Perspectives computationnelles sur la régulation à la baisse de CRISP3 dans le cancer du col de l'utérus et son modèle de lignées cervicales

Le cancer du col de l’utérus (Cervical Cancer, CC) est le quatrième cancer le plus fréquent chez les femmes dans le monde, en particulier dans les pays à revenu faible et intermédiaire, où les taux d’incidence et de mortalité restent élevés. Selon les statistiques, en 2020, plus de 600 000 nouveaux cas de cancer du col de l’utérus ont été recensés dans le monde, avec plus de 340 000 décès. La principale cause du cancer du col de l’utérus est l’infection persistante par le papillomavirus humain (Human Papillomavirus, HPV) à haut risque, en particulier les types HPV16 et HPV18. Bien que la vaccination contre le HPV ait réduit l’incidence du cancer du col de l’utérus dans une certaine mesure, les défis liés à la prévention et au contrôle de cette maladie restent importants en raison de la couverture vaccinale inégale et des besoins de traitement des personnes déjà infectées.

Dans ce contexte, la recherche de nouveaux biomarqueurs et cibles thérapeutiques est devenue une orientation importante dans l’étude du cancer du col de l’utérus. CRISP3 (Cysteine-Rich Secretory Protein 3, protéine sécrétoire riche en cystéine 3), en tant que biomarqueur potentiel, a attiré l’attention des chercheurs ces dernières années dans divers cancers. CRISP3 a été initialement isolé en 1996 à partir de matériel sécrété par les neutrophiles humains, et son rôle dans les réponses immunitaires et les processus inflammatoires a été progressivement révélé. Cependant, le modèle d’expression de CRISP3 dans le cancer du col de l’utérus et sa signification clinique restent mal définis. Cette étude vise à explorer les caractéristiques d’expression de CRISP3 dans le cancer du col de l’utérus et son potentiel en tant que marqueur pronostique à travers des approches de biologie computationnelle et des validations expérimentales.

Source de l’article

Cet article a été co-écrit par Ricardo Cesar Cintra, Andrés Galindo Céspedes, Mércia Patrícia Ferreira Conceição et d’autres auteurs, issus de plusieurs institutions de recherche, notamment l’Universidade de São Paulo, l’Almanzor Aguinaga Asenjo National Hospital et l’Universidad Privada del Este. L’article a été publié le 24 juillet 2024 dans la revue Precision Clinical Medicine, sous le titre « Computational Insights into CRISP3 Downregulation in Cervical Cancer and Its Cervical Lineages Pattern ».

Processus et résultats de la recherche

1. Source des données et analyse des gènes différentiellement exprimés

L’étude a d’abord sélectionné des ensembles de données liés au cancer du col de l’utérus à partir de la base de données Gene Expression Omnibus (GEO), en choisissant finalement l’ensemble de données GSE63514 pour analyse. À l’aide de l’outil GEO2R, les chercheurs ont identifié les gènes différentiellement exprimés (Differentially Expressed Genes, DEGs) et ont construit un réseau d’interactions protéine-protéine (Protein-Protein Interaction, PPI). CRISP3 a été sélectionné pour des analyses approfondies en raison de sa régulation à la baisse significative dans les tissus tumoraux.

Résultats :

Dans l’ensemble de données GSE63514, l’expression de CRISP3 était significativement plus faible dans les tissus du cancer du col de l’utérus que dans les tissus normaux. De plus, à mesure que le grade de la néoplasie intraépithéliale cervicale (Cervical Intraepithelial Neoplasia, CIN) augmentait, l’expression de CRISP3 montrait une tendance à la baisse progressive, en particulier dans les tissus de CIN3 et de cancer du col de l’utérus, où cette régulation à la baisse était plus marquée.

2. Réseau d’interactions protéine-protéine et analyse d’enrichissement des voies

Les chercheurs ont utilisé la base de données STRING pour construire un réseau PPI associé à CRISP3 et ont effectué une analyse d’enrichissement des voies. Les résultats ont montré que CRISP3 interagissait étroitement avec plusieurs marqueurs classiques (comme le récepteur des œstrogènes ESR1 et le récepteur des androgènes AR) ainsi qu’avec des gènes liés à l’inflammation (comme IL-6 et IL-8).

Résultats :

CRISP3 présentait une forte corrélation avec des gènes tels que CRISP2 (une protéine de la même famille) et TCN1 (une protéine de liaison à la vitamine B12). L’analyse d’enrichissement des voies a indiqué que CRISP3 pourrait être impliqué dans plusieurs processus biologiques, notamment le « développement épidermique », la « voie de signalisation TGF-β », la « régulation du cycle cellulaire » et la « réponse inflammatoire ».

3. Analyse des données TCGA et GENT2

Les chercheurs ont ensuite utilisé les données du Cancer Genome Atlas (TCGA) et de la base de données GENT2 pour analyser les caractéristiques d’expression de CRISP3 chez les patientes atteintes de cancer du col de l’utérus et sa relation avec les paramètres clinico-pathologiques. En utilisant les données de séquençage d’ARN, les chercheurs ont divisé les patientes en groupes à expression élevée et faible de CRISP3 et ont analysé sa corrélation avec l’âge des patientes, le type de HPV, le sous-type histologique, entre autres paramètres.

