Sonde des perturbations structurelles à l'échelle nanométrique dans une monocouche de WS2 via l'intelligence artificielle explicable
Contexte
Les matériaux bidimensionnels (2D materials) présentent un potentiel immense dans des domaines tels que la nanoélectronique et l’optoélectronique en raison de leurs propriétés physico-chimiques uniques. Cependant, les perturbations structurelles à l’échelle nanométrique (structural perturbations) dans ces matériaux ont un impact significatif sur leurs performances. Les méthodes de caractérisation traditionnelles, telles que la spectroscopie Raman (Raman spectroscopy), bien qu’elles fournissent des informations structurelles sur les matériaux, sont généralement limitées par la diffraction, ce qui rend difficile la détection précise des changements structurels à l’échelle nanométrique. Pour résoudre ce problème, les chercheurs ont commencé à explorer l’intégration de l’apprentissage automatique (machine learning, ML) avec les techniques spectroscopiques afin d’améliorer la résolution spatiale et de révéler les perturbations structurelles à l’échelle nanométrique.
Cette étude, menée par une équipe de chercheurs de la Hanyang University, de la Sungkyunkwan University, du Korea Advanced Institute of Science and Technology, entre autres, a été publiée le 16 avril 2025 dans la revue Applied Physics Reviews. L’étude a développé un modèle d’apprentissage automatique basé sur un réseau de neurones convolutifs (convolutional neural network, CNN), combinant les données de la microscopie à force de Kelvin (Kelvin probe force microscopy, KPFM) et de la microscopie à force atomique (atomic force microscopy, AFM), pour améliorer la résolution spatiale de la spectroscopie Raman jusqu’à 50 nanomètres, révélant ainsi la distribution des contraintes dans les plis nanométriques d’une monocouche de WS₂.
Processus de recherche
1. Acquisition et prétraitement des données
L’équipe de recherche a d’abord préparé des échantillons de monocouche de WS₂ par dépôt chimique en phase vapeur (chemical vapor deposition, CVD), puis a effectué des mesures à l’aide d’un spectromètre Raman confocal et d’un système de microscopie à force atomique. Pour entraîner le modèle d’apprentissage automatique, les chercheurs ont utilisé une méthode de fenêtre glissante (sliding window) pour convertir les données de KPFM et d’AFM en tenseurs d’entrée de 15×15, qui ont ensuite été associés aux spectres Raman correspondants. Les spectres Raman ont été prétraités pour supprimer le bruit de fond et corriger la ligne de base, afin de mettre en évidence les signaux de pointe.
2. Entraînement du modèle d’apprentissage automatique
L’équipe a conçu un modèle d’apprentissage automatique basé sur un CNN pour prédire les spectres Raman à partir des données de KPFM et d’AFM. Lors de l’entraînement, les données ont été divisées aléatoirement en ensembles d’entraînement, de validation et de test dans un rapport de 8:1:1. L’entraînement a utilisé l’optimiseur Adam et la fonction de perte d’erreur quadratique moyenne (mean squared error, MSE), avec 75 époques pour éviter le surajustement. Après l’entraînement, le modèle a montré une précision de prédiction élevée sur l’ensemble de test, avec un MSE de 0,15 et une erreur absolue moyenne en pourcentage (mean absolute percentage error, MAPE) ne dépassant pas 15 %.
3. Amélioration de la résolution spatiale et analyse à l’échelle nanométrique
En utilisant le modèle entraîné, l’équipe a généré des images Raman avec une résolution spatiale allant jusqu’à 50 nanomètres, dépassant largement la limite de diffraction de la spectroscopie Raman confocale traditionnelle. En analysant le mode Raman E₀ dans les régions de plis nanométriques, les chercheurs ont découvert la coexistence de contraintes de compression (compressive strain) et de traction (tensile strain) dans les mêmes plis. De plus, en calculant les contraintes locales à partir des images AFM, l’équipe a validé la plausibilité physique des prédictions du modèle.
4. Analyse par intelligence artificielle explicable
Pour comprendre le processus de décision du modèle, l’équipe a utilisé des techniques d’intelligence artificielle explicable (explainable AI, XAI), en perturbant les données d’entrée (comme la hauteur AFM et la fonction de travail KPFM) pour observer les changements dans les spectres Raman. Les résultats ont montré que les données AFM influencent principalement les comportements locaux dans les régions de plis nanométriques, tandis que les données KPFM contribuent de manière significative aux caractéristiques globales des spectres Raman. Cette synergie permet au modèle de capturer efficacement les perturbations structurelles à l’échelle nanométrique.
5. Validation par calculs de mécanique quantique
Pour valider davantage les résultats, l’équipe a utilisé la théorie de la fonctionnelle de la densité (density functional theory, DFT) pour calculer les changements dans l’activité Raman et la fonction de travail de la monocouche de WS₂ sous différentes contraintes. Les résultats des calculs ont montré que les contraintes de traction provoquent un décalage vers le rouge (red shift) et une augmentation de l’activité du mode Raman E₀, tandis que les contraintes de compression entraînent un décalage vers le bleu (blue shift) et une diminution de l’activité. Ces résultats sont cohérents avec l’analyse XAI, renforçant la fiabilité du modèle.
Principaux résultats
- Amélioration de la résolution spatiale : Grâce au modèle d’apprentissage automatique, la résolution spatiale de la spectroscopie Raman est passée de plusieurs micromètres à 50 nanomètres, révélant la distribution des contraintes dans les plis nanométriques de la monocouche de WS₂.
- Analyse de la distribution des contraintes : L’étude a révélé la coexistence de contraintes de compression et de traction dans les plis nanométriques, en accord avec les calculs de contraintes locales basés sur les images AFM.
- Révélation des décisions du modèle par XAI : L’analyse XAI a montré que les données AFM dominent les effets de contraintes locales, tandis que les données KPFM influencent les caractéristiques globales des spectres Raman.
- Validation par mécanique quantique : Les calculs DFT ont confirmé l’impact des contraintes sur l’activité Raman et la fonction de travail, validant la plausibilité physique des prédictions du modèle.
Conclusion et signification
Cette étude a réussi à améliorer la résolution de la spectroscopie Raman à l’échelle nanométrique en combinant l’apprentissage automatique et les techniques spectroscopiques, révélant les mécanismes physiques des perturbations structurelles dans la monocouche de WS₂. Cette méthode fournit non seulement un nouvel outil pour la caractérisation des matériaux 2D à l’échelle nanométrique, mais offre également des références importantes pour l’ingénierie des défauts (defect engineering) et le développement de matériaux semi-conducteurs hautes performances.
Points forts de l’étude
- Imagerie Raman haute résolution : Le modèle d’apprentissage automatique a permis une imagerie Raman avec une résolution spatiale de 50 nanomètres, dépassant la limite de diffraction des techniques traditionnelles.
- Révélation de la distribution des contraintes : Pour la première fois, la coexistence de contraintes de compression et de traction dans les plis nanométriques a été observée, offrant une nouvelle perspective sur le comportement mécanique des matériaux 2D.
- Combinaison de XAI et DFT : L’utilisation de XAI et des calculs DFT a révélé les mécanismes physiques du modèle d’apprentissage automatique, renforçant la crédibilité des résultats.
- Applicabilité étendue : Cette méthode peut être étendue à d’autres systèmes de matériaux, fournissant un cadre général pour l’analyse spectroscopique à l’échelle nanométrique.
Autres informations utiles
L’équipe de recherche a également fourni des matériaux supplémentaires détaillés, incluant les méthodes de traitement des données, les schémas d’architecture du modèle et les détails des calculs DFT, offrant ainsi des références utiles pour d’autres chercheurs. De plus, cette étude a été financée par plusieurs institutions, dont la National Research Foundation of Korea, soulignant son importance académique et son potentiel d’application.