Analyse multiomique intégrée à cellule unique révèle de nouveaux régulateurs de l'inversion de la latence du VIH
Une étude intégrée de l’omique unicellulaire sur la réversion de la latence du VIH révèle de nouveaux régulateurs de la réactivation virale
Cet article intitulé “Integrated single-cell multiomic analysis of HIV latency reversal reveals novel regulators of viral reactivation” a été réalisé conjointement par Manickam Ashokkumar, Wenwen Mei et plusieurs autres chercheurs provenant de diverses institutions, notamment l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill (University of North Carolina at Chapel Hill) et l’Université Texas A&M (Texas A&M University). Il a été publié en avant-première dans la revue “Genomics, Proteomics & Bioinformatics” le 20 juin 2024.
Contexte de la recherche
Bien que la thérapie antirétrovirale (ART) ait connu un grand succès dans le contrôle de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), le VIH reste incurable, principalement en raison de la présence d’un petit réservoir de cellules infectées de manière latente dans l’organisme. Ces réservoirs échappent à l’attaque du système immunitaire pendant le traitement, permettant au virus de rebondir rapidement après l’arrêt du traitement. Par conséquent, comprendre les mécanismes de la latence du VIH est crucial pour développer des thérapies curatives contre le VIH.
Pour inverser la latence du VIH, les chercheurs utilisent généralement des agents de réversion de la latence (LRA) pour induire l’expression des gènes viraux, activant ainsi le VIH latent pour qu’il soit éliminé par le système immunitaire. Cependant, les méthodes LRA existantes sont inefficaces, ne permettant d’inverser qu’environ 10% des virus capables de se répliquer. Cela est principalement dû au fait que l’expression des gènes du VIH est soumise à des mécanismes de suppression à plusieurs niveaux, ainsi qu’à l’hétérogénéité de l’environnement cellulaire et des sites d’intégration provirale. Il est donc nécessaire de comprendre pleinement ces mécanismes de suppression pour développer des stratégies LRA plus larges.
Objectifs et méthodes de recherche
Dans cette étude, l’équipe de recherche a utilisé une approche intégrant le séquençage d’ARN unicellulaire (single-cell RNA sequencing, scRNA-seq) et l’analyse unicellulaire de l’accessibilité de la chromatine par transposase (single-cell assay for transposase-accessible chromatin with sequencing, scATAC-seq), dans le but de révéler les mécanismes de régulation de l’expression des gènes du VIH et de réversion de la latence en analysant simultanément le génome et l’accessibilité de la chromatine.
La recherche comprenait les étapes principales suivantes :
- Conception expérimentale et collecte de données :
- L’étude a été menée sur des cellules T CD4+ primaires infectées par le VIH-gfp et la lignée cellulaire Jurkat 2D10, stimulées avec trois LRA : Vorinostat, iBET151 et Prostratin.
- Analyse des cellules après chaque traitement par cytométrie en flux et technologies multiomiques unicellulaires.
- Traitement et analyse des données :
- Analyse homologue par scRNA-seq et scATAC-seq des cellules T CD4+ primaires infectées par le VIH-gfp et de la lignée cellulaire Jurkat 2D10, analyse par clustering des données multiomiques générées.
- Calcul des scores de biais des facteurs de transcription pour identifier les facteurs de transcription présentant des caractéristiques épigénétiques différentielles après traitement par LRA.
- Analyse de l’association entre les facteurs de transcription et la transcription virale :
- Utilisation de méthodes d’apprentissage automatique pour entraîner des modèles prédisant quels facteurs de transcription sont associés à l’expression des gènes du VIH.
- Validation fonctionnelle :
- Utilisation des technologies shRNA et CRISPR pour valider le rôle régulateur des facteurs de transcription clés dans l’expression des gènes du VIH.
Résultats de la recherche
Analyse des données et découvertes préliminaires
En intégrant l’analyse scRNA-seq et scATAC-seq, l’étude a obtenu des données de haute qualité sur l’accessibilité chromosomique et l’ARN à partir d’environ 125 000 cellules :
- Dans différentes conditions, des méthodes de réduction de dimension ont révélé une séparation significative des cellules T CD4+ primaires et des cellules 2D10 après différents traitements LRA, indiquant que chaque LRA a un impact différent sur le transcriptome cellulaire.
