La compression veineuse provoque une ischémie cérébrale chronique chez les patients atteints d'hydrocéphalie à pression normale
Étude sur le lien entre l’ischémie cérébrale chronique et l’hydrocéphalie à pression normale
Contexte académique
L’hydrocéphalie à pression normale (Normal Pressure Hydrocephalus, NPH) est une forme de démence potentiellement réversible caractérisée par des troubles cognitifs, une démarche altérée et une incontinence urinaire. Bien que la pression intracrânienne (Intracranial Pressure, ICP) ne soit que légèrement élevée (environ 15 mmHg), le flux sanguin cérébral (Cerebral Blood Flow, CBF) et les fonctions neurologiques des patients sont toujours affectés. Pendant longtemps, les scientifiques ont cru que le mécanisme d’autorégulation cérébrale (Cerebral Autoregulation, CA) pouvait stabiliser le flux sanguin cérébral en cas d’augmentation de la pression intracrânienne, mais cette idée est en contradiction avec le mécanisme pathologique complexe de la NPH. La pathogenèse de la NPH inclut une composante d’ischémie cérébrale chronique due à une légère augmentation de la pression intracrânienne, mais ce phénomène n’a pas encore été suffisamment étayé par des preuves cliniques.
Cette étude vise à explorer comment la compression veineuse entraîne une ischémie cérébrale chronique chez les patients atteints de NPH et à clarifier le rôle du mécanisme d’autorégulation cérébrale dans la NPH. En étudiant la pression intracrânienne, le flux sanguin cérébral et l’état d’oxygénation cérébrale des patients atteints de NPH, l’équipe de recherche espère combler le chaînon manquant entre les troubles de la circulation du liquide céphalo-rachidien (LCR) et l’altération du flux sanguin cérébral dans la pathogenèse de la NPH.
Source de l’article
Cet article a été rédigé par une équipe d’auteurs, dont Tomohisa Ohmura et Yoshinaga Kajimoto de l’Université médicale et pharmaceutique d’Osaka (Osaka Medical and Pharmaceutical University) au Japon, et publié en 2025 dans la revue Fluids and Barriers of the CNS. La recherche a été partiellement financée par la Société japonaise pour la promotion de la science (Japan Society for the Promotion of Science).
Méthodologie et résultats de l’étude
1. Sujets de l’étude et conception expérimentale
L’étude a inclus 21 patients atteints de NPH ayant subi une dérivation ventriculopéritonéale (Ventriculoperitoneal Shunt, VPS) (15 hommes, 6 femmes, âge moyen de 61,9 ans). Ces patients ont montré une amélioration de leurs symptômes après la chirurgie de dérivation. L’équipe de recherche a mesuré la pression intracrânienne postopératoire en ponctionnant le réservoir d’Ommaya et a surveillé les données d’oxygénation cérébrale (telles que la saturation régionale en oxygène cérébral, rSO2) à l’aide de la spectroscopie proche infrarouge (Near-Infrared Spectroscopy, NIRS).
2. Mesure de la pression intracrânienne et test de perfusion intermittente du LCR
L’équipe de recherche a mesuré la pression intracrânienne après la chirurgie de dérivation pour déterminer les paramètres de pression de la valve programmable Codman-Hakim. Pendant la mesure, les chercheurs ont évalué la compliance intracrânienne (Intracranial Compliance) et la relation entre le volume de charge du LCR et la pression intracrânienne en effectuant des perfusions intermittentes de LCR. Un système en circuit fermé a été utilisé pour prévenir les infections.
3. Analyse des données et résultats
Grâce à la surveillance par NIRS, l’équipe de recherche a observé qu’avec l’augmentation de la pression intracrânienne (référencée à la pression veineuse, ICPvein), l’hémoglobine oxygénée (Oxy-Hb) et l’hémoglobine totale (Total-Hb) diminuaient progressivement, tandis que l’hémoglobine désoxygénée (Deoxy-Hb) commençait à augmenter à partir de 2,5 mmHg. Ce phénomène indique que les patients atteints de NPH entrent dans une phase d’ischémie subcritique (Subcritical Ischemic Phase) dès que la pression intracrânienne augmente légèrement.
