La S-nitrosylation de CRTC1 dans la maladie d'Alzheimer altère l'expression génique dépendante de CREB induite par l'activité neuronale

La S-nitrosylation de CRTC1 dans la maladie d’Alzheimer perturbe l’expression des gènes dépendante de CREB

Contexte académique

La maladie d’Alzheimer (Alzheimer’s Disease, AD) est une maladie neurodégénérative courante caractérisée par une perte progressive de la mémoire et des fonctions cognitives. Les mécanismes pathologiques de l’AD sont complexes et impliquent divers processus moléculaires et cellulaires, dont les modifications anormales des protéines sont considérées comme des facteurs clés de la progression de la maladie. La S-nitrosylation, une modification post-traductionnelle médiée par le monoxyde d’azote (NO), joue un rôle important dans diverses maladies neurodégénératives. Cependant, le mécanisme précis de la S-nitrosylation dans l’AD n’a pas encore été entièrement élucidé.

Cette étude se concentre sur la S-nitrosylation du coactivateur transcriptionnel régulé par CREB, CRTC1 (CREB-regulated transcription coactivator 1), dans l’AD. Dans le cerveau normal, CRTC1 joue un rôle crucial en régulant l’expression des gènes liés à la plasticité neuronale et à la consolidation de la mémoire. Cependant, dans le cerveau atteint d’AD, une production excessive d’espèces liées au NO modifie CRTC1 par S-nitrosylation, perturbant ainsi son interaction avec CREB et entraînant une altération des schémas d’expression génique associés à la plasticité synaptique et à la mémoire. En éclaircissant ce mécanisme, cette étude fournit une cible thérapeutique potentielle pour la préservation de la fonction synaptique et de la mémoire chez les patients atteints d’AD.

Source de l’article

Cette recherche a été réalisée par Xu Zhang, Roman Vlkolinsky, Chongyang Wu, et al., issus respectivement du Centre de nouveaux médicaments contre les maladies neurodégénératives, du Département de biologie moléculaire et cellulaire, du Département de médecine translationnelle de The Scripps Research Institute, ainsi que du Département des neurosciences de l’Université de Californie à San Diego. L’article a été publié le 27 février 2025 dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences), sous le titre “S-nitrosylation of CRTC1 in Alzheimer’s disease impairs CREB-dependent gene expression induced by neuronal activity”.

Processus de recherche

1. La S-nitrosylation de CRTC1 et ses manifestations dans les modèles d’AD

L’étude a d’abord vérifié dans des modèles d’AD basés sur des cellules, des animaux et des cellules souches pluripotentes induites humaines (hiPSC) que les niveaux de S-nitrosylation de CRTC1 (formant SNO-CRTC1) augmentaient. Il a été constaté que la formation de SNO-CRTC1 perturbait la liaison de CRTC1 avec CREB et diminuait l’expression génique dépendante de l’activité médiée par la voie CRTC1/CREB. En utilisant la technologie CRISPR/Cas9, les chercheurs ont muté Cys216 en Ala dans des neurones corticaux dérivés de hiPSC portant la mutation APPswe (mutation liée à l’AD), et ont découvert que cette mutation non nitrosylable de CRTC1 pouvait améliorer significativement les défauts des neurones AD-hiPSC, y compris la longueur réduite des neurites et l’augmentation de la mort cellulaire neuronale.

2. Mécanisme moléculaire de la S-nitrosylation de CRTC1

Les chercheurs ont également identifié Cys216 comme étant la principale cible de la S-nitrosylation par les espèces liées au NO. À travers des expériences de mutagenèse dirigée par sites, ils ont confirmé que Cys216 était le site clé de la S-nitrosylation de CRTC1. De plus, l’étude a montré que le donneur de NO, SNOC (S-nitrosocystéine), pouvait promouvoir le transport de CRTC1 des synapses et dendrites vers le noyau cellulaire, un processus qui dépend de l’activation des ions calcium et de la calcineurine.

3. Impact de la S-nitrosylation sur l’interaction entre CRTC1 et CREB

L’étude montre que la formation de SNO-CRTC1 perturbe l’interaction entre CRTC1 et CREB, entraînant une diminution de l’expression génique dépendante de l’activité. À travers des expériences de co-immunoprécipitation, les chercheurs ont constaté que bien que SNO-CRTC1 s’accumule dans le noyau, sa liaison avec CREB ne s’accroît pas. En revanche, la dépolarisation neuronale induite par une solution riche en potassium augmente significativement la liaison entre CRTC1 et CREB.

4. Effet protecteur du mutant non nitrosylable de CRTC1 dans les modèles d’AD

Dans les neurones AD dérivés de hiPSC, les chercheurs ont introduit un mutant non nitrosylable de CRTC1 (Cys216Ala) via CRISPR/Cas9 et ont découvert que ce mutant pouvait améliorer significativement les défauts morphologiques et la mort cellulaire des neurones AD. De plus, l’expression de CRTC1 non nitrosylé permettait de restaurer l’expression des gènes dépendants de CREB dans les neurones AD, incluant BDNF (facteur neurotrophique dérivé du cerveau), Arc (protéine associée au cytosquelette régulée par l’activité), Fos (gène précoce) et Egr1 (protéine de réponse précoce).

5. Efficacité thérapeutique du mutant non nitrosylable de CRTC1 dans les modèles murins d’AD

L’étude a également validé les effets thérapeutiques du mutant non nitrosylable de CRTC1 in vivo en l’exprimant dans l’hippocampe de souris transgéniques 5xFAD atteintes d’AD. Les résultats ont montré que l’expression de CRTC1 non nitrosylé améliorait significativement la plasticité synaptique et la potentialisation à long terme (LTP) chez les souris 5xFAD, tout en augmentant l’expression du marqueur synaptique synaptophysine.

Résultats principaux

  1. Augmentation significative de la S-nitrosylation de CRTC1 dans les modèles d’AD : En utilisant la méthode de conversion à la biotine (biotin-switch assay), les chercheurs ont détecté une augmentation significative des niveaux de SNO-CRTC1 dans les modèles murins d’AD et les neurones AD dérivés de hiPSC.
  2. Cys216 est le principal site de S-nitrosylation de CRTC1 : Des expériences de mutagