Mécanismes de résistance à l'inhibition oncogénique de KRAS dans le cancer du pancréas

Mécanismes de résistance à l’inhibition oncogénique de KRAS dans le cancer du pancréas

Introduction

L’adénocarcinome canalaire pancréatique (PDAC) est une maladie extrêmement mortelle. La plupart des patients sont diagnostiqués à un stade avancé et meurent généralement dans les 12 mois suivant le diagnostic, principalement en raison d’options de traitement limitées et d’une faible réponse à la chimiothérapie standard. KRAS est le principal oncogène de ce cancer, et il est modifié dans plus de 90% des tumeurs. Les mutations G12D, G12V et G12R de KRAS sont les plus courantes. Les mutations du gène KRAS augmentent généralement la stabilité de la protéine dans un état activé lié au GTP, ce qui conduit à la signalisation tumorale via des voies d’effet en aval telles que la voie des protéines kinases activées par les mitogènes (MAPK) et la voie de la phosphatidylinositol 3-kinase (PI3K). Des études antérieures ont montré que l’élimination génétique de l’expression du gène KRAS entraîne un arrêt du cycle cellulaire et une mort cellulaire, et produit une forte régression tumorale dans les modèles animaux de PDAC. Par conséquent, KRAS est une cible thérapeutique prioritaire pour le PDAC.

Objectif et motivation de l’étude

Cette étude vise à explorer les mécanismes de résistance à l’inhibition de l’oncogène KRAS. Bien que les inhibiteurs de KRAS aient montré une efficacité clinique chez les patients atteints de PDAC, la résistance est très courante. Cette étude utilise une analyse multimodale des échantillons cliniques et de divers modèles précliniques de PDAC pour définir les mécanismes de résistance génétiques et non génétiques, fournissant ainsi une base pour la conception future de stratégies de thérapie combinée.

Origine de l’étude

Cet article a été rédigé par le professeur Andrew J. Aguirre et son équipe, qui rassemble des membres de plusieurs institutions, notamment Dana-Farber Cancer Institute, The Broad Institute of Harvard and MIT, Harvard Medical School, The University of Texas MD Anderson Cancer Center, et Perelman School of Medicine at the University of Pennsylvania. Cette recherche a été publiée dans la revue “Cancer Discovery”.

Méthodes et processus de l’étude

Processus d’étude

L’étude comprend plusieurs étapes, menées sur différents modèles et échantillons de patients :

  1. Collecte et traitement des échantillons cliniques : Des échantillons de sang périphérique ont été collectés chez des patients atteints de PDAC participant aux essais cliniques KRYSTAL-1 et CodeBreaK100, et l’analyse de l’ADN tumoral circulant (ctDNA) a été utilisée pour explorer les mécanismes de résistance.

  2. Analyse des modèles précliniques :

    • Lignées cellulaires et modèles d’organoïdes : Les lignées cellulaires et les modèles d’organoïdes ont été traités avec l’inhibiteur de KRASG12D, MRTX1133, pour étudier les mécanismes de résistance in vitro.
    • Modèle de souris KPC isogénique : L’efficacité de l’inhibiteur de KRASG12D et les mécanismes de résistance à long terme ont été évalués dans un modèle de souris KPC isogénique avec une fonction immunitaire intacte.
    • Modèle d’implantation xénogreffe (PDX) : Des modèles PDX ont été utilisés pour valider l’efficacité de l’inhibiteur de KRASG12D dans différents états cellulaires.

Analyse des données

Des outils comme le séquençage du génome entier (WGS), le séquençage de l’ARN (RNA-seq), la microarray de protéines inverses (RPPA) ont été utilisés pour effectuer une analyse génomique et transcriptomique complète des échantillons afin de capturer les différences et les similitudes entre les modèles. Les mécanismes de résistance ont été validés par immunohistochimie (IHC) et immunofluorescence multiplexée (MIF).

Résultats de l’étude

Mécanismes génétiques

Chez 22 patients atteints de PDAC avec mutation KRASG12C, l’analyse du ctDNA pendant la période de résistance a détecté plusieurs variations génétiques, y compris des mutations de PIK3CA et KRAS ainsi que des amplifications de KRASG12C, MYC, MET, EGFR et CDK6. De manière notable, des amplifications et des modifications génétiques similaires ont été observées dans plusieurs modèles précliniques traités avec MRTX1133, suggérant que ces mutations pourraient constituer des mécanismes de résistance courants.

Mécanismes non génétiques

Divers modèles ont révélé que la transition épithélio-mésenchymateuse (EMT) et l’activation de la voie PI3K–AKT–mTOR sont fortement associées à la résistance à l’inhibition de KRAS. Des caractéristiques EMT et des signaux RTK ont été confirmés comme étant significativement augmentés dans les modèles résistants par les données RNA-seq et RPPA. En outre, le modèle de souris KPC traité par MRTX1133 a montré une régression tumorale rapide et significative au début du traitement, mais les tumeurs ont fini par développer une résistance et ont progressé à nouveau.

Évolution de l’état cellulaire

Les résultats du séquençage de l’ARN à cellule unique (snRNA-seq) ont révélé qu’un traitement précoce par MRTX1133 incitait les cellules tumorales à passer à un état classique (épithélial), tandis que, lors de la phase de résistance acquise, les cellules tumorales présentaient une enrichissement des états pEMT (EMT partielle) et mésenchymateux. Ces résultats concordent avec ceux des modèles PDX, indiquant que différents états cellulaires présentent des sensibilités et des mécanismes de résistance différents vis-à-vis de l’inhibition de KRAS.

Efficacité de la thérapie combinée

Les études sur divers modèles de PDAC ont montré que la combinaison de l’inhibition de KRASG12D avec la chimiothérapie améliorait significativement l’efficacité par rapport à la monothérapie. En particulier, la combinaison de MRTX1133 avec la gemcitabine/le paclitaxel lié à l’albumine (nab-paclitaxel) a significativement retardé la récidive tumorale et réduit la charge métastatique dans les modèles de métastases.

Conclusion de l’étude

Grâce à une analyse intégrée multi-modèles, cette étude a défini les mécanismes de résistance génétiques et non génétiques à l’inhibition de KRAS, ce qui suggère le potentiel de plusieurs stratégies de thérapie combinée. Les futurs essais cliniques peuvent s’inspirer de ces mécanismes de résistance et adopter des thérapies combinées ciblant les signaux RTK ou états cellulaires.

Importance de l’étude

Cette étude dévoile pour la première fois et de manière complète les mécanismes de résistance aux inhibiteurs de KRAS dans le PDAC, fournissant plusieurs stratégies potentielles de thérapie combinée visant à améliorer l’efficacité clinique et la durabilité des inhibiteurs de KRAS, offrant ainsi aux patients atteints de PDAC des options thérapeutiques plus efficaces.