Analyse de l'ADN tumoral libre circulant chez les patientes atteintes de cancer du sein avancé ou métastatique : fréquences des mutations, intention de test et impact clinique
Contexte académique
Le cancer du sein est l’un des cancers les plus fréquents chez les femmes dans le monde, en particulier le cancer du sein avancé ou métastatique, dont le traitement est difficile et le pronostic sombre. Avec le développement de la médecine de précision, le rôle des biomarqueurs moléculaires dans le traitement du cancer du sein devient de plus en plus important. L’ADN tumoral circulant (ctDNA, circulating tumor DNA) est un biomarqueur non invasif qui permet de détecter les mutations génétiques des tumeurs à partir d’échantillons sanguins, offrant ainsi de nouvelles possibilités pour un traitement personnalisé. Cependant, l’application clinique du ctDNA reste confrontée à de nombreux défis, tels que la distribution des fréquences de mutations, les motivations des tests et leur impact sur les décisions cliniques.
Afin d’explorer le potentiel du ctDNA dans le traitement du cancer du sein, l’étude de registre allemande PraegNANT (Prospective Academic Translational Research Network for the Optimization of Oncological Health Care Quality in the Adjuvant and Advanced/Metastatic Setting) a mené une recherche visant à évaluer la fréquence des mutations, les motivations des tests et leur impact sur les décisions thérapeutiques chez les patientes atteintes d’un cancer du sein avancé ou métastatique. Cette étude a analysé les mutations somatiques dans le ctDNA pour explorer son potentiel en tant que biomarqueur pour les thérapies ciblées, et a évalué l’impact des résultats du ctDNA sur les décisions cliniques.
Source de l’article
Cette étude a été réalisée par Hanna Huebner, Pauline Wimberger, Elena Laakmann et plusieurs autres auteurs, issus de plusieurs institutions médicales renommées en Allemagne, notamment l’hôpital universitaire d’Erlangen, l’hôpital universitaire de Dresde et le centre médical universitaire de Hambourg. L’article a été publié en 2025 dans la revue Precision Clinical Medicine, avec le DOI 10.1093/pcmedi/pbae034.
Déroulement de l’étude
1. Recrutement des patientes et collecte des échantillons
L’étude a inclus 49 patientes atteintes d’un cancer du sein avancé ou métastatique, toutes issues de l’étude de registre PraegNANT (NCT02338167). La technologie de détection Guardant360 CDx, approuvée par la FDA et certifiée CE, a été utilisée pour analyser le ctDNA dans le sang des patientes. Les échantillons sanguins ont été prélevés à l’aide de tubes Streck pour l’ADN libre circulant (cfDNA) et envoyés au laboratoire central de Guardant Health à Redwood City, aux États-Unis, pour l’extraction et l’analyse de l’ADN.
2. Détection et analyse du ctDNA
La technologie Guardant360 CDx utilise un panel de séquençage ciblé de 74 gènes, couvrant les variants nucléotidiques simples (SNVs), les insertions/délétions (indels), les fusions géniques (fusions), les amplifications géniques (amplifications) et l’instabilité microsatellitaire (MSI). Les résultats des tests ont été générés via le portail sécurisé de Guardant Health et fournis aux médecins traitants. De plus, les médecins ont reçu un questionnaire sur les motivations des tests et leur impact clinique.
3. Analyse des données et interprétation des résultats
L’analyse des données a été réalisée à l’aide d’IBM SPSS Statistics 24, et les graphiques ont été créés avec GraphPad Prism 9.5.1 et Microsoft Excel 2018. L’étude a défini un seuil de fréquence allélique variant (VAF) pour les mutations somatiques à <40%, et a établi un critère de positivité du ctDNA à un VAF ≥0,4%. L’étude a analysé la fréquence des mutations dans différents gènes et a évalué l’impact de ces mutations sur les décisions thérapeutiques.
