Séquençage de l'ARN unicellulaire et apprentissage automatique révèlent la relation entre les cellules T CD8+ et la métastase du mélanome uvéal

Rapport académique de 2024 publié dans « Cancer Cell International » intitulé « L’apprentissage automatique et le séquençage d’ARN unicellulaire révèlent la relation entre les cellules T CD8+ intratumorales et la métastase du mélanome uvéal »

Contexte et objectif de l’étude

Le mélanome uvéal (MU) est la tumeur maligne intraoculaire la plus courante chez l’adulte. Après un traitement par radiothérapie ou chirurgie, le taux de récidive locale du MU primaire est faible. Cependant, environ 40% des patients développent des métastases distantes après traitement, en particulier dans le foie, entraînant un taux de mortalité allant jusqu’à 50% en 4 à 5 ans. Actuellement, l’évaluation du risque de métastase du MU repose principalement sur des modèles multi-géniques qui utilisent souvent des méthodes d’apprentissage automatique pour prédire le risque de métastase et le pronostic des patients à partir des données de profil d’expression génique (GEP, Gene Expression Profiling). Cependant, ces modèles nécessitent un grand nombre de gènes, ce qui entraîne des coûts élevés de détection et complique leur application à grande échelle en milieu clinique. De plus, ces modèles offrent une explication limitée des mécanismes de métastase, en particulier quant à la manière dont le microenvironnement immunitaire uvéal influence la métastase tumorale. Il est donc urgent de développer un modèle utilisant un plus petit nombre de gènes et ayant une faisabilité clinique, tout en explorant profondément les mécanismes de métastase du MU.

L’objectif principal de cette étude est de construire un modèle pronostique composé de quelques gènes pour évaluer le risque de métastase chez les patients atteints de MU. Pour cela, l’équipe de recherche a combiné des algorithmes d’apprentissage automatique avec des données de séquençage de l’ARN unicellulaire (Single-cell RNA Sequencing) pour explorer les mécanismes d’influence du microenvironnement immunitaire sur la métastase du MU au niveau des types cellulaires et des fonctions. Les résultats de cette recherche fourniront un soutien théorique pour l’évaluation du risque clinique chez les patients atteints de MU et offriront des références pour le développement de traitements immunitaires pour le MU.

Source de la recherche

Cette recherche a été menée conjointement par Shuming Chen, Zichun Tang et al. du département d’ophtalmologie de l’hôpital Xiangya II en Hunan, Chine, et publiée en 2024 dans « Cancer Cell International ». Shuming Chen et Zichun Tang sont les premiers auteurs communs, tandis que les auteurs correspondants sont Xiao Liu et Zhuo Li.

Méthodes et processus de l’étude

1. Collecte et traitement des données

L’étude a utilisé les données RNA-seq et les informations cliniques de 79 patients atteints de MU issues de la base de données TCGA pour construire et valider le modèle pronostique. De plus, deux ensembles de données unicellulaires du GEO (GSE138665 et GSE139829) ont été utilisés pour explorer les mécanismes spécifiques des métastases du MU. Selon l’état de métastase, les patients ont été divisés en groupes métastatiques et non métastatiques, et 247 gènes associés à la métastase ont été identifiés via les packages R « DESeq2 », « EdgeR » et « Limma ». Une analyse d’enrichissement fonctionnel a ensuite été réalisée, montrant que ces gènes participent principalement à des voies liées au microenvironnement des cellules, telles que les voies IL-17 et métaboliques.

2. Établissement du modèle pronostique

Par le biais d’un test de Log-rank et d’une régression de Cox univariée, 117 gènes liés au pronostic ont été sélectionnés. Ensuite, une régression Lasso et une régression de Cox multivariée ont été utilisées pour construire un modèle à trois gènes incluant les gènes SLC25A38, EDNRB et LURAP1. Ces gènes sont des facteurs protecteurs pour les patients atteints de MU et ont montré une grande précision de prédiction dans l’analyse de survie de Kaplan-Meier. Les résultats de validation de la courbe ROC ont indiqué que ce modèle possède une bonne stabilité et précision de prédiction sur 6, 18 et 30 mois.

3. Validation par expériences cellulaires

Au niveau cellulaire, l’équipe de recherche a mené des expériences de raie de migration cellulaire et des tests de viabilité cellulaire CCK-8, confirmant que l’expression des gènes SLC25A38, EDNRB et LURAP1 pouvait significativement inhiber la capacité de migration des cellules de MU, mais avait peu d’effet sur la prolifération cellulaire et l’apoptose. Ces résultats indiquent que les biomarqueurs diagnostiques du modèle à trois gènes jouent un rôle important dans la régulation de la migration et du risque de métastase des cellules de MU.

4. Analyse du microenvironnement immunitaire

L’évaluation de l’infiltration immunitaire des échantillons des deux groupes a été réalisée en utilisant les packs R ESTIMATE et CIBERSORT. Il a été trouvé que le niveau d’infiltration des cellules T CD8+ était significativement augmenté dans le groupe à risque élevé de métastase, mais la plupart des cellules T CD8+ étaient dans un état d’épuisement avec une fonction affaiblie. Cela suggère que bien que le nombre de cellules T CD8+ soit augmenté dans le groupe à haut risque, la proportion de cellules T CD8+ fonctionnelles est faible, ce qui pourrait être une des raisons de leur risque élevé de métastase.

5. Révélation de la communication intercellulaire par le séquençage unicellulaire de l’ARN

L’analyse de l’ARN unicellulaire a révélé en outre la communication intercellulaire dans le microenvironnement tumoral du MU. L’analyse CellChat a montré que le nombre et l’intensité de la communication cellulaire étaient significativement augmentés dans le groupe à risque élevé, en particulier l’intensité de la communication des cellules T CD8+ cytotoxiques dans les cellules tumorales. Une analyse plus approfondie des voies a identifié les voies APP, MHC-I, CD99 et MIF comme importantes, suggérant que CD99 pourrait influencer la communication entre les cellules T CD8+ et les cellules tumorales par le biais de signalisation, favorisant ainsi la métastase du MU.

6. Trajectoire de différenciation des cellules T CD8+

Grâce à une analyse pseudotemps et une analyse des gènes marqueurs de différenciation, l’équipe de recherche a découvert que les cellules T CD8+ dans le groupe à risque élevé étaient plus susceptibles de se retrouver en stade différentiel précoce avec des fonctions plus faibles, montrant un état d’épuisement élevé. Dans le groupe à risque élevé, la perte de fonctionnalité des cellules T CD8+ a conduit à une capacité anti-tumorale réduite, pouvant être un facteur clé de la métastase du MU.

Résultats de l’étude et principales découvertes

  1. Construction du modèle pronostique à trois gènes : L’étude a développé un modèle simple composé des gènes SLC25A38, EDNRB et LURAP1 pour évaluer le risque de métastase chez les patients atteints de MU. Ce modèle a montré une haute précision et stabilité prédictive dans les ensembles de données de validation internes et externes, ce qui en fait une option cliniquement applicable.

  2. Rôle clé des cellules T CD8+ : Les cellules T CD8+ dans le groupe à haut risque ont montré un état d’épuisement significatif, et leur rôle dans la communication intercellulaire a été amplifié, notamment le rôle potentiel de la voie de signalisation CD99 dans la métastase du MU.

  3. Hétérogénéité du microenvironnement immunitaire : Le processus de métastase du MU est étroitement lié à son microenvironnement immunitaire unique. Bien que le nombre de cellules T CD8+ soit plus élevé dans le groupe à risque élevé, leur fonctionnalité est réduite, illustrant la complexité des mécanismes d’évasion immunitaire du MU. L’étude a découvert que les voies de signalisation MHC-I et APP pourraient participer à la présentation antigénique et à la régulation de la migration cellulaire des cellules tumorales du MU.

  4. Impact de la différenciation et de l’état d’épuisement des cellules T CD8+ : L’augmentation de l’état d’épuisement des cellules T CD8+ dans le groupe à risque élevé a joué un rôle important dans l’évasion immunitaire du MU. À l’avenir, en empêchant l’épuisement des cellules T CD8+, de nouveaux traitements immunitaires plus efficaces pourraient être développés pour le MU.

Signification de l’étude

Le modèle à trois gènes développé dans cette étude offre un outil fiable pour l’évaluation du risque de métastase et la prédiction du pronostic chez les patients atteints de MU. Son faible nombre de gènes réduit les coûts de détection et améliore l’applicabilité clinique du modèle. De plus, pour la première fois, l’étude a analysé en profondeur le microenvironnement immunitaire du MU au niveau unicellulaire, révélant le rôle important des cellules T CD8+ dans le processus de métastase du MU, offrant de nouvelles pistes de recherche pour l’immunothérapie du MU. À l’avenir, il sera possible de concevoir des stratégies d’immunothérapie plus précises en modulant l’état d’épuisement des cellules T CD8+ dans le microenvironnement immunitaire, afin d’améliorer le taux de survie des patients atteints de MU.