Synthèse de nanoparticules de palladium par des biofilms de Geobacter sulfurreducens respirant des électrodes
Synthèse de nanoparticules de palladium par des biofilms de Geobacter sulfurreducens respirant sur électrode
Contexte de la recherche
Dans l’industrie moderne et les sciences environnementales, le palladium (Pd) est un catalyseur important largement utilisé dans les industries pharmaceutique, agricole et chimique. Cependant, les méthodes traditionnelles de synthèse des nanoparticules de palladium (Pd NPs) reposent généralement sur des techniques chimiques et solides à haute consommation d’énergie, qui sont non seulement coûteuses mais produisent également des déchets chimiques nocifs. Par conséquent, le développement d’une méthode de synthèse des nanoparticules de palladium plus durable et respectueuse de l’environnement est devenu un domaine de recherche important.
Ces dernières années, les microorganismes électroactifs (comme Geobacter sulfurreducens) ont attiré une attention considérable en raison de leur capacité à oxyder des donneurs d’électrons organiques et à transférer des électrons vers des minéraux solides externes ou des surfaces d’électrodes. Ces microorganismes peuvent non seulement former des biofilms sur les électrodes, mais aussi réduire les ions métalliques solubles (comme les ions palladium), permettant ainsi la synthèse de nanoparticules métalliques. L’utilisation de microorganismes électroactifs pour la synthèse de nanoparticules de palladium peut se dérouler à des températures, pressions et pH physiologiques, tout en évitant la production de déchets nocifs associés aux méthodes traditionnelles. Par conséquent, l’étude de la synthèse de nanoparticules de palladium par des biofilms de Geobacter sulfurreducens sur électrodes présente une valeur scientifique et applicative significative.
Source de l’article
Cet article a été rédigé par Marko S. Chavez, Magdalene A. Maclean, Nir Sukenik, Sukrampal Yadav, Carolyn Marks et Mohamed Y. El-Naggar, issus du Département de physique et d’astronomie, des sciences biologiques et de chimie de l’Université de Californie du Sud (University of Southern California). L’article a été publié le 11 décembre 2024 dans la revue ACS Biomaterials Science & Engineering, sous le titre Synthesis of Palladium Nanoparticles by Electrode-Respiring Geobacter sulfurreducens Biofilms.
Processus et résultats de la recherche
1. Culture des biofilms et tests d’activité électrochimique
La première étape de la recherche a consisté à cultiver des biofilms de Geobacter sulfurreducens dans des réacteurs électrochimiques anaérobies. Les chercheurs ont utilisé des électrodes en graphite et des électrodes à réseau interdigité (IDA) comme électrodes de travail (WE), et ont surveillé les variations de courant pendant la formation des biofilms par chronoampérométrie (Chronoamperometry, CA). La production de courant a été utilisée comme indicateur de la croissance des biofilms et de l’activité cellulaire. Une fois le courant stabilisé, les chercheurs ont effectué des balayages de voltampérométrie cyclique (Cyclic Voltammetry, CV) pour évaluer l’activité électrochimique des biofilms avant l’ajout de palladium.
Les résultats ont montré que les biofilms formaient des couches productrices de courant de plusieurs dizaines de micromètres d’épaisseur sur les électrodes, avec une densité de courant pouvant atteindre environ 1 mA/cm². Les balayages CV ont révélé que le transfert d’électrons sur les électrodes était médié par les cytochromes de la membrane externe de Geobacter sulfurreducens, ce qui est cohérent avec le mécanisme connu de transfert d’électrons extracellulaire (Extracellular Electron Transfer, EET).
2. Ajout et réduction des ions palladium
Après la formation des biofilms et l’atteinte du pic de courant, les chercheurs ont ajouté une solution de Na₂PdCl₄ à 0,5 mM dans les réacteurs pour étudier l’activité électrochimique des biofilms lors de la réduction des ions palladium solubles. En surveillant les variations de concentration des ions palladium par spectroscopie d’émission optique à plasma induit (ICP-OES), les chercheurs ont constaté que les biofilms pouvaient réduire complètement les ions palladium ajoutés en 24 heures, tandis que dans les expériences témoins (milieu de culture sans biofilm et électrodes), la concentration des ions palladium restait stable.
De plus, les balayages CV ont montré que, bien que l’ajout d’ions palladium entraînait une diminution significative du courant, les biofilms conservaient une partie de leur capacité de transfert d’électrons. Cela indique que les biofilms de Geobacter sulfurreducens sont capables de respirer sur électrode tout en réduisant les ions palladium.