L’étude a également révélé que lorsque le volume de charge du LCR dépassait 12 mL, la pression intracrânienne (référencée au conduit auditif externe, ICPeac) augmentait de manière quadratique. Étonnamment, une ICPeac de seulement 10 mmHg suffisait à faire entrer le système dans la phase d’ischémie subcritique. Ce résultat suggère que l’altération du flux sanguin cérébral chez les patients atteints de NPH commence à des niveaux très bas de pression intracrânienne, indiquant que le mécanisme d’autorégulation cérébrale ne parvient pas à compenser efficacement la réduction du flux sanguin veineux dans la NPH.
4. Comparaison entre les différents types de NPH
L’étude a comparé les données des patients atteints de NPH idiopathique (Idiopathic NPH, iNPH) et de NPH secondaire (Secondary NPH, sNPH). Les résultats ont montré que les patients atteints d’iNPH entraient dans la phase d’ischémie subcritique à des niveaux de pression intracrânienne plus bas (2,2 ± 1,6 mmHg) que les patients atteints de sNPH (4,9 ± 2,5 mmHg). De plus, la compliance intracrânienne des patients atteints d’iNPH était plus élevée que celle des patients atteints de sNPH.
5. Impact des hypersignaux de la substance blanche (DWMH)
L’étude a également révélé que la gravité des hypersignaux de la substance blanche profonde et sous-corticale (Deep and Subcortical White Matter Hyperintensities, DSWMHs) influençait la pression intracrânienne au début de la phase d’ischémie subcritique. Les patients présentant des DSWMHs sévères avaient une pression intracrânienne de début de phase d’ischémie subcritique significativement plus basse que ceux présentant des DSWMHs légères.
Conclusion et signification
Cette étude a mis en lumière le mécanisme par lequel la compression veineuse entraîne une ischémie cérébrale chronique chez les patients atteints de NPH et a comblé le chaînon manquant entre les troubles de la circulation du LCR et l’altération du flux sanguin cérébral dans la pathogenèse de la NPH. Les résultats montrent que les patients atteints de NPH entrent dans une phase d’ischémie subcritique dès que la pression intracrânienne augmente légèrement, et que la chirurgie de dérivation peut les ramener de cette phase à un état physiologique, améliorant ainsi les symptômes neurologiques.
En outre, l’étude suggère que l’artériosclérose des petits vaisseaux joue un rôle important dans le développement de la NPH et propose l’hypothèse d’une continuité physiopathologique entre la NPH et la maladie de Binswanger (une forme de démence caractérisée par des lésions des petits vaisseaux). Ces découvertes fournissent non seulement une nouvelle base théorique pour le traitement de la NPH, mais offrent également des perspectives importantes pour l’étude de maladies similaires, telles que le glaucome à pression normale et la maladie rénale chronique.
Points forts de l’étude
- Découverte majeure : Les patients atteints de NPH entrent dans une phase d’ischémie subcritique dès que la pression intracrânienne augmente légèrement, indiquant que le mécanisme d’autorégulation cérébrale ne parvient pas à compenser efficacement la réduction du flux sanguin veineux dans la NPH.
- Méthode innovante : L’équipe de recherche a développé une nouvelle méthode d’évaluation de la compliance intracrânienne en utilisant des perfusions intermittentes de LCR et la surveillance par NIRS.
- Signification clinique : Les résultats de l’étude fournissent une nouvelle base théorique pour le diagnostic précoce et le traitement de la NPH, tout en offrant des références importantes pour l’étude de maladies similaires.
Autres informations pertinentes
L’équipe de recherche propose également que le mécanisme physiopathologique de la NPH pourrait être similaire à celui de maladies telles que le glaucome à pression normale et la maladie rénale chronique, où une légère augmentation de la pression locale pourrait également entraîner une ischémie chronique. Cette hypothèse ouvre de nouvelles perspectives pour les recherches futures.