1. Calcul unique

À titre de vérification, les chercheurs ont d’abord introduit une modulation temporelle uniforme dans un système initialement conçu pour effectuer une seule opération mathématique, comme la différenciation. Bien que l’on s’attende à ce que l’énergie soit redistribuée du canal de fréquence fondamentale vers d’autres harmoniques, la fonctionnalité de l’AMC reste cohérente sur tous les canaux de fréquence en raison de l’uniformité de la modulation imposée. Les résultats montrent que l’AMC peut calculer avec succès la dérivée spatiale de la charge d’entrée sur les canaux de fréquence fondamentale et descendante.

2. Calcul parallèle

Après avoir confirmé la fonctionnalité de calcul unique, les chercheurs ont configuré l’AMC pour exécuter simultanément deux opérations indépendantes. En sélectionnant soigneusement les paramètres de modulation et les hauteurs ajustables, les amplitudes de pression les plus élevées se produisent sur les canaux de fréquence fondamentale et descendante. Les résultats montrent que l’AMC peut effectuer une opération mathématique principale (comme la différenciation) sur la fréquence fondamentale du signal d’entrée, tout en exécutant simultanément une opération secondaire (comme l’intégration) sur le canal de fréquence descendante, réalisant ainsi un calcul parallèle.

3. Insensibilité au type de tâche

Les chercheurs soulignent que cette capacité intégrée de l’AMC à effectuer des calculs en parallèle est hautement robuste. Quelle que soit l’opération requise ou le canal de fréquence utilisé, le système maintient sa fonctionnalité. Pour le prouver, les chercheurs ont démontré la capacité de l’AMC à résoudre des équations différentielles ordinaires (EDO) de second ordre simultanément sur différents canaux de fréquence, confirmant ainsi la robustesse et la flexibilité de conception du système.

Conclusion

Cette étude a démontré avec succès la réalisation d’un calcul parallèle via le multiplexage fréquentiel dans le domaine des systèmes de calcul mécanique exploitant la diffusion d’ondes guidées dans des métasurfaces accordées. Le système présenté a montré sa capacité à exécuter simultanément deux opérations mathématiques distinctes, en décomposant des ondes incidentes monochromatiques en signaux supplémentaires, dont deux ont été soigneusement ajustés pour produire les calculs souhaités sur le signal d’entrée. Ce processus a été rendu possible par l’utilisation de cellules unitaires de métasurfaces acoustiques composées de cavités résonantes de Helmholtz, dont les paramètres géométriques présentent des modulations temporelles finement ajustées. De manière notable, nous avons montré que cette approche est robuste et effectivement insensible au type de calcul ou à la fréquence sur laquelle il est hébergé. Il convient de noter que bien qu’il y ait une complexité supplémentaire pour permettre cette forme de multiplexage, le coût supplémentaire, l’espace et le taux d’erreur associés à l’empilement de plusieurs AMC à tâche unique pour effectuer les mêmes fonctions dépassent de manière exponentielle la complexité introduite par le multiplexage fréquentiel dans les ordinateurs analogiques, grâce aux récents progrès dans les matériaux ingénierisés et les techniques de fabrication. En plus de fournir une solution compacte avec des compromis minimaux, la capacité à distinguer entre les calculs primaires (qui occupent la majeure partie du spectre énergétique et dominent les champs d’onde dans le domaine temporel) et les calculs secondaires (qui sont hébergés dans des canaux de fréquence à faible observabilité uniquement identifiables par l’utilisateur) est unique à l’AMC proposé et soutient une forme de calcul furtif qui serait autrement inaccessible par une simple réplication de sous-unités conventionnelles. Enfin, la capacité multitâche inhérente du système basé sur les métamatériaux présenté ouvre des perspectives passionnantes pour l’exploration future dans les domaines du calcul physique et du calcul réservoir, tant dans les milieux mécaniques qu’au-delà.

Points forts de la recherche

  1. Capacité multitâche : Cette étude a réalisé pour la première fois la capacité de calcul parallèle dans les systèmes de calcul mécanique, dépassant les limites des ordinateurs analogiques traditionnels à tâche unique.
  2. Technique de multiplexage fréquentiel : En modulant temporellement les cellules unitaires des métasurfaces, les chercheurs ont réussi à attribuer plusieurs tâches de calcul à différents canaux de fréquence, permettant un traitement parallèle.
  3. Robustesse et flexibilité : L’insensibilité du système au type de tâche et au canal de fréquence démontre sa large applicabilité dans des contextes pratiques.
  4. Applications potentielles : Cette recherche ouvre de nouvelles voies d’exploration dans les domaines du calcul physique et du calcul réservoir, en particulier dans les milieux mécaniques.

Autres informations utiles

Cette étude a également discuté de la robustesse du système dans des conditions de charge complexes, montrant que même lorsque le signal d’entrée est pollué par du bruit à large bande ou contient une gamme de fréquences plus étendue, l’AMC peut toujours effectuer efficacement des calculs parallèles. De plus, les chercheurs ont fourni des informations détaillées sur la disponibilité des matériaux et des logiciels, toutes les données de l’étude étant incluses dans l’article et les informations supplémentaires.