Effets différentiels de la forme d'onde et de l'intensité de la stimulation sur les structures neurales activées par la stimulation transcutanée de la moelle épinière lombaire
Effets différentiels de la stimulation transcutanée de la moelle épinière (TSS) sur l’activation des structures neurales
Introduction
La stimulation transcutanée de la moelle épinière (Transcutaneous Spinal Cord Stimulation, TSS) est une technique non invasive de stimulation nerveuse qui applique un courant électrique à travers des électrodes placées sur la surface de la peau, activant ainsi les structures neurales de la moelle épinière pour induire des réponses musculaires. La TSS a montré son potentiel dans la rééducation des patients atteints de lésions de la moelle épinière (Spinal Cord Injury, SCI), améliorant leurs fonctions motrices. Cependant, les mécanismes exacts de la TSS restent mal compris, en particulier comment différentes formes d’onde et intensités de stimulation influencent les structures neurales activées. Cette question est cruciale pour optimiser l’efficacité thérapeutique de la TSS, notamment pour la récupération motrice des différents muscles.
Source de l’étude
Cette étude a été menée par une équipe de chercheurs de Neuroscience Research Australia, de l’University of New South Wales, de l’Edith Cowan University et du Prince of Wales Hospital. Les auteurs principaux incluent Harrison T. Finn, Marel Parono, Elizabeth A. Bye et al. L’étude a été publiée en 2025 dans le Journal of Neurophysiology.
Déroulement de l’étude
1. Sujets et conception expérimentale
L’étude a recruté 15 adultes en bonne santé (9 femmes, 6 hommes), tous âgés de plus de 18 ans et sans antécédents de troubles neurologiques. Les participants étaient assis pendant l’expérience, avec les hanches fléchies à 120 degrés, les genoux à 20 degrés et les chevilles en flexion plantaire à 130 degrés. Tous les muscles étaient au repos.
2. Paramètres de stimulation
La stimulation TSS était appliquée via des électrodes placées sur les vertèbres L1-L3, en utilisant deux formes d’onde : - Onde conventionnelle : Une impulsion biphasique unique de 400 microsecondes. - Onde en salves à haute fréquence : Dix impulsions biphasiques de 40 microsecondes, à une fréquence de 10 kHz.
Les intensités de stimulation étaient classées en seuil et supraseuil. Le seuil était défini comme l’intensité minimale nécessaire pour induire une réponse musculaire visible, tandis que le supraseuil était fixé pour que l’amplitude de la réponse musculaire atteigne 5 % de l’amplitude maximale de l’onde M (Mmax).
3. Protocole expérimental
Le protocole expérimental comprenait les étapes suivantes : - Stimulation TSS unique : Enregistrement des réponses motrices évoquées spinalement (spinally evoked motor response, SEMR) dans le muscle vaste médial (vastus medialis, VM), le muscle tibial antérieur (tibialis anterior, TA) et le muscle gastrocnémien médial (medial gastrocnemius, MG). - Stimulation TSS double : Deux stimuli TSS étaient délivrés avec un intervalle de 80 millisecondes pour évaluer la dépression post-activation (postactivation depression) de la seconde SEMR. - Stimulation couplée TMS et TSS : La stimulation magnétique transcrânienne (Transcranial Magnetic Stimulation, TMS) était couplée à la TSS pour étudier l’interaction des deux stimuli au niveau des motoneurones. L’intensité de la TMS était réglée pour induire un potentiel moteur évoqué (motor evoked potential, MEP) plus important que la SEMR supraseuil dans le VM.
4. Analyse des données
Les latences et les amplitudes des SEMR, MEP et Mmax ont été comparées entre les différentes conditions de stimulation pour analyser l’effet de la forme d’onde et de l’intensité sur l’activation des structures neurales. Les données ont été traitées à l’aide de scripts Python, et des modèles linéaires généralisés mixtes (GLMM) ont été utilisés pour l’analyse statistique.
Principaux résultats
1. Réponses du muscle vaste médial (VM)
- Latence de la SEMR : La latence moyenne de la SEMR dans le VM était courte, de 8 à 9 millisecondes, proche de celle des ondes M évoquées par stimulation du nerf fémoral, suggérant que la TSS active principalement les axones moteurs.
- Stimulation TSS double : L’amplitude de la seconde SEMR était réduite de 20 à 30 % par rapport à la première, indiquant une activation moindre des axones sensitifs.
- Stimulation couplée TMS et TSS : Aucune facilitation significative n’a été observée lorsque les stimuli TMS et TSS atteignaient les motoneurones simultanément ou légèrement avant, ce qui conforte l’idée que la TSS active surtout les axones moteurs.
2. Réponses du muscle tibial antérieur (TA) et du muscle gastrocnémien médial (MG)
- Latence de la SEMR : Les latences de la SEMR dans le TA et le MG étaient également courtes, suggérant une activation simultanée des axones moteurs et sensitifs.
- Stimulation TSS double : Avec une stimulation supraseuil, l’onde conventionnelle induisait une dépression plus marquée de la seconde SEMR, indiquant une activation plus importante des axones sensitifs.
- Stimulation couplée TMS et TSS : Avec une stimulation supraseuil, les réponses combinées dans le TA et le MG étaient significativement facilitées lorsque la TMS précédait ou coïncidait avec la TSS, ce qui confirme l’activation des axones sensitifs par la TSS.
Conclusions et implications
Cette étude montre que les structures neurales activées par la TSS varient en fonction de la forme d’onde et de l’intensité de la stimulation. Pour le muscle vaste médial (VM), la TSS active principalement les axones moteurs, tandis que pour le muscle tibial antérieur (TA) et le muscle gastrocnémien médial (MG), elle active à la fois les axones moteurs et sensitifs. Les stimulations supraseuils et les ondes conventionnelles activent plus efficacement les axones sensitifs, tandis que les ondes en salves à haute fréquence peuvent activer davantage d’axones moteurs.
Ces résultats sont d’une grande importance pour optimiser l’application de la TSS en rééducation. En ajustant les paramètres de stimulation, il est possible de cibler plus précisément les structures neurales souhaitées, améliorant ainsi l’efficacité thérapeutique. De plus, cette étude apporte de nouvelles pistes pour comprendre les mécanismes d’action de la TSS, jetant les bases de recherches futures.
Points forts de l’étude
- Différences inter-musculaires : L’étude révèle que la TSS active différemment les structures neurales selon les muscles, une découverte cruciale pour une rééducation personnalisée.
- Impact des paramètres de stimulation : Les stimulations supraseuils et les ondes conventionnelles activent plus efficacement les axones sensitifs, offrant des pistes pour optimiser les paramètres de la TSS.
- Conception expérimentale innovante : En combinant la TMS et la TSS, l’équipe a pu approfondir la compréhension des mécanismes d’activation des motoneurones par la TSS.
- Application de modèles statistiques : L’utilisation des modèles linéaires généralisés mixtes (GLMM) a assuré la précision et la fiabilité de l’analyse des données.
Autres informations utiles
Les limites de cette étude incluent certaines hypothèses dans le calcul des temps de conduction centraux et l’absence de contrôle de la taille des SEMR dans le TA et le MG. Des recherches futures pourraient affiner ces points grâce à une conception expérimentale optimisée.