Atezolizumab après chimioradiothérapie définitive chez les patients atteints d'un carcinome épidermoïde de l'œsophage localement avancé non résécable – un essai de phase 2 multicentrique (EPOC1802)
Contexte
Le cancer de l’œsophage est le septième cancer le plus fréquent dans le monde et la sixième cause de décès liés au cancer, entraînant plus de 500 000 décès par an. Le carcinome épidermoïde de l’œsophage (Esophageal Squamous Cell Carcinoma, ESCC) est l’un des principaux types de cancer de l’œsophage, avec une incidence particulièrement élevée en Asie. Pour les patients atteints d’ESCC localement avancé et non résécable, la chimioradiothérapie définitive (Definitive Chemoradiotherapy, DCRT) à base de platine est le traitement standard. Cependant, malgré l’efficacité de la DCRT, le taux de réponse complète (Complete Response Rate, CRR) reste faible, entre 11 % et 25 %, ce qui entraîne une survie courte des patients. Par conséquent, la recherche de nouvelles stratégies thérapeutiques pour améliorer le taux de réponse complète et la survie des patients est devenue une priorité.
Ces dernières années, les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (Immune Checkpoint Inhibitors, ICIs) ont fait des progrès significatifs dans le traitement de divers cancers, en particulier dans les cancers avancés. L’atezolizumab, un anticorps anti-PD-L1, a montré de bons résultats antitumoraux dans plusieurs cancers. Cependant, son efficacité chez les patients atteints d’ESCC localement avancé et non résécable reste incertaine. Pour cette raison, les chercheurs ont mené cet essai clinique de phase II multicentrique et monobras, visant à évaluer l’efficacité et la sécurité de l’atezolizumab après la DCRT.
Source de l’article
Cette étude a été menée par des chercheurs de plusieurs institutions japonaises, notamment le National Cancer Center Hospital East, le National Cancer Center Hospital, le Saitama Cancer Center, le Cancer Institute Hospital of the Japanese Foundation for Cancer Research, le Shizuoka Cancer Center et l’Aichi Cancer Center. Les résultats ont été publiés en mars 2025 dans la revue Nature Cancer, sous le titre “Atezolizumab following definitive chemoradiotherapy in patients with unresectable locally advanced esophageal squamous cell carcinoma – a multicenter phase 2 trial (EPOC1802)”.
Déroulement de l’étude
1. Conception de l’étude et recrutement des patients
Il s’agissait d’un essai clinique de phase II multicentrique et monobras, ayant recruté 40 patients atteints d’ESCC localement avancé et non résécable. Ces patients, issus de sept centres médicaux japonais, avaient tous reçu une DCRT. Le critère d’évaluation principal était le taux de réponse complète confirmée (Confirmed Complete Response Rate, CCR), et les critères secondaires incluaient la survie sans progression (Progression-Free Survival, PFS), la survie globale (Overall Survival, OS) et l’incidence des événements indésirables (Adverse Events, AEs).
2. Protocole de traitement
Les patients ont d’abord reçu deux cycles de cisplatine et de 5-fluorouracile (5-FU) associés à une radiothérapie de 60 Gy. Après la DCRT, les patients ont commencé un traitement par atezolizumab en monothérapie, administré toutes les 3 semaines pendant 12 mois (jusqu’à 17 doses). Au cours du traitement, des échantillons de tissus tumoraux et de sang périphérique ont été prélevés à plusieurs reprises pour évaluer les changements dynamiques de la réponse immunitaire.
3. Analyse des biomarqueurs
Pour explorer les biomarqueurs prédictifs, des échantillons de tissus tumoraux et de sang ont été prélevés avant le traitement, après la DCRT et 4 semaines après la première dose d’atezolizumab. Grâce au séquençage de l’exome entier (Whole-Exome Sequencing, WES), au séquençage de l’ARN (RNA-Seq), à la cytométrie en flux (Flow Cytometry, FCM) et à l’immunohistochimie multiplex (Multiplex Immunohistochemistry, mIHC), les chercheurs ont analysé les changements dans l’infiltration des cellules immunitaires et l’expression génique dans le microenvironnement tumoral (Tumor Microenvironment, TME).
