La stimulation transspinale sous-régule les voies réflexes de flexion pendant la marche chez les humains en bonne santé
La stimulation transspinale atténue les voies réflexes de flexion pendant la marche chez l’humain en bonne santé
Contexte académique
La marche humaine est un processus complexe impliquant la collaboration du système nerveux central et périphérique. La moelle épinière, en tant que composante clé du système nerveux central, joue un rôle essentiel dans le contrôle des réflexes moteurs et le maintien de la démarche. Le réflexe de flexion (Flexion Reflex) est un réflexe protecteur généralement déclenché lors de la stimulation du pied, aidant l’individu à éviter les blessures. Cependant, chez les patients atteints de lésions de la moelle épinière (Spinal Cord Injury, SCI), ce réflexe peut devenir anormalement accru, entraînant une démarche désordonnée et des difficultés à marcher. Ainsi, étudier comment réguler l’excitabilité du réflexe de flexion par des techniques de neuromodulation est crucial pour aider les patients souffrant de lésions médullaires à retrouver une fonction de marche normale.
Ces dernières années, la stimulation transcutanée de la moelle épinière (Transcutaneous Spinal Cord Stimulation, TSS) est devenue une technique de neuromodulation non invasive importante pour la recherche et le traitement des lésions médullaires. Cette technique utilise la stimulation électrique de la région spinale pour moduler l’excitabilité des réseaux neuronaux, améliorant ainsi les fonctions motrices. Cependant, les effets spécifiques de la stimulation transspinale sur le réflexe de flexion, en particulier les mécanismes de régulation dynamique pendant la marche, restent mal compris. Cette étude vise à explorer l’effet de la stimulation transspinale à différentes fréquences et intensités sur le réflexe de flexion du muscle tibial antérieur (Tibialis Anterior, TA) pendant la marche chez l’humain en bonne santé.
Source de l’étude
Cet article a été co-écrit par Maria Knikou et Abdullah M. Sayed Ahmad, issus respectivement du programme de recherche KLab4Recovery Sci et du département de physiothérapie du College of Staten Island de la City University of New York. L’étude a été acceptée le 27 décembre 2024 et publiée pour la première fois le 8 janvier 2025 dans le Journal of Neurophysiology.
Processus et résultats de l’étude
Processus de l’étude
1. Recrutement des participants
L’étude a recruté neuf adultes en bonne santé (six hommes, trois femmes), âgés de 19 à 26 ans. Aucun participant n’avait d’antécédents de troubles neurologiques, orthopédiques ou systémiques. Chaque participant a signé un consentement éclairé avant l’expérience, approuvée par le comité d’éthique de la City University of New York.
2. Conception expérimentale
L’étude a utilisé la technique de stimulation transspinale à des fréquences de 15 Hz, 30 Hz et 50 Hz, avec deux intensités de stimulation : supérieure et inférieure au seuil de perception. Toutes les expériences ont été réalisées pendant la marche sur un tapis roulant. Le réflexe de flexion a été déclenché par une séquence d’impulsions électriques de 30 ms appliquées à la voûte plantaire médiale, réparties aléatoirement sur 16 intervalles égaux du cycle de marche.
3. Collecte et analyse des données
Les chercheurs ont enregistré les signaux d’électromyographie de surface (Surface Electromyography, EMG) pendant la marche sur tapis roulant, en extrayant les données des muscles tibial antérieur et soléaire (Soleus, SOL). L’amplitude du réflexe de flexion a été mesurée en calculant l’aire de l’EMG entre 20 ms et 200 ms après la fin de la séquence d’impulsions, normalisée par rapport à l’activité EMG maximale liée à la marche.
Principaux résultats
Modulation dépendante de la phase du réflexe de flexion : L’étude a montré que le réflexe de flexion non stimulé présentait une modulation dépendante de la phase significative au cours du cycle de marche. Ces résultats sont cohérents avec les observations précédentes chez l’humain en bonne santé.
Effet de la stimulation transspinale sur le réflexe de flexion : Quelle que soit la fréquence ou l’intensité de stimulation, la stimulation transspinale a significativement atténué le réflexe de flexion pendant la marche. Cet effet inhibiteur était significatif dans plusieurs intervalles du cycle de marche, tout en maintenant le schéma de modulation dépendante de la phase.
Modifications de l’activité EMG de fond : L’étude a révélé que la stimulation transspinale n’a pas significativement altéré l’activité EMG de fond du muscle tibial antérieur, indiquant que l’effet inhibiteur sur le réflexe de flexion résulte principalement de la modulation des réseaux neuronaux spinaux plutôt que de l’excitabilité musculaire elle-même.
Stabilité de la pente et de l’intercepte : Grâce à l’analyse de régression linéaire, les chercheurs ont constaté que la pente et l’intercepte entre le réflexe de flexion et l’activité EMG de fond restaient stables avant et après la stimulation transspinale. Cela suggère que la stimulation transspinale n’a pas modifié le gain des réseaux neuronaux spinaux ou le seuil d’excitabilité du réflexe de flexion.
Conclusions et valeur
Les résultats de cette étude montrent pour la première fois que la stimulation transspinale, quelle que soit la fréquence ou l’intensité, peut significativement inhiber le réflexe de flexion du muscle tibial antérieur pendant la marche chez l’humain en bonne santé. Cette inhibition est cohérente avec le maintien du schéma de modulation dépendante de la phase du réflexe de flexion, sans altérer ni le gain des réseaux neuronaux spinaux ni le seuil d’excitabilité. Cette découverte fournit une base théorique importante pour la rééducation des patients souffrant de lésions médullaires. En inhibant les réflexes de flexion excessivement accrus, la stimulation transspinale pourrait aider les patients à retrouver un schéma de marche normal, en particulier lors de la transition de la phase d’appui à la phase oscillante.
Points forts de l’étude
- Découverte majeure : La stimulation transspinale atténue significativement le réflexe de flexion du muscle tibial antérieur pendant la marche, et cet effet est indépendant de la fréquence et de l’intensité de stimulation.
- Problème résolu : L’étude propose une nouvelle stratégie de neuromodulation pour traiter les troubles de la marche chez les patients souffrant de lésions médullaires, offrant une valeur potentielle particulièrement dans l’inhibition des réflexes de flexion excessifs.
- Innovation méthodologique : L’étude utilise une technique innovante de stimulation transspinale combinée à des expériences de marche sur tapis roulant, permettant une évaluation dynamique du schéma de modulation du réflexe de flexion.
Autres informations pertinentes
Les chercheurs soulignent que, bien que le mécanisme de modulation du réflexe de flexion par la stimulation transspinale ne soit pas entièrement compris, il pourrait être lié à une inhibition présynaptique et postsynaptique des réseaux neuronaux spinaux. Les futures recherches pourraient explorer davantage les effets de la stimulation transspinale chez les patients souffrant de lésions médullaires afin d’optimiser les paramètres de neuromodulation et maximiser la récupération des fonctions motrices.
Résumé
Les résultats de cette étude ouvrent de nouvelles perspectives pour la rééducation des patients souffrant de lésions médullaires, en particulier en modulant l’excitabilité du réflexe de flexion grâce à la stimulation transspinale, ce qui pourrait améliorer leur schéma de marche et leur qualité de vie. De plus, l’étude démontre le potentiel de la stimulation transspinale en tant que technique de neuromodulation non invasive, jetant les bases pour des recherches et applications cliniques futures.