Principaux résultats
1. Fréquence des mutations du ctDNA
Parmi les 49 patientes, 37 (76%) présentaient au moins une mutation somatique, dont 14 (29%) avaient une mutation TP53, 12 (24%) une mutation PIK3CA et 6 (12%) une mutation ESR1. Des mutations BRCA1 et BRCA2 ont été détectées chez 3 (6%) et 4 (8%) patientes respectivement. Chez les patientes atteintes d’un cancer du sein positif aux récepteurs hormonaux (HR+) et négatif au récepteur du facteur de croissance épidermique humain 2 (HER2-), la fréquence de ces mutations était plus élevée.
2. Mutations ciblables
Le rapport Guardant360 CDx a fourni des suggestions de traitement approuvé pour 8 (16%) patientes atteintes d’un cancer du sein, et pour 13 (27%) patientes atteintes d’autres cancers. Par exemple, les patientes avec une mutation PIK3CA pouvaient être traitées avec de l’Alpelisib, tandis que celles avec des mutations BRCA1/2 pouvaient être traitées avec des inhibiteurs de PARP (comme l’Olaparib). De plus, 7 (14%) patientes présentaient des mutations associées à une résistance à certains traitements.
3. Motivation des tests et impact clinique
Parmi les 48 (98%) patientes ayant répondu au questionnaire, le test ctDNA a influencé les décisions thérapeutiques pour 35% d’entre elles. Par exemple, 2 (12%) patientes ont choisi un traitement par inhibiteur de PARP, 7 (41%) ont opté pour un inhibiteur de PI3K, et 9 (53%) ont choisi d’autres options thérapeutiques. La plupart des médecins ont estimé que le test ctDNA était bénéfique pour les patientes, mais seulement 26% des résultats des tests ont été validés dans les tissus tumoraux.
Conclusion de l’étude
Cette étude confirme l’importance du test ctDNA chez les patientes atteintes d’un cancer du sein avancé ou métastatique, révélant la fréquence des mutations dans les gènes TP53, PIK3CA, ESR1 et BRCA1/2, ainsi que leur potentiel en tant que biomarqueurs pour les thérapies ciblées. L’étude montre également que les résultats du test ctDNA ont un impact significatif sur les décisions thérapeutiques, en particulier dans le choix des inhibiteurs de PARP et de PI3K. De plus, l’étude souligne la faisabilité du test ctDNA en pratique clinique et recommande son intégration dans les protocoles de traitement standard.
Points forts de l’étude
- Haute fréquence des mutations : L’étude révèle la fréquence des mutations dans les gènes TP53, PIK3CA, ESR1 et BRCA1/2 dans le ctDNA, fournissant une base importante pour les thérapies ciblées.
- Impact clinique : Les résultats du test ctDNA ont significativement influencé les décisions thérapeutiques pour 35% des patientes, soulignant sa valeur dans le traitement personnalisé.
- Technologie de détection innovante : L’étude a utilisé la technologie Guardant360 CDx, avec un panel de séquençage ciblé de 74 gènes, pour une analyse complète des mutations somatiques dans le ctDNA.
- Collaboration multicentrique : L’équipe de recherche provient de plusieurs institutions médicales renommées en Allemagne, assurant une large représentativité des données.
Importance de l’étude
Cette étude fournit des preuves solides de l’application du test ctDNA dans le traitement du cancer du sein avancé ou métastatique, contribuant au développement de la médecine de précision. Les résultats de l’étude aident non seulement à optimiser les stratégies de traitement du cancer du sein, mais fournissent également des références importantes pour les futurs essais cliniques et le développement de médicaments. Avec l’approbation de médicaments ciblés comme l’Elacestrant, l’importance du test ctDNA en pratique clinique continuera de croître.
Grâce à cette étude, nous comprenons mieux le potentiel du test ctDNA dans le traitement du cancer du sein, offrant aux patientes davantage d’options de traitement personnalisé, tout en jetant les bases pour les futures recherches et pratiques cliniques.