4. Analyse des données
Les chercheurs ont utilisé l’analyse d’enrichissement des ensembles de gènes (Gene Set Enrichment Analysis, GSEA) et l’analyse d’enrichissement des ensembles de gènes par échantillon unique (Single-Sample Gene Set Enrichment Analysis, ssGSEA) pour évaluer les changements d’expression des gènes liés à l’immunité. De plus, grâce à la cytométrie en flux et à l’immunohistochimie multiplex, ils ont analysé les changements phénotypiques des lymphocytes infiltrant les tumeurs (Tumor-Infiltrating Lymphocytes, TILs) et des cellules mononucléées du sang périphérique (Peripheral Blood Mononuclear Cells, PBMCs).
Résultats principaux
1. Taux de réponse complète
Dans la cohorte d’analyse principale, le taux de réponse complète confirmée chez les 38 premiers patients était de 42,1 % (intervalle de confiance à 90 % : 28,5 %-56,7 %). Ce résultat a atteint le critère d’évaluation principal de l’étude, indiquant que l’atezolizumab montre une bonne efficacité antitumorale après la DCRT.
2. Analyse de la survie
La médiane de survie sans progression pour les 40 patients était de 3,2 mois, avec un taux de survie sans progression à 12 mois de 29,6 %. La médiane de survie globale préliminaire était de 31,0 mois, avec un taux de survie globale à 12 mois de 65,8 %. Ces résultats montrent que le traitement par atezolizumab prolonge significativement la survie des patients.
3. Analyse de la réponse immunitaire
L’étude a révélé que la DCRT augmentait significativement l’expression des gènes liés à la réponse à l’interféron (Interferon, IFN) et à la présentation des antigènes dans les cellules tumorales, tout en augmentant l’infiltration des cellules présentatrices d’antigènes (Antigen-Presenting Cells, APCs) et des cellules T effectrices dans le microenvironnement tumoral. Le traitement par atezolizumab a encore renforcé ces réponses immunitaires, en particulier chez les patients ayant obtenu une réponse complète, où la proportion de cellules T CD8+ exprimant PD-1 a augmenté de manière significative.
4. Biomarqueurs
Les chercheurs ont constaté que la charge mutationnelle tumorale (Tumor Mutational Burden, TMB) et les niveaux d’expression de PD-L1 n’étaient pas significativement corrélés à l’efficacité du traitement. Cependant, la proportion de cellules T CD8+ PD-1+ et de cellules T régulatrices (Regulatory T Cells, Tregs) dans le microenvironnement tumoral était significativement corrélée à l’efficacité du traitement. De plus, certaines mutations géniques (comme EGFR, PIK3CA, PTEN et KEAP1) et le phénotype de transition épithélio-mésenchymateuse (Epithelial-Mesenchymal Transition, EMT) étaient associés à la résistance au traitement.
Conclusion et signification
Cette étude montre que l’atezolizumab, administré après la DCRT, présente une bonne efficacité chez les patients atteints d’ESCC localement avancé et non résécable, améliorant significativement le taux de réponse complète et la survie des patients. En outre, l’étude a révélé les changements dynamiques de la réponse immunitaire dans le microenvironnement tumoral, fournissant une base importante pour le développement de nouvelles stratégies d’immunothérapie.
Points forts de l’étude
- Protocole de traitement innovant : Cette étude est la première à évaluer l’efficacité de l’atezolizumab après la DCRT, offrant une nouvelle option thérapeutique pour les patients atteints d’ESCC localement avancé et non résécable.
- Analyse approfondie de la réponse immunitaire : Grâce à des analyses multi-omiques, les chercheurs ont détaillé les effets de la DCRT et de l’atezolizumab sur la réponse immunitaire dans le microenvironnement tumoral, offrant une nouvelle perspective pour comprendre les mécanismes de l’immunothérapie.
- Biomarqueurs prédictifs : L’étude a révélé que la proportion de cellules T CD8+ PD-1+ et de Tregs dans le microenvironnement tumoral était significativement corrélée à l’efficacité du traitement, fournissant des biomarqueurs potentiels pour une thérapie personnalisée.
Autres informations utiles
L’étude a également révélé que certaines mutations géniques et le phénotype EMT étaient associés à la résistance au traitement, suggérant que de nouvelles stratégies thérapeutiques pourraient être développées pour cibler ces mécanismes. En outre, les chercheurs recommandent de mener des essais de phase III randomisés pour valider l’efficacité de l’atezolizumab chez un plus large éventail de patients.
Cette étude offre un nouvel espoir pour les patients atteints d’ESCC localement avancé et non résécable et jette les bases du développement futur de l’immunothérapie.