Radiothérapie stéréotaxique préopératoire pour prévenir la fistule pancréatique chez les patients à haut risque subissant une pancréatoduodénectomie (FIBROPANC): Essai prospectif multicentrique de phase II à bras unique
La pancréatoduodénectomie (pancreatoduodenectomy) est une intervention chirurgicale courante pour traiter les tumeurs du pancréas et des organes environnants, mais la fistule pancréatique postopératoire (postoperative pancreatic fistula, POPF) en est l’une des principales complications, en particulier chez les patients à haut risque, où le taux de POPF peut atteindre 50 %. La POPF non seulement prolonge la durée d’hospitalisation et augmente les coûts médicaux, mais peut également entraîner des infections graves, des hémorragies, voire la mort. Bien que les techniques chirurgicales et la gestion postopératoire aient été améliorées ces dernières années, le taux de POPF n’a pas diminué de manière significative. Par conséquent, la recherche de mesures préventives efficaces est devenue un axe majeur de la recherche clinique.
Des études ont montré que la chimioradiothérapie préopératoire (chemoradiotherapy) chez les patients atteints de cancer du pancréas peut réduire significativement le taux de POPF, probablement en raison de la fibrose (fibrosis) induite par la radiothérapie, qui peut augmenter la dureté du tissu pancréatique, réduisant ainsi le risque de déchirure pendant la chirurgie. Cependant, pour les patients non atteints de cancer du pancréas, l’utilisation de la chimioradiothérapie préopératoire manque d’indications claires. Sur cette base, les chercheurs ont émis l’hypothèse qu’une radiothérapie stéréotaxique préopératoire unique (stereotactic body radiotherapy, SBRT) pourrait réduire le taux de POPF chez les patients à haut risque en induisant une fibrose locale.
Source de l’article
Cette étude a été réalisée par plusieurs chercheurs du groupe néerlandais de recherche sur le cancer du pancréas (Dutch Pancreatic Cancer Group), avec comme principaux auteurs Leonoor V. Wismans, Tessa E. Hendriks, entre autres, issus de plusieurs institutions médicales néerlandaises, telles que l’Erasmus MC University Medical Center Rotterdam et l’Amsterdam UMC. L’étude a été publiée en 2025 dans le British Journal of Surgery (BJS), sous le titre “Preoperative stereotactic radiotherapy to prevent pancreatic fistula in high-risk patients undergoing pancreatoduodenectomy (FIBROPANC): prospective multicentre phase II single-arm trial”.
Déroulement de l’étude
Conception de l’étude et population
Cette étude est un essai clinique de phase II prospectif, multicentrique et à un seul bras, visant à évaluer la sécurité, la faisabilité et l’efficacité de la SBRT préopératoire unique chez les patients à haut risque subissant une pancréatoduodénectomie. Les patients inclus dans l’étude étaient des patients à haut risque subissant une pancréatoduodénectomie pour des tumeurs autres que l’adénocarcinome canalaire pancréatique (pancreatic ductal adenocarcinoma), avec comme principaux critères d’inclusion un diamètre du canal pancréatique principal ≤3 mm, un état de performance WHO ≤2 et un âge ≥18 ans. Les critères d’exclusion incluaient les patients atteints de pancréatite chronique et de tumeurs bénignes. L’étude a été divisée en une phase d’évaluation de la sécurité et de la faisabilité, suivie d’une phase d’évaluation de l’efficacité.
Interventions
Tous les patients inclus dans l’étude ont reçu une dose unique de 12 Gy de SBRT avant la pancréatoduodénectomie, avec comme zone cible le cou du pancréas (site de résection future). La radiothérapie a été réalisée par guidage IRM ou par le système CyberKnife, certains patients ayant utilisé des marqueurs pancréatiques guidés par échographie endoscopique (endoscopic ultrasound, EUS). La chirurgie a été réalisée au moins 4 semaines après la radiothérapie pour permettre la formation de fibrose.
