Un modèle mécanochimique multicellulaire pour étudier le remodelage du microenvironnement tumoral et la formation de niche pré-métastatique

Le cancer colorectal (Colorectal Cancer, CRC) est l’une des principales causes de décès liés au cancer aux États-Unis, où la métastase hépatique est un phénomène courant. Avant la métastase tumorale, la formation de la niche pré-métastatique (Pre-Metastatic Niche, PMN) est un processus clé. La PMN implique l’activation de cellules résidentes clés du foie, y compris les cellules stellaires de type fibroblaste et les macrophages (comme les cellules de Kupffer). Les tumeurs modifient ces cellules en introduisant des facteurs qui les amènent à sécréter des facteurs de croissance supplémentaires et à remodeler la matrice extracellulaire (Extracellular Matrix, ECM), favorisant ainsi la colonisation et la métastase tumorale dans l’environnement secondaire. Pour mieux comprendre les mécanismes de ces dynamiques, les chercheurs ont développé un modèle computationnel multicellulaire pour caractériser les dynamiques spatio-temporelles de la formation de la PMN.

Source de l’article

Cet article a été co-écrit par Shreyas U. Hirway, Kylie G. Nairon, Aleksander Skardal et Seth H. Weinberg, tous issus du département de génie biomédical de l’Université d’État de l’Ohio. L’article a été publié en ligne le 13 novembre 2024 dans la revue Cellular and Molecular Bioengineering.

Processus de recherche

1. Construction du modèle

Les chercheurs ont développé un modèle computationnel multicellulaire qui intègre la signalisation intracellulaire et extracellulaire, les forces de traction et les forces de jonction, et les a incorporés dans un modèle de Potts cellulaire (Cellular Potts Model, CPM). Ce modèle est capable de représenter plusieurs types de cellules et leurs différents niveaux d’activation.

2. Expériences numériques

Les chercheurs ont exploré les facteurs clés de la formation de la PMN et de l’invasion tumorale à travers des expériences numériques, incluant la concentration des facteurs de croissance, le temps d’arrivée de la tumeur, la composition relative des cellules résidentes et la taille du cluster tumoral invasif.

3. Étude des paramètres

L’étude a examiné l’impact de ces paramètres sur l’invasivité tumorale en modifiant la dose des facteurs de croissance, le temps d’entrée de la tumeur, la sensibilité des cellules de Kupffer et des cellules stellaires aux facteurs de croissance, la taille du cluster tumoral et la proportion de cellules de Kupffer et de cellules stellaires.

4. Quantification des données

L’étude a quantifié plusieurs indicateurs de la PMN, incluant les niveaux moyens d’activation des cellules de Kupffer et des cellules stellaires, la concentration locale des facteurs de croissance dans l’ECM, le niveau moyen d’activation des cellules tumorales, le nombre de connexions entre les cellules tumorales et les cellules non tumorales, ainsi que la distance moyenne entre les cellules tumorales initiales.

Principaux résultats

1. Remodelage de la PMN

Lors de la phase de remodelage de la PMN, l’activation des cellules stellaires a significativement augmenté la concentration de l’ECM, en particulier dans les zones où les cellules stellaires étaient hautement activées. L’activation des cellules de Kupffer a également augmenté, mais à un degré moindre.

2. Invasion tumorale

Lors de la phase d’entrée de la tumeur, les cellules tumorales sont restées hautement activées dans les zones où la concentration de l’ECM était élevée et ont migré vers l’extérieur, formant des connexions avec les cellules de Kupffer et les cellules stellaires environnantes. Au fil du temps, les cellules tumorales ont proliféré et ont occupé la majeure partie de l’espace du système.

3. Dose des facteurs de croissance

L’augmentation de la dose des facteurs de croissance a significativement augmenté la concentration de l’ECM et les niveaux d’activation cellulaire, en particulier à faible dose. Cependant, au-delà de doses de 2-3 μM, les valeurs médianes de ces indicateurs ont tendance à se stabiliser.

4. Taille du cluster tumoral

Les clusters tumoraux plus grands, après leur entrée dans le système, ont montré des niveaux d’activation des cellules tumorales plus faibles, mais une invasivité tumorale plus élevée, se manifestant par un plus grand nombre de connexions avec les cellules non tumorales et une augmentation plus précoce de la distance entre les cellules tumorales.

5. Proportion de cellules de Kupffer et de cellules stellaires

L’augmentation de la proportion de cellules stellaires a significativement augmenté la concentration de l’ECM et les niveaux d’activation cellulaire, en particulier lorsque la proportion de cellules stellaires dépassait 30 %, ce qui a entraîné une augmentation significative de l’invasivité des cellules tumorales.

Conclusion

Le modèle multicellulaire développé dans cette étude est capable de simuler la formation de la PMN et les dynamiques cellulaires et tissulaires de l’invasion tumorale. À travers l’étude des paramètres, les chercheurs ont révélé l’impact des facteurs clés tels que les facteurs de croissance, la concentration de l’ECM et la proportion de cellules stellaires sur l’invasivité tumorale. Ce modèle fournit un outil important pour comprendre les mécanismes de la métastase tumorale et ouvre de nouvelles directions pour la recherche sur le traitement du cancer.

Points forts de la recherche

  1. Modèle multicellulaire : Cette étude intègre pour la première fois plusieurs types de cellules (cellules de Kupffer, cellules stellaires et cellules tumorales) dans un modèle unique, simulant les dynamiques complexes de la formation de la PMN et de l’invasion tumorale.
  2. Intégration des signaux mécaniques et chimiques : Le modèle prend en compte non seulement les interactions mécaniques entre les cellules, mais intègre également la signalisation chimique intracellulaire et extracellulaire, offrant une simulation plus complète du microenvironnement tumoral.
  3. Étude des paramètres : Grâce à une étude systématique des paramètres, les chercheurs ont révélé les facteurs clés influençant l’invasivité tumorale, fournissant des cibles potentielles pour les futurs traitements du cancer.

Autres informations utiles

Ce modèle pourrait être étendu à un système tridimensionnel et introduire davantage de types de cellules et de facteurs de croissance pour simuler de manière plus réaliste le microenvironnement tumoral. De plus, ce modèle pourrait être utilisé pour étudier les dynamiques des traitements contre le cancer, par exemple en simulant les effets des médicaments anti-migration pour évaluer leur impact sur l’invasivité tumorale.


Cette recherche offre non seulement une nouvelle perspective pour comprendre les mécanismes de la métastase tumorale, mais fournit également un soutien théorique important pour le développement de stratégies de traitement du cancer ciblant la PMN. En simulant les dynamiques complexes du microenvironnement tumoral, les chercheurs ouvrent de nouvelles voies pour la recherche future sur le traitement du cancer.