Transition épithélio-mésenchymateuse induite par la signalisation PD-L1 intrinsèque aux cellules tumorales prédisant une mauvaise réponse aux inhibiteurs de point de contrôle immunitaire dans le cancer du poumon à haute expression de PD-L1

La signalisation intrinsèque de PD-L1 induit la transition épithélio-mésenchymateuse (EMT) dans les cellules tumorales, prédisant une mauvaise réponse aux inhibiteurs de points de contrôle immunitaire dans les cancers du poumon à forte expression de PD-L1

Contexte et Motivation de l’étude

Dans l’immunothérapie du cancer, le ligand de mort programmée 1 (PD-L1) inhibe la réponse immunitaire en se liant au récepteur de mort programmée 1 (PD-1) sur les cellules immunitaires. Cependant, les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (ICI) bloquant l’interaction PD-1/PD-L1 sont devenus une méthode majeure de traitement du cancer du poumon non à petites cellules (NSCLC). Bien que le taux de réponse des patients PD-L1 positifs au blocage PD-1/PD-L1 soit d’environ 40%, il est nécessaire de trouver des biomarqueurs plus efficaces pour prédire l’effet du traitement par ICI.

La majorité des études se concentrent sur la fonction traditionnelle extracellulaire de PD-L1, tandis que la fonction de signalisation intrinsèque dans les cellules tumorales a récemment attiré l’attention. Cette fonction est impliquée dans diverses fonctionnalités des cellules cancéreuses, telles que la survie, l’invasion, la souche, la glycolyse, la résistance à la chimiothérapie et la réponse aux dommages de l’ADN. De plus, la fonction intrinsèque de PD-L1 est associée à la résistance aux thérapies anti-PD-1 dans les modèles murins de mélanome et de cancer du côlon. Néanmoins, les fonctions et les mécanismes intrinsèques de PD-L1 dans la biologie du cancer et le développement des traitements ne sont pas encore entièrement élucidés.

La transition épithélio-mésenchymateuse (EMT) joue un rôle crucial dans la progression et la métastase du cancer. Une corrélation positive entre l’expression de PD-L1 et le phénotype EMT a été prouvée dans divers cancers, y compris le NSCLC, le cancer du sein et le carcinome épidermoïde de la tête et du cou. EMT est un phénomène courant pendant ou après le traitement, suggérant la résistance au traitement et la progression du cancer. Cependant, le lien entre EMT et l’immunothérapie reste à clarifier. Par conséquent, cette étude vise à examiner le rôle de la signalisation intrinsèque de PD-L1 dans EMT et la progression tumorale de NSCLC et d’explorer le potentiel de l’EMT induite par PD-L1 en tant que biomarqueur prédictif de la thérapie par ICI.

Source de l’article

Cette étude a été rédigée par le Dr. Hyein Jeong et al., provenant de plusieurs instituts de recherche coréens, y compris l’Institut de Recherche sur le Cancer de l’Université Nationale de Séoul et le Département de Pathologie de la Faculté de Médecine de l’Université Nationale de Séoul. L’article a été publié en ligne le 10 mai 2024 dans le journal British Journal of Cancer sous le titre “Epithelial−Mesenchymal Transition Induced by Tumor Cell-Intrinsic PD-L1 Signaling Predicts a Poor Response to Immune Checkpoint Inhibitors in PD-L1-High Lung Cancer”.

Méthodologie et conception de l’étude

Méthodes et conception expérimentale

  1. Lignes cellulaires et réactifs : L’étude a utilisé diverses lignées cellulaires NSCLC humaines (telles que A549, H460, H596) et la lignée cellulaire de cancer du poumon de souris LLC, cultivées avec un milieu de culture et du sérum de veau fœtal. De plus, diverses protéines recombinantes et anticorps ont été utilisés, tels que PD-1 recombinant humain et l’interféron-γ (IFNγ).

  2. Surexpression et knockdown par ARN interférent : Les cellules ont été transfectées avec des plasmides d’expression de PD-L1 ou des petits ARN interférents (siRNA) pour PD-L1, et des lignées cellulaires stables ont été générées à l’aide de particules lentivirales. Des cellules LLC avec une expression stable ou un knockdown de PD-L1 ont été utilisées dans des études in vivo sur des modèles murins.

  3. Séquençage de l’ARN et analyse de l’expression génique : L’extraction d’ARN, le séquençage de l’ARN et l’analyse d’enrichissement de trajectoire génique (GSEA) ont été utilisés pour comparer les différences d’expression génique entre les cellules sur-exprimant PD-L1 et celles dans lesquelles PD-L1 est knockdown, en se concentrant particulièrement sur les trajectoires impliquées dans EMT.

  4. Assays expérimental : Diverses techniques comme la PCR quantitative en temps réel (qRT-PCR), la co-immunoprécipitation de protéines, le Western Blot, l’immunofluorescence et les dosages ELISA ont permis de détecter et de quantifier l’expression des marqueurs EMT et des facteurs associés.

  5. Expériences in vivo : Utilisation de modèles murins immunodéficients, greffés avec des cellules LLC exprimant ou ayant eu un knockdown stable de PD-L1 pour évaluer la croissance tumorale et la métastase.

  6. Analyse des patients en cohorte : L’analyse par séquençage de l’ARN et par immunohistochimie (IHC) de cohortes de 234 et 90 patients NSCLC traités par ICI pour évaluer l’impact de l’EMT et de l’expression de PD-L1 sur la réponse au traitement et la survie.

Résultats de l’étude

  1. La signalisation intrinsèque de PD-L1 favorise EMT : Les résultats du séquençage de l’ARN montrent une enrichissement significatif des trajectoires EMT dans les cellules sur-exprimant PD-L1, avec une augmentation de l’expression des marqueurs EMT tels Twist1, ZEB1, Snail, Slug, et une diminution du marqueur épithélial E-cadherin. L’inverse a été observé dans les cellules knockdown pour PD-L1.

  2. Relation entre PD-L1 et la production de TGF-β : L’étude a révélé que PD-L1 inhibe la phosphatase PPM1B, ce qui active p38 MAPK et augmente la production de TGF-β, favorisant ainsi EMT.

  3. Expériences in vitro : La surexpression de PD-L1 augmente significativement la prolifération, la migration et l’invasion cellulaires, tandis que le knockdown de PD-L1 réduit ces capacités.

  4. Expériences in vivo : Dans les modèles murins immunodéficients, les cellules LLC sur-exprimant PD-L1 favorisent la croissance tumorale et la métastase pulmonaire, contrairement aux cellules knockdown pour PD-L1 où ces caractéristiques sont réduites.

  5. Relation entre EMT et l’efficacité des ICI : L’analyse des cohortes de patients révèle que la signature EMT est corrélée à une mauvaise réponse au traitement ICI chez les patients à forte expression de PD-L1, tandis que cette corrélation n’est pas présente chez les patients à faible expression de PD-L1. L’analyse de survie indique que les patients à forte expression de PD-L1 avec un score EMT élevé présentent une période de survie sans progression (PFS) plus courte après traitement ICI.

Conclusion et Signification

  1. Signification scientifique : L’étude révèle un mécanisme par lequel la signalisation intrinsèque de PD-L1 favorise EMT via TGF-β, associant EMT à l’évasion immunitaire et à la résistance au traitement chez les patients atteints de NSCLC à forte expression de PD-L1.

  2. Valeur applicative : L’EMT induite par PD-L1 peut être utilisée comme biomarqueur prédictif de l’efficacité du traitement par ICI chez les patients NSCLC à forte expression de PD-L1, soulignant l’importance de cibler EMT pour améliorer l’efficacité de l’immunothérapie.

  3. Points forts de l’étude : Cette étude est la première à détailler l’interaction entre PD-L1 et TGF-β et son impact sur EMT, offrant de nouveaux aperçus mécanistiques et des stratégies thérapeutiques potentielles.

Cette recherche approfondit la compréhension du rôle de la signalisation intrinsèque de PD-L1 dans la progression du cancer et dans l’immunothérapie, fournissant une base théorique et pratique précieuse pouvant orienter les interventions cliniques et les stratégies de traitement futures.