La suppression de Myd88 perturbe le microbiote intestinal et active la voie NLR, ne parvenant pas à améliorer la colite induite par DSS
La maladie inflammatoire de l’intestin (Inflammatory Bowel Disease, IBD)
La maladie inflammatoire de l’intestin (Inflammatory Bowel Disease, IBD) est une maladie inflammatoire chronique et récurrente de l’intestin, comprenant principalement la colite ulcéreuse (Ulcerative Colitis, UC) et la maladie de Crohn (Crohn’s Disease, CD). Ces dernières années, l’incidence de l’IBD a augmenté à l’échelle mondiale, imposant un lourd fardeau sur les systèmes de santé. Bien qu’il soit généralement admis que l’IBD est liée à une dysbiose microbienne, une réponse immunitaire excessive, une altération de la barrière intestinale et une susceptibilité génétique, son étiologie exacte reste incertaine. Les traitements actuels offrent une efficacité limitée pour atteindre une rémission à long terme et sont souvent accompagnés d’effets secondaires significatifs.
Le facteur de différenciation myéloïde 88 (Myeloid Differentiation Factor 88, Myd88) est une protéine adaptatrice centrale des récepteurs de type Toll (Toll-like Receptors, TLRs), jouant un rôle clé dans la défense de l’hôte contre l’invasion microbienne et dans l’initiation des réponses immunitaires en aval. Cependant, le rôle de Myd88 dans la pathogenèse de l’IBD est controversé. Certaines études suggèrent que Myd88 favorise les réponses inflammatoires en activant la voie du facteur nucléaire κB (NF-κB), ce qui en fait une cible thérapeutique potentielle pour l’IBD ; tandis que d’autres études ont montré que la suppression de Myd88 augmente la susceptibilité à l’inflammation intestinale. Par conséquent, il est essentiel d’approfondir les recherches sur le rôle de Myd88 dans l’inflammation intestinale et ses mécanismes.
Source de l’article
Cet article a été co-écrit par Jun-Hua Li, Yu Chen, Zheng-Hao Ye et d’autres auteurs, issus du département de néphrologie, de gastroentérologie et de l’institut de transplantation d’organes de l’hôpital Tongji de l’Université des sciences et technologies de Huazhong, avec des contributions de la faculté de médecine de Hanovre en Allemagne. L’article a été publié le 6 mai 2024 dans la revue Precision Clinical Medicine, avec le DOI 10.1093/pcmedi/pbae013.
Méthodologie de la recherche
1. Conception de l’étude et sujets expérimentaux
Cette étude a utilisé des souris knock-out pour le gène Myd88 (Myd88−/−) et un inhibiteur de Myd88 (TJ-M2010-5) pour explorer le rôle de Myd88 dans la colite aiguë induite par le sulfate de dextran sodique (Dextran Sodium Sulfate, DSS). Les groupes expérimentaux étaient les suivants : - Groupe de souris de type sauvage (WT) - Groupe WT-DSS - Groupe de souris Myd88−/− - Groupe Myd88−/−-DSS - Groupe traité avec TJ-M2010-5
2. Modèle de maladie et traitement
Le modèle de colite aiguë a été induit en administrant aux souris de l’eau contenant 3 % de DSS pendant 7 jours. L’inhibiteur de Myd88 TJ-M2010-5 a été injecté par voie intrapéritonéale un jour avant le traitement au DSS, à une dose de 50 mg/kg/jour, jusqu’au 7e jour de traitement au DSS. Pour éliminer l’influence du microbiote intestinal, certaines souris ont reçu des antibiotiques à large spectre (imipénème et vancomycine) 3 jours avant et pendant le traitement au DSS.
3. Indice d’activité de la maladie et score histologique
Le poids des souris, la consistance des selles et les saignements rectaux ont été surveillés quotidiennement, et l’indice d’activité de la maladie (Disease Activity Index, DAI) a été calculé. Les tissus du côlon ont été fixés et colorés à l’hématoxyline-éosine (H&E), et le score histologique (Histological Score, HS) a été évalué en aveugle par trois chercheurs.
4. Analyse transcriptomique et séquençage 16S rDNA
L’ARN a été extrait des tissus du côlon pour l’analyse transcriptomique, afin d’identifier les gènes différentiellement exprimés et les voies associées. Parallèlement, des échantillons de selles ont été collectés pour le séquençage 16S rDNA, afin d’analyser les changements dans la composition du microbiote intestinal.
