Localisation précoce et sélective des filaments de Tau aux domaines sous-cellulaires glutamatergiques dans le thalamus antérodorsal humain

Introduction au contexte

L’objectif principal de cette étude est d’examiner la distribution et la propagation de la protéine tau (tau protein) aux premiers stades de la maladie d’Alzheimer, en se concentrant particulièrement sur la vulnérabilité des neurones calrétinine-positifs dans le noyau antéro-dorsal (anterodorsal) du thalamus humain et l’accumulation de p-tau, une protéine pathologique tau. Malgré que de nombreuses recherches se concentrent sur les régions corticales dans la maladie d’Alzheimer, certaines régions sous-corticales comme le thalamus, le locus coeruleus et le noyau du raphé dorsal montrent également une vulnérabilité sélective aux pathologies tau. L’objectif final de cette étude est de déterminer comment la pathologie tau se propage dans ces régions aux différents stades de la maladie et de comprendre le rôle de la spécificité des sous-types cellulaires et des terminaux présynaptiques dans la propagation de la pathologie.

Source de l’article

Cet article intitulé “Early and Selective Localization of Tau Filaments to Glutamatergic Subcellular Domains within the Human Anterodorsal Thalamus” a été publié dans la revue “Acta Neuropathologica” (2024, Vol. 147: 98-126). Les principaux auteurs incluent Barbara Sárkány, Csaba Dávid, Tibor Hortobágyi, Péter Gombás, Peter Somogyi, László Acsády, et Tim J. Viney. Cet article est le résultat d’une collaboration entre plusieurs institutions de recherche, y compris l’Université d’Oxford et plusieurs instituts en Hongrie. Il a été reçu le 12 janvier 2024, révisé le 21 mai 2024, et accepté pour publication le 1er juin 2024.

Méthodologie de recherche

Échantillons et méthodes

Les échantillons de l’étude proviennent de 26 cerveaux humains recueillis dans diverses banques de cerveaux, y compris la Human Brain Research Laboratory (Hongrie), la MRC London Neurodegenerative Diseases Brain Bank (King’s College London, Royaume-Uni), la Queen Square Brain Bank for Neurological Disorders (University College London, Royaume-Uni) et la Oxford Brain Bank (Oxford, Royaume-Uni). Ces échantillons ont été classés selon la classification standardisée des stades de Braak, allant de l’absence de pathologie tau (Braak stage 0) aux stades pathologiques avancés de la maladie d’Alzheimer (Braak stage VI).

Détails de la recherche

  1. Traitement des tissus:

    • Utilisation de différentes méthodes de fixation (perfusion-fixée, congelée rapidement et formol-fixée en paraffine) pour le traitement des tissus cérébraux.
    • Utilisation d’anticorps anti-TAU protein (comme AT8, PHF1 et CP13) pour des essais d’immunohistochimie.
    • Analyse de la distribution de p-tau dans les cellules et les composants cellulaires à l’aide de la microscopie optique et électronique.
  2. Analyse et quantification d’images:

    • Utilisation des logiciels QuPath et Python pour l’analyse des images, quantifiant la couverture en p-tau et le nombre de cellules immunoréactives par des classificateurs de pixels.
    • Statistiques sur la proportion des éléments présynaptiques et postsynaptiques contenant du p-tau à différents stades de Braak.

Résultats de l’étude

  1. Sensibilité précoce du noyau antéro-dorsal du thalamus (ADN) à la pathologie tau:

    • Dès le stade Braak 0, des p-tau sont observés dans 64.3% des neurones calrétinine-positifs de la région ADN dans les échantillons de contrôle.
    • Aux stades précoces de la maladie d’Alzheimer (Braak stages III-IV), la région ADN présente un niveau modéré d’accumulation de p-tau (8.54% de couverture, densité de 11.65), atteignant au stade avancé (Braak stages V-VI) une couverture de 36.31% et une densité de 118.89 cellules/mm², indiquant une accumulation continue et significative de pathologie tau dans la région ADN au cours de la progression de la maladie.
  2. Impact de tau sur les terminaux axonaux antéro-dorsaux:

    • La distribution de tau, que ce soit au niveau des terminaux présynaptiques (principalement dans les terminaux axonaux VGluT2-positifs) ou au niveau postsynaptique, se concentre principalement dans la région ADN.
    • La microscopie électronique montre que 5-20% des terminaux présynaptiques contiennent du p-tau dans les échantillons de stade moyen et avancé (principalement terminaux VGluT2+), avec 21.6% et 51.5% des éléments postsynaptiques contenant du p-tau respectivement.
  3. Exploration préliminaire des voies de diffusion de tau:

    • L’accumulation de p-tau dans les terminaux VGluT2-positifs suggère une propagation trans-synaptique potentielle, notamment depuis le corps mamillaire vers l’ADN, puis de l’ADN vers le cortex rétrosplénial (RS).
  4. Vulnérabilité sélective spécifique des types cellulaires:

    • En phase très précoce de la maladie (stade Braak 0), les neurones calrétinine-positifs montrent une sensibilité élevée à tau, constituant la majorité des cellules p-tau positives dans la région ADN (64.3%).
    • Cette découverte met en lumière l’impact significatif de la pathologie tau dans les régions sous-corticales durant la progression de la maladie d’Alzheimer, offrant de potentielles nouvelles pistes pour des traitements ciblés précoces basés sur les sous-types cellulaires spécifiques.

Conclusion

Cet article confirme la spécificité sous-type et synaptique de la pathologie tau aux stades précoces de la maladie d’Alzheimer dans la région ADN, en soulignant particulièrement les terminaux axonaux présynaptiques VGluT2-positifs. Cette étude démontre l’accumulation et la propagation progressive de la pathologie tau au cours de la progression de la maladie d’Alzheimer et propose que l’ADN pourrait être un carrefour majeur pour la pathologie tau précoce. Ces découvertes sont significatives pour comprendre les mécanismes de déviation de la maladie d’Alzheimer à ses premiers stades et leurs impacts sur d’autres systèmes.

Commentaires et perspectives

Cette étude apporte une contribution majeure à la compréhension des mécanismes de propagation de la pathologie de la maladie d’Alzheimer dans les régions sous-corticales et suggère le rôle particulier des synapses VGluT2-positives dans la propagation de la maladie. Cela offre de nouvelles directions pour les stratégies de traitement futures, avec une possibilité d’interventions précoces ciblant ces sous-types de neurones affectés dans les stades précoces de la maladie, ayant ainsi un potentiel clinique important.