Profils de réponse des cellules MAIT humaines orientés vers IL-17 ou IL-10 comme états effecteurs distincts dirigés par le milieu cytokinique

La plasticité fonctionnelle des cellules MAIT humaines et leur rôle dans la régulation immunitaire

Contexte académique

Les cellules T invariantes associées aux muqueuses (Mucosal-Associated Invariant T cells, MAIT) sont une classe de lymphocytes T non conventionnels largement présentes chez les individus en bonne santé, en particulier dans les tissus muqueux. Les cellules MAIT possèdent des caractéristiques semblables à celles du système immunitaire inné et peuvent rapidement reconnaître des antigènes dérivés des métabolites de la voie de biosynthèse de la riboflavine produits par les microorganismes, ces antigènes étant présentés par des protéines non polymorphiques MHC-Ib connexes (MR1). Les cellules MAIT jouent un rôle important dans l’immunité antimicrobienne, mais les mécanismes qui régulent leur hétérogénéité fonctionnelle restent encore peu clairs. La plasticité fonctionnelle des cellules MAIT, c’est-à-dire leur capacité à afficher différents états fonctionnels selon les conditions du microenvironnement, est un domaine de recherche clé en immunologie ces dernières années.

Le but de cette étude était d’explorer comment les cellules MAIT ajustent leurs réponses fonctionnelles lors de la reconnaissance antigénique en fonction des signaux cytokiniques du microenvironnement. Plus précisément, l’équipe de recherche a tenté de révéler comment les cellules MAIT modulent leurs réponses inflammatoires ou anti-inflammatoires lorsqu’elles sont exposées à différentes cytokines (comme IL-12, IL-18, etc.) et d’identifier les mécanismes moléculaires sous-jacents. Cette étude contribue non seulement à comprendre le rôle des cellules MAIT dans les infections et l’inflammation, mais elle fournit également une base théorique pour développer des stratégies thérapeutiques immuno-basées utilisant les cellules MAIT.

Source de l’article

Cet article a été co-rédigé par Caroline Boulouis, Elli Mouchtaridi, Thomas R. Müller et d’autres chercheurs issus de plusieurs institutions, notamment l’Institut Karolinska (Suède) et l’Université du Queensland (Australie). L’article a été publié dans le journal PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences) le 4 février 2025, sous le titre “Human MAIT cell response profiles biased toward IL-17 or IL-10 are distinct effector states directed by the cytokine milieu”.

Méthodologie et résultats

Méthodologie

L’équipe de recherche a utilisé une approche combinée d’analyse fonctionnelle et de transcriptomique à l’échelle des cellules uniques (scRNA-seq) pour étudier systématiquement les réponses fonctionnelles des cellules MAIT dans différents environnements cytokiniques. Voici les étapes spécifiques de l’étude :

  1. Isolation et stimulation des cellules MAIT
    Isolation des cellules MAIT à partir du sang périphérique de volontaires en bonne santé, en utilisant des cellules THP-1 comme cellules présentatrices d’antigènes, chargées avec 5-OP-RU (un antigène reconnu par les cellules MAIT), et stimulation en présence de différentes cytokines (comme IL-12, IL-18, IL-23, etc.).

  2. Analyse fonctionnelle
    Utilisation de la cytométrie en flux pour détecter la sécrétion de cytokines par les cellules MAIT après stimulation (comme IL-10, IL-17, IFNγ, TNF) ainsi que l’expression de marqueurs de surface cellulaires (comme CD69, CD107a). Une analyse de clustering non supervisée a été effectuée à l’aide de UMAP (Uniform Manifold Approximation and Projection).

  3. Analyse transcriptomique à l’échelle des cellules uniques
    Séquençage RNA à l’échelle des cellules uniques (scRNA-seq) des cellules MAIT stimulées pour analyser les caractéristiques transcriptomiques sous différents stimuli, suivie d’une analyse d’enrichissement de jeux de gènes (GSEA) et d’une analyse de réseau de régulation (PySCENIC) pour identifier les facteurs de transcription liés à l’expression de IL-10 et IL-17.