3. Synthèse et caractérisation des nanoparticules de palladium
Pour confirmer la formation locale de nanoparticules de palladium dans les biofilms, les chercheurs ont analysé les biofilms sur les électrodes par microscopie électronique à balayage (SEM) et spectroscopie à dispersion d’énergie (EDS). Les images SEM ont montré que les nanoparticules de palladium apparaissaient sous forme de sphères blanches réparties de manière inégale à la surface des biofilms. Les spectres EDS ont confirmé la présence de palladium, indiquant que les biofilms étaient effectivement capables de synthétiser localement des nanoparticules de palladium.
Pour étudier plus en détail la morphologie et la distribution des nanoparticules de palladium, les chercheurs ont également utilisé la microscopie électronique à transmission (TEM) et la microscopie électronique à balayage en transmission (STEM) couplée à l’EDS. Les images TEM ont révélé que les nanoparticules de palladium n’étaient pas seulement distribuées à la surface des biofilms, mais pénétraient également à l’intérieur des biofilms, indiquant que les ions palladium pouvaient diffuser en profondeur dans les biofilms et être réduits par les cellules. L’analyse de la taille des particules a montré que le diamètre moyen des nanoparticules de palladium était de 4 à 5,5 nm.
4. Récupération et réutilisation des biofilms
Après la réduction des ions palladium, les chercheurs ont effectué des expériences de remplacement du milieu de culture pour évaluer si l’activité électrochimique des biofilms pouvait être restaurée. Les résultats ont montré qu’après le remplacement du milieu, la capacité de production de courant des biofilms était significativement restaurée, indiquant que l’ajout d’ions palladium n’avait pas d’effet toxique à long terme sur les biofilms. Cette découverte ouvre la possibilité de réutiliser les biofilms dans plusieurs expériences de réduction d’ions palladium.
Conclusions et implications
Grâce à cette étude, les chercheurs ont démontré pour la première fois que les biofilms de Geobacter sulfurreducens sont capables de réduire les ions palladium solubles tout en respirant sur électrode, et de synthétiser localement des nanoparticules de palladium dans les biofilms. Cette découverte élargit non seulement les applications des microorganismes électroactifs dans la réduction des ions métalliques et la biominéralisation, mais ouvre également de nouvelles perspectives pour le développement de matériaux hybrides cellules-nanoparticules.
Valeur scientifique et perspectives applicatives
Synthèse durable de nanomatériaux : L’utilisation de microorganismes électroactifs pour la synthèse de nanoparticules de palladium permet une production dans des conditions douces, évitant la consommation d’énergie élevée et la production de déchets nocifs associés aux méthodes traditionnelles, offrant ainsi un avantage environnemental significatif.
Formation locale de matériaux dans les biofilms : La synthèse locale de nanoparticules de palladium dans les biofilms offre la possibilité de construire des matériaux hybrides aux propriétés uniques de transfert d’électrons et de catalyse. Ces matériaux ont un large éventail d’applications potentielles dans la catalyse, la dépollution environnementale et le stockage d’énergie.
Réutilisation des biofilms : L’étude montre que les biofilms de Geobacter sulfurreducens peuvent retrouver leur activité électrochimique après la réduction des ions palladium, ce qui ouvre la possibilité de réutiliser les biofilms dans plusieurs expériences de réduction d’ions palladium, améliorant ainsi la rentabilité de cette technologie.
Points forts de la recherche
Première synthèse de nanoparticules de palladium dans des biofilms respirant sur électrode : Contrairement aux études précédentes, cette recherche a réalisé pour la première fois la synthèse de nanoparticules de palladium dans des biofilms de Geobacter sulfurreducens respirant sur électrode, démontrant les avantages uniques des biofilms dans la synthèse de nanomatériaux.
Approche de recherche multidisciplinaire : L’étude combine des techniques électrochimiques, spectroscopiques et de microscopie électronique pour révéler de manière exhaustive les mécanismes de réduction des ions palladium et de synthèse des nanoparticules dans les biofilms.
Applications environnementales potentielles : Grâce à la synthèse locale de nanoparticules de palladium dans les biofilms, les chercheurs ont démontré le potentiel de cette technologie dans des applications environnementales, telles que l’élimination des métaux lourds et la récupération de catalyseurs.
Conclusion
Cette étude offre non seulement une nouvelle perspective sur l’utilisation des microorganismes électroactifs dans la synthèse de nanomatériaux, mais ouvre également la voie à des méthodes de synthèse de nanomatériaux plus durables et respectueuses de l’environnement. À l’avenir, en combinant des techniques de modélisation de biofilms et le génie génétique, les chercheurs pourraient optimiser ce processus et développer des matériaux hybrides aux géométries et fonctions complexes, propulsant ainsi les technologies microbiennes dans les domaines de l’énergie, de l’environnement et des sciences des matériaux.