Résultats :

L’expression de CRISP3 était significativement réduite dans les carcinomes épidermoïdes (Squamous Cell Carcinoma, SCC) et chez les patientes positives pour le HPV16, et une faible expression était associée à un taux de survie globale (Overall Survival, OS) plus faible. De plus, l’expression de CRISP3 était négativement corrélée à l’âge des patientes, et les patientes positives pour le HPV18 présentaient une expression de CRISP3 significativement plus élevée que les autres types de HPV.

4. Culture cellulaire et traitement par des médicaments épigénétiques

Les chercheurs ont sélectionné cinq lignées cellulaires de cancer du col de l’utérus (Siha, Sw756, C33A, HeLa et Caski) et les ont traitées avec les médicaments épigénétiques trichostatine A (Trichostatin A, TSA) et 5-aza-2’-déoxycytidine (5-Aza-2’-Deoxycytidine, 5-Aza), puis ont mesuré les changements d’expression de CRISP3 par RT-qPCR.

Résultats :

Dans toutes les lignées cellulaires, le traitement par TSA a significativement augmenté les niveaux de transcription de CRISP3, tandis que le traitement par 5-Aza a également entraîné une régulation à la hausse de CRISP3 dans la plupart des lignées cellulaires. En particulier, dans les cellules Siha et Sw756, l’utilisation combinée de TSA et de 5-Aza a montré un effet synergique, renforçant davantage l’expression de CRISP3.

5. Prédiction des miRNA et analyse de survie

Les chercheurs ont utilisé les bases de données miRTarBase et miRWalk pour prédire les miRNA susceptibles de réguler CRISP3 et ont analysé la valeur pronostique de ces miRNA à l’aide des données TCGA.

Résultats :

miR-1229-3p a été identifié comme un régulateur potentiel de CRISP3, et son expression élevée était associée à un OS et à un taux de survie sans rechute (Relapse-Free Survival, RFS) plus faibles. De plus, une expression élevée de miR-3614-5p était également associée à un OS plus faible.

Conclusion et signification

Cette étude a exploré de manière systématique, pour la première fois, les caractéristiques d’expression de CRISP3 dans le cancer du col de l’utérus et sa signification clinique à travers des approches de biologie computationnelle et des validations expérimentales. Les résultats ont montré que CRISP3 était significativement régulé à la baisse dans les tissus du cancer du col de l’utérus, en particulier dans les SCC et chez les patientes positives pour le HPV16, où une faible expression était associée à un pronostic plus défavorable. De plus, les médicaments épigénétiques TSA et 5-Aza ont pu augmenter significativement l’expression de CRISP3, suggérant qu’ils pourraient réguler la transcription de CRISP3 par des mécanismes épigénétiques.

Valeur scientifique :

  1. Potentiel de biomarqueur : CRISP3, en tant que biomarqueur pronostique potentiel, pourrait fournir une nouvelle référence pour le traitement personnalisé des patientes atteintes de cancer du col de l’utérus.
  2. Mécanismes de régulation épigénétique : L’étude a révélé le rôle potentiel de TSA et de 5-Aza dans la régulation de l’expression de CRISP3 par des mécanismes épigénétiques, ouvrant de nouvelles perspectives pour le traitement du cancer du col de l’utérus.
  3. Corrélation avec le type de HPV : L’étude a montré que l’expression de CRISP3 était étroitement liée au type de HPV, suggérant un rôle unique dans les cancers du col de l’utérus associés au HPV.

Valeur pratique :

  1. Évaluation pronostique : Les niveaux d’expression de CRISP3 pourraient devenir un indicateur important pour l’évaluation du pronostic des patientes atteintes de cancer du col de l’utérus.
  2. Cible thérapeutique : La régulation à la hausse de CRISP3 par les médicaments épigénétiques pourrait offrir une nouvelle cible pour le traitement du cancer du col de l’utérus.

Points forts de l’étude

  1. Analyse multidimensionnelle : L’étude a combiné la biologie computationnelle, l’analyse de bases de données et des validations expérimentales pour explorer de manière exhaustive le rôle de CRISP3 dans le cancer du col de l’utérus.
  2. Effet des médicaments épigénétiques : Pour la première fois, l’étude a révélé l’effet de TSA et de 5-Aza sur la régulation de l’expression de CRISP3, offrant de nouvelles orientations pour la recherche sur le traitement du cancer du col de l’utérus.
  3. Spécificité du type de HPV : L’étude a montré que l’expression de CRISP3 était étroitement liée au type de HPV, suggérant un rôle unique dans les cancers du col de l’utérus associés au HPV.

Autres informations pertinentes

  1. Réseau de régulation des miRNA : L’étude a révélé le rôle potentiel de miR-1229-3p et miR-3614-5p dans la régulation de CRISP3, fournissant de nouvelles pistes pour l’étude des mécanismes moléculaires du cancer du col de l’utérus.
  2. Modèles de lignées cellulaires : L’étude a utilisé plusieurs lignées cellulaires de cancer du col de l’utérus, couvrant différents types de HPV et sous-types histologiques, renforçant la généralisabilité des résultats.

Grâce à cette étude, la régulation à la baisse de CRISP3 dans le cancer du col de l’utérus et sa signification clinique ont été révélées de manière systématique, offrant de nouvelles perspectives pour l’évaluation du pronostic et le traitement du cancer du col de l’utérus.