  4. Expériences de knockout CRISPR/Cas9
    Pour valider le rôle des facteurs de transcription c-Maf et Aiolos dans l’expression de IL-10, l’équipe a utilisé la technologie CRISPR/Cas9 pour éliminer ces gènes et observer leur impact sur la fonction des cellules MAIT.

  5. Expériences de réversibilité fonctionnelle
    Utilisation de la technique de capture de sécrétion pour isoler les cellules MAIT positives pour IL-10 et IL-17, puis culture pendant deux semaines avant une nouvelle stimulation pour évaluer la réversibilité de leur état fonctionnel.

Principaux résultats

  1. L’environnement cytokinique influence significativement la réponse fonctionnelle des cellules MAIT
    Il a été constaté que les cellules MAIT se dirigent vers la sécrétion de cytokines anti-inflammatoires comme IL-10 lorsqu’elles sont stimulées par IL-12 ou IL-23 ; alors qu’en présence de IL-18, elles montrent une forte réaction inflammatoire en sécrétant des cytokines pro-inflammatoires comme IL-17, GM-CSF, etc. Notamment, IL-18 inhibe fortement l’expression de IL-10.

  2. La transcriptomique révèle les changements d’état fonctionnel des cellules MAIT
    L’analyse scRNA-seq a montré que les cellules MAIT stimulées par différentes cytokines ont des signatures transcriptomiques uniques. Par exemple, IL-12 et IL-23 induisent l’expression de gènes liés à la régulation immunitaire (comme IL10, LAG3, CTLA4), tandis que IL-18 active des gènes liés à l’inflammation et au chémoattraction (comme IFNG, CSF2, CCL20).

  3. c-Maf est un facteur de transcription clé pour l’expression de IL-10 par les cellules MAIT
    Grâce aux expériences de knockout CRISPR/Cas9, l’équipe a découvert que c-Maf est nécessaire pour l’expression de IL-10 par les cellules MAIT, alors que Aiolos, bien que hautement exprimée dans les cellules positives pour IL-10, n’est pas essentielle.

  4. L’état fonctionnel des cellules MAIT est réversible
    Les expériences ont montré que les états fonctionnels des cellules MAIT positives pour IL-10 et IL-17 ne sont pas stables, mais plutôt des états d’effeteurs réversibles qui peuvent s’ajuster en fonction des conditions du microenvironnement.

Conclusion et importance

Cette étude a systématiquement révélé comment les cellules MAIT ajustent leurs réponses fonctionnelles lors de la reconnaissance antigénique en fonction des signaux cytokiniques du microenvironnement. Les résultats montrent que les cellules MAIT se dirigent vers la sécrétion de IL-10 sous l’influence de IL-12 et IL-23, ce qui confère une fonction de régulation immunitaire ; alors qu’en présence de IL-18, elles montrent une forte réaction inflammatoire. c-Maf a été identifié comme un facteur de transcription clé pour l’expression de IL-10. Ces découvertes enrichissent notre compréhension de la plasticité fonctionnelle des cellules MAIT et offrent de nouvelles perspectives pour le développement de stratégies thérapeutiques basées sur les cellules MAIT.

Points forts de l’étude

  1. Nouvelle découverte sur la plasticité fonctionnelle : Première révélation systématique de la plasticité fonctionnelle des cellules MAIT dans différents environnements cytokiniques et de ses mécanismes moléculaires.
  2. Application de la transcriptomique : Utilisation de la scRNA-seq pour analyser en profondeur les caractéristiques transcriptomiques des cellules MAIT, offrant une nouvelle perspective pour comprendre leur régulation fonctionnelle.
  3. Validation par CRISPR/Cas9 : Expériences de knockout génétique confirmant le rôle clé de c-Maf dans l’expression de IL-10, renforçant les conclusions de l’étude.
  4. Réversibilité fonctionnelle : Découverte que l’état fonctionnel des cellules MAIT est réversible, ouvrant de nouvelles possibilités pour leur utilisation dans la régulation immunitaire.

Informations supplémentaires de valeur

L’étude a également révélé que la sécrétion de IL-10 par les cellules MAIT peut réguler la réponse immunitaire des monocytes par action paracrine, favorisant la différenciation des macrophages anti-inflammatoires. Cette découverte souligne davantage le rôle crucial des cellules MAIT dans la régulation immunitaire.