5. Expression des protéines et analyse des voies de signalisation
L’expression des protéines Myd88, NF-κB et des protéines associées à la voie NLR a été détectée par Western blotting, afin d’analyser l’impact de l’inhibition de Myd88 sur les voies de signalisation inflammatoires.
Résultats principaux
1. L’inhibition de Myd88 n’a pas atténué la colite induite par le DSS
Bien que les niveaux d’activation de NF-κB chez les souris Myd88−/− et les souris traitées avec TJ-M2010-5 aient été significativement plus bas que ceux des groupes témoins, la gravité de la colite (DAI, longueur du côlon et score histologique) n’a pas montré de différence significative par rapport aux témoins. De plus, l’inhibition de Myd88 n’a pas significativement réduit les niveaux d’expression des cytokines pro-inflammatoires (comme TNF-α, IFN-γ et IL-1β) dans les tissus du côlon.
2. L’inhibition de Myd88 modifie la composition du microbiote intestinal
Les résultats du séquençage 16S rDNA ont montré que l’inhibition de Myd88 entraînait des changements défavorables dans la composition du microbiote intestinal, principalement caractérisés par une augmentation de l’abondance des Proteobacteria et une diminution de l’abondance des Firmicutes. Dans le modèle de colite induite par le DSS, l’abondance des Proteobacteria chez les souris traitées avec TJ-M2010-5 était significativement plus élevée que chez les témoins.
3. Activation de la voie de signalisation NLR
L’analyse transcriptomique a révélé que l’inhibition de Myd88 entraînait une régulation positive significative des gènes associés à la voie NLR. Des expériences supplémentaires ont montré que le blocage de la voie NLR ou le traitement par des antibiotiques à large spectre pouvait améliorer la gravité de la colite que l’inhibition de Myd88 seule n’avait pas atténuée.
4. Le traitement par antibiotiques améliore la colite
Le traitement par antibiotiques à large spectre a significativement réduit l’abondance des Proteobacteria chez les souris inhibées pour Myd88 et a diminué l’activation de la voie NLR, améliorant ainsi la gravité de la colite.
Conclusion
Cette étude montre que bien que l’inhibition de Myd88 puisse partiellement supprimer l’activation de la voie NF-κB, elle entraîne des changements défavorables dans la composition du microbiote intestinal, activant ainsi la voie NLR et ne parvenant pas à atténuer la colite induite par le DSS. Cette découverte révèle le rôle complexe de Myd88 dans l’inflammation intestinale, suggérant que l’inhibition de Myd88 seule pourrait ne pas suffire à traiter l’IBD, et qu’une régulation combinée du microbiote intestinal ou de la voie NLR pourrait être une stratégie thérapeutique plus efficace.
Points forts de la recherche
Le rôle complexe de l’inhibition de Myd88 : L’étude révèle que bien que l’inhibition de Myd88 puisse supprimer la voie NF-κB, elle active la voie NLR en modifiant le microbiote intestinal, empêchant ainsi l’atténuation de la colite. Cette découverte offre une nouvelle perspective sur l’application de Myd88 dans le traitement de l’IBD.
L’interaction entre le microbiote intestinal et les voies immunitaires : L’étude met en lumière l’interaction entre le microbiote intestinal et la voie NLR, soulignant l’importance des microbes intestinaux dans l’IBD.
Proposition d’une stratégie de traitement combiné : Les résultats suggèrent que l’inhibition de Myd88 seule pourrait ne pas suffire à traiter l’IBD, et qu’une régulation combinée du microbiote intestinal ou de la voie NLR pourrait être une stratégie plus efficace.
Importance de la recherche
Cette étude non seulement révèle le rôle complexe de Myd88 dans l’inflammation intestinale, mais propose également de nouvelles pistes pour le traitement de l’IBD. En combinant la régulation du microbiote intestinal et des voies de signalisation immunitaires, il pourrait être possible de développer des traitements plus efficaces pour l’IBD à l’avenir. De plus, cette étude fournit des bases expérimentales importantes pour comprendre l’interaction entre le microbiote intestinal et le système immunitaire.