Critères d’évaluation principaux
Les critères d’évaluation principaux incluaient la sécurité (≤15 % de toxicité de grade 3-5), la faisabilité (changement significatif de la dureté du tissu pancréatique) et l’efficacité (réduction de 15 % du taux de POPF par rapport au groupe témoin n’ayant pas reçu de SBRT). La sécurité a été évaluée en enregistrant les événements indésirables liés à la radiothérapie, la faisabilité en mesurant la dureté du tissu pancréatique à l’aide d’un duromètre, et l’efficacité en comparant les taux de POPF.
Critères d’évaluation secondaires
Les critères d’évaluation secondaires incluaient l’évaluation de la fibrose tissulaire (densité de collagène) ainsi que l’incidence d’autres complications postopératoires. La densité de collagène a été quantifiée par coloration au picrosirius red et analyse pathologique numérique.
Résultats principaux
Sécurité
Au total, 38 patients ont été inclus dans l’étude, dont 33 (87 %) ont terminé le protocole d’étude. Le critère de sécurité a été atteint, avec seulement un patient (2,6 %) ayant présenté une toxicité de grade 3 (pancréatite aiguë), liée à la radiothérapie. Les autres événements indésirables étaient légers et ne nécessitaient pas d’intervention médicale.
Faisabilité
Les mesures au duromètre ont montré une augmentation significative de la dureté du tissu pancréatique après radiothérapie (dureté médiane de 47 vs. 37 unités Shore OO, p < 0,001). L’analyse de la densité de collagène a également montré que la densité de collagène du tissu irradié était significativement plus élevée que celle du tissu non irradié (6,1 % vs. 4,6 %, p = 0,003).
Efficacité
Parmi les patients ayant reçu la SBRT, 57,6 % ont développé une POPF de grade B/C, contre 34 % dans le groupe témoin n’ayant pas reçu de SBRT (p = 0,011). Cela suggère que la SBRT n’a pas réduit de manière significative l’incidence de la POPF et pourrait même avoir augmenté le risque de POPF.
Conclusion et signification
Cette étude est la première à évaluer l’utilisation de la SBRT préopératoire unique chez les patients à haut risque subissant une pancréatoduodénectomie. Les résultats montrent que la SBRT est sûre, augmente la dureté et la fibrose du tissu pancréatique, mais ne réduit pas significativement l’incidence de la POPF. Ce résultat pourrait être lié à des facteurs tels que la dose de radiothérapie et l’intervalle entre la radiothérapie et la chirurgie. Les recherches futures pourraient explorer des doses de radiothérapie plus élevées ou des intervalles plus longs après la radiothérapie pour évaluer davantage le potentiel de la SBRT.
Points forts de l’étude
- Innovation : Première évaluation de l’effet préventif de la SBRT préopératoire chez les patients à haut risque non atteints de cancer du pancréas.
- Méthodologie : Utilisation d’un duromètre et d’une analyse de la densité de collagène pour évaluer objectivement les changements dans le tissu pancréatique, fournissant des outils fiables pour les recherches futures.
- Signification clinique : Bien que la SBRT n’ait pas réduit significativement l’incidence de la POPF, sa sécurité et son effet sur la dureté tissulaire posent les bases pour des recherches futures.
Autres informations utiles
L’étude a également révélé que certains patients ont développé une pancréatite légère après la radiothérapie, suggérant que la radiothérapie pourrait induire une certaine réponse inflammatoire dans le tissu pancréatique. De plus, l’équipe de recherche recommande que les études futures combinent d’autres interventions, telles que l’amélioration des techniques chirurgicales ou de la gestion postopératoire, pour réduire davantage l’incidence de la POPF.
Grâce à cette étude, nous avons non seulement compris l’effet de la SBRT préopératoire chez les patients à haut risque, mais nous avons également fourni des références et des orientations importantes pour les recherches futures.