- La détection de l’expression génique de la transcription du VIH a montré que les LRA Vorinostat et Prostratin augmentaient significativement l’abondance de l’ARN viral, tandis que l’effet de l’iBET151 était minime. Cela indique que ces LRA ont des effets différents sur la réactivation des gènes du VIH.
Identification des facteurs de régulation clés
L’analyse a permis à l’équipe de recherche d’identifier plusieurs facteurs de transcription cellulaire et caractéristiques de la chromatine associés à la transcription du VIH :
- Dans la lignée cellulaire Jurkat 2D10, les facteurs de transcription les plus significativement corrélés étaient GATA3 (corrélation positive) et CTCF (corrélation négative).
- Dans les cellules T CD4+ primaires, des gènes significativement corrélés tels que CENPF (protéine intermédiaire), GAPDH (associé au métabolisme cellulaire actif et à la division cellulaire) et BACH2 (facteur de transcription) ont été identifiés. De plus, une corrélation entre l’accessibilité de la chromatine provirale et l’expression des gènes viraux a été détectée, et plusieurs facteurs de transcription ayant un effet régulateur significatif, tels que les membres des familles AP-1 et NF-κB, ont été identifiés.
- L’analyse des données obtenues à l’aide de méthodes d’apprentissage automatique a montré que les modèles d’apprentissage automatique étaient efficaces pour prédire l’expression du VIH dans les cellules.
Validation fonctionnelle
- Rôle de GATA3 dans la réactivation du VIH :
- L’utilisation de la technologie shRNA pour inhiber l’expression du gène GATA3 a montré une diminution significative de l’expression des gènes viraux après stimulation par Prostratin.
- Rôle de FOXP1 dans la réactivation du VIH :
- L’inhibition de l’expression du gène FOXP1 peut entraîner l’activation de l’expression des gènes viraux. À l’inverse, la surexpression de FOXP1 peut inhiber l’expression des gènes viraux.
- Dans les cellules T CD4+ primaires, l’élimination des gènes GATA3 et FOXP1 par la technologie CRISPR/Cas9, suivie d’une stimulation par Prostratin, a montré un impact significatif sur l’expression du VIH, confirmant le rôle régulateur important de GATA3 et FOXP1 dans la réversion de la latence du VIH.
Conclusions et perspectives
Conclusions de l’étude
En intégrant des technologies multiomiques unicellulaires, l’équipe de recherche a identifié de nouveaux régulateurs potentiellement significatifs de la réactivation du VIH, en particulier les facteurs de transcription GATA3 et FOXP1. Ces découvertes enrichissent non seulement la compréhension théorique des mécanismes de latence du VIH et de sa réversion, mais fournissent également de nouvelles cibles potentielles pour les stratégies de guérison du VIH.
Valeur d’application
Ces données démontrent que les approches multiomiques à résolution unicellulaire peuvent efficacement révéler le réseau complexe de régulation de l’expression des gènes du VIH, fournissant ainsi une base scientifique importante pour le développement de stratégies LRA plus efficaces et l’élimination complète des réservoirs latents du VIH.
Points forts de la recherche
- Méthode d’analyse multiomique innovante : L’utilisation combinée de scRNA-seq et scATAC-seq capture simultanément l’expression génique et l’accessibilité de la chromatine au niveau unicellulaire, offrant une perspective multiomique complète.
- Analyse assistée par apprentissage automatique : L’utilisation de techniques d’apprentissage automatique permet d’extraire des caractéristiques importantes à partir de données de haute dimension, améliorant la précision de la prédiction des mécanismes de réversion de la latence du VIH.
- Validation réussie du rôle des facteurs de transcription clés : La validation fonctionnelle a confirmé le rôle crucial de GATA3 et FOXP1 dans la réversion de la latence du VIH.
Signification de la recherche
Cette étude fournit un nouveau paradigme de recherche pour l’exploration des mécanismes de latence du VIH, tout en faisant un pas important vers la guérison du VIH en développant des stratégies LRA plus larges et plus efficaces. À l’avenir, une analyse plus détaillée et une validation fonctionnelle d’un plus grand nombre de régulateurs de la réactivation du VIH pourraient offrir davantage de possibilités pour mettre fin au VIH.