Le stress social répété augmente l'activité neuronale de l'amygdale médiale postérieure chez les rats mâles adultes sensibles au stress

Effets du stress social répété sur l’activité neuronale dans l’amygdale médiale postérieure chez les rats mâles

Contexte

Le stress social joue un rôle important dans les comportements sociaux et la santé mentale. Un stress social prolongé peut non seulement entraîner des changements comportementaux chez les individus, mais est également étroitement lié à l’apparition de divers troubles mentaux, tels que l’anxiété et la dépression. L’amygdale médiale (medial amygdala, MeA), une région clé du cerveau pour le traitement des informations sociales, participe à la régulation de divers comportements sociaux, notamment l’agressivité, les comportements territoriaux, l’accouplement et les comportements maternels. Cependant, les mécanismes spécifiques par lesquels le stress social influence l’activité neuronale dans la MeA restent mal compris.

Des études antérieures ont montré que la MeA joue un rôle crucial dans les comportements sociaux, mais ses réponses au stress social ne sont pas clairement définies. En particulier, l’amygdale médiale postérieure (posterior medial amygdala, MeAP) et ses sous-noyaux (comme le sous-noyau dorsal postérieur MeAPd) ont un rôle significatif dans l’engagement social, et la MeAP est étroitement liée à plusieurs zones cérébrales impliquées dans les fonctions sociales, comme le noyau du lit de la strie terminale postérieure (pBNST) et l’hypothalamus ventromédial (VMH). Ainsi, l’étude de l’impact du stress social sur l’activité neuronale de la MeAP contribue à expliquer comment le stress peut modifier les comportements sociaux et offre de nouvelles perspectives pour comprendre les dysfonctionnements sociaux dans les troubles mentaux.

Cette étude a été menée par l’équipe d’Alexandra C. Ritger de la Rosalind Franklin University et a été publiée le 7 janvier 2025 dans le Journal of Neurophysiology.

Méthodologie expérimentale

Sujets et groupes

L’étude a utilisé des rats mâles Sprague-Dawley adultes comme sujets expérimentaux. Les rats ont été répartis aléatoirement en un groupe témoin et un groupe soumis au stress social, comprenant respectivement 30 et 33 rats. Le groupe soumis au stress a été exposé à un stress social répété via le paradigme “résident-intrus” (resident-intruder paradigm), comme suit :

  1. Induction du stress social : Les rats expérimentaux (intrus) ont été placés dans la cage d’un rat Long Evans agressif (résident) et ont subi une phase d’attaque physique de 15 minutes suivie d’une phase de stress non physique de 15 minutes (via une séparation par un filet métallique). Ce processus a été répété pendant 5 jours consécutifs.
  2. Tests comportementaux : Dans les 10 jours suivant la dernière exposition au stress, tous les rats ont été soumis à un test d’interaction sociale. Pendant ce test, les rats expérimentaux interagissaient librement avec un rat inconnu de la même espèce dans un environnement en champ ouvert pendant 5 minutes, et leurs comportements sociaux ont été enregistrés et analysés par vidéo.
  3. Enregistrements électrophysiologiques : Après les tests comportementaux, les rats ont été anesthésiés et l’activité de décharge spontanée des neurones de la MeAP a été enregistrée à l’aide d’électrodes extracellulaires unitaires. Parallèlement, les neurones projetant vers le pBNST et le VMH ont été identifiés par stimulation antidromique.

Traitement et analyse des données

L’étude a utilisé diverses méthodes statistiques pour analyser les données, y compris le test de Mann-Whitney U, le test de Kolmogorov-Smirnov, et des tests t emboîtés, avec une transformation logarithmique des données non normalisées. De plus, des approches basées sur l’apprentissage automatique ont été utilisées pour analyser les modes d’évitement actif dans les comportements sociaux des rats.

Principaux résultats

Impact du stress social sur l’activité neuronale de la MeAP

L’étude a montré que le stress social augmentait significativement la fréquence de décharge des neurones du MeAPd, tandis que l’activité des neurones du MeAPv n’était pas affectée. Les données spécifiques sont les suivantes : - La fréquence moyenne de décharge des neurones du MeAPd dans le groupe stressé était de 1,44 ± 0,28 Hz, significativement plus élevée que celle du groupe témoin (0,38 ± 0,11 Hz). - Aucune différence significative n’a été observée dans la fréquence de décharge des neurones du MeAPv entre les groupes stressé (0,44 ± 0,12 Hz) et témoin (0,52 ± 0,21 Hz).

Changements dans l’activité des neurones projetant vers le pBNST

L’étude a également révélé que la fréquence de décharge des neurones projetant du MeAP vers le pBNST augmentait significativement dans le groupe stressé (1,33 ± 0,44 Hz) par rapport au groupe témoin (0,10 ± 0,02 Hz), tandis que la fréquence de décharge des neurones projetant vers le VMH ne montrait aucun changement significatif.

Association entre l’intensité du stress et l’activité neuronale

La fréquence de décharge des neurones du MeAPd et du MeAP-pBNST était positivement corrélée à l’intensité du stress social (p < 0,0001). De plus, la fréquence de décharge des neurones du MeAP-pBNST était négativement corrélée avec le temps d’interaction sociale des rats (p = 0,007), suggérant que l’activité de ces neurones pourrait être liée à une réduction des comportements sociaux.

Relation entre la sensibilité au stress et l’activité neuronale

Sur la base des changements de poids, les rats ont été classés en groupes sensibles (susceptible) et résilients (resilient). Les résultats ont montré que la fréquence de décharge des neurones du MeAPd et du MeAP-pBNST était significativement plus élevée dans le groupe sensible que dans les groupes résilient et témoin (p < 0,0001), indiquant que ces neurones étaient plus sensibles au stress social.

Conclusions et implications

Cette étude montre que le stress social répété peut altérer les comportements sociaux en augmentant l’activité des neurones du MeAPd et de leurs projections vers le pBNST. Ces résultats offrent de nouvelles perspectives pour comprendre comment le stress affecte les circuits cérébraux sociaux et fournissent des mécanismes neuronaux potentiels pour les dysfonctionnements sociaux dans les troubles mentaux.

Points forts de l’étude

  1. Mise en évidence du rôle clé des neurones du MeAPd dans le stress social : L’étude a démontré pour la première fois la sensibilité des neurones du MeAPd au stress social et a révélé leur lien avec les projections vers le pBNST.
  2. Mécanismes neuronaux de la sensibilité au stress : L’étude a montré que l’activité des neurones du MeAPd et du MeAP-pBNST augmentait significativement chez les rats sensibles, fournissant une base neuronale pour les différences individuelles dans la sensibilité au stress.
  3. Méthodes expérimentales innovantes : L’étude a combiné des approches comportementales, électrophysiologiques et de stimulation antidromique, offrant un cadre méthodologique complet pour explorer l’impact du stress sur les circuits neuronaux.

Valeur de l’étude

Cette recherche approfondit notre compréhension des mécanismes neuronaux du stress social et propose de nouvelles cibles pour le développement de stratégies thérapeutiques visant les dysfonctionnements sociaux. De plus, les résultats soulignent l’importance potentielle du circuit MeAP-pBNST dans les troubles mentaux liés au stress.

Autres informations pertinentes

Les données de l’étude sont accessibles sur la plateforme GitHub (https://github.com/amielrosen/sourcedata_mea_firing.git), offrant une ressource précieuse pour d’autres chercheurs. De plus, l’équipe de recherche prévoit d’explorer davantage les modèles d’activité des neurones du MeAP chez des rats éveillés, afin de valider ces résultats dans des conditions comportementales naturelles.