Nivolumab néoadjuvant et chimiothérapie dans le cancer du sein à récepteur d'œstrogène positif précoce : un essai de phase 3 randomisé
Étude sur le traitement néoadjuvant par Nivolumab combiné à la chimiothérapie dans le cancer du sein positif aux récepteurs des œstrogènes au stade précoce
Contexte académique
Le cancer du sein est l’un des cancers les plus fréquents chez les femmes à l’échelle mondiale, et les cancers du sein positifs aux récepteurs des œstrogènes (ER+) et négatifs au facteur de croissance épidermique humain 2 (HER2−) représentent la majorité des cas. Bien que les cancers ER+/HER2− soient sensibles au traitement hormonal, leur taux de réponse pathologique complète (pCR) à la chimiothérapie est faible, en particulier chez les patients à haut risque. Récemment, les inhibiteurs des points de contrôle immunitaire ont montré des résultats significatifs dans le traitement de divers cancers, notamment dans le cancer du sein triple négatif (TNBC). Cependant, leur rôle dans le cancer du sein ER+/HER2− reste incertain.
Cette étude vise à évaluer si l’ajout de Nivolumab, un inhibiteur de la mort programmée-1 (PD-1), au traitement néoadjuvant peut améliorer le taux de pCR chez les patientes atteintes d’un cancer du sein ER+/HER2− à haut risque au stade précoce. À travers cette recherche, les scientifiques espèrent fournir un nouveau paradigme thérapeutique pour ces patientes et explorer davantage le potentiel de l’immunothérapie dans ce sous-type.
Source de l’article
Cet article a été co-rédigé par Sherene Loi et plusieurs autres chercheurs issus de plusieurs institutions internationales renommées, dont le Peter MacCallum Cancer Centre, l’University of Melbourne et l’European Institute of Oncology. L’article a été publié en février 2025 dans la revue Nature Medicine, sous le titre “Neoadjuvant nivolumab and chemotherapy in early estrogen receptor-positive breast cancer: a randomized phase 3 trial”. L’étude a été financée par Bristol Myers Squibb.
Protocole de l’étude
Conception de l’étude et sélection des patientes
Il s’agit d’un essai clinique randomisé, multicentrique et en double aveugle de phase 3 (NCT04109066), conçu pour évaluer l’efficacité du Nivolumab combiné à une chimiothérapie néoadjuvante chez les patientes atteintes d’un cancer du sein ER+/HER2− à haut risque. Sur les 830 patientes évaluées, 510 ont été randomisées : 257 ont reçu du Nivolumab combiné à la chimiothérapie, et 253 ont reçu un placebo combiné à la chimiothérapie. Toutes étaient nouvellement diagnostiquées avec un cancer du sein ER+/HER2− à haut risque, avec un grade tumoral de 3 ou 2, et une expression des ER entre 1% et ≤10%.
Schéma thérapeutique
Les patientes ont reçu un traitement hebdomadaire à base de paclitaxel pendant 12 semaines, suivi d’une administration de Nivolumab (360 mg) ou de placebo toutes les trois semaines, en association avec des anthracyclines et de la cyclophosphamide. Toutes les patientes ont subi une intervention chirurgicale dans les quatre semaines suivant la fin du traitement néoadjuvant. Après la chirurgie, elles ont poursuivi un traitement par Nivolumab (480 mg) combiné à une thérapie hormonale pendant sept cycles.
Critères principaux et secondaires
Le critère principal était le taux de pCR (ypT0/is, ypN0), c’est-à-dire l’absence de maladie résiduelle invasive dans le sein et les ganglions lymphatiques après la chirurgie. Les critères secondaires incluaient les taux de charge cancéreuse résiduelle (RCB) de classe 0 ou I, la survie sans événement (EFS) et l’évaluation de la sécurité. De plus, les chercheurs ont évalué l’expression de PD-L1 via les tests immunohistochimiques Ventana SP142 et Dako 28-8, ainsi que le pourcentage de lymphocytes infiltrant la tumeur (TILs) à partir de colorations HE.
Résultats principaux
Augmentation significative du taux de pCR
Dans le groupe traité par Nivolumab, le taux de pCR était de 24,5%, significativement supérieur aux 13,8% observés dans le groupe placebo (p=0,0021). Ce résultat était particulièrement marqué chez les patientes présentant une forte expression de PD-L1 (SP142 ≥1%), avec un taux de pCR de 44,3% dans le groupe Nivolumab contre 20,2% dans le groupe placebo. De plus, chez les patientes ayant des niveaux élevés de TILs, le taux de pCR dans le groupe Nivolumab était également significativement plus élevé que dans le groupe placebo.
Amélioration des taux de RCB 0 ou I
Le taux de RCB 0 ou I était de 30,7% dans le groupe Nivolumab, contre 21,3% dans le groupe placebo. Ce résultat correspond à l’amélioration observée du taux de pCR, indiquant que le Nivolumab réduit significativement la charge tumorale résiduelle postopératoire.
Évaluation de la sécurité
La sécurité du Nivolumab était conforme à son profil connu, sans nouveaux signaux de sécurité identifiés. Cependant, deux décès liés à la toxicité du médicament ont été rapportés dans le groupe Nivolumab, dus respectivement à une pneumonie et à une hépatite. De plus, les événements indésirables liés à l’immunité étaient plus fréquents dans le groupe Nivolumab, nécessitant une surveillance accrue.
Conclusion et implications
Cette étude montre que l’ajout de Nivolumab à la chimiothérapie néoadjuvante augmente significativement le taux de pCR chez les patientes atteintes d’un cancer du sein ER+/HER2− à haut risque au stade précoce, en particulier chez celles présentant une forte expression de PD-L1 ou des niveaux élevés de TILs. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives pour le traitement du cancer du sein ER+/HER2−, soulignant le potentiel de l’immunothérapie dans ce sous-type. En outre, les résultats suggèrent que PD-L1 et TILs pourraient servir de biomarqueurs prédictifs de l’efficacité du Nivolumab, permettant une meilleure personnalisation des schémas thérapeutiques.
Points forts de l’étude
- Augmentation significative du taux de pCR : Le Nivolumab combiné à la chimiothérapie a considérablement augmenté le taux de pCR chez les patientes atteintes d’un cancer du sein ER+/HER2− à haut risque, en particulier chez celles ayant une forte expression de PD-L1.
- Exploration des biomarqueurs : PD-L1 et TILs ont été identifiés comme des biomarqueurs importants pour prédire l’efficacité du Nivolumab, offrant une base pour des traitements personnalisés.
- Évaluation de la sécurité : Bien que le profil de sécurité du Nivolumab soit cohérent avec ses données antérieures, une incidence plus élevée d’événements indésirables liés à l’immunité a été observée, nécessitant une attention particulière.
Autres informations intéressantes
L’étude a également exploré l’impact des niveaux d’expression des récepteurs des œstrogènes et des progestérones sur l’efficacité du Nivolumab, révélant que les patientes ayant des niveaux plus bas d’ER et de progestérone bénéficiaient davantage du Nivolumab. Cette observation suggère que les patientes ayant de faibles niveaux d’ER et de progestérone pourraient partager des caractéristiques immunitaires similaires à celles des patientes atteintes de TNBC, méritant des recherches supplémentaires.
Cette étude offre de nouvelles perspectives pour le traitement du cancer du sein ER+/HER2−, mettant en avant le potentiel de l’immunothérapie dans ce sous-type et fournissant des références importantes pour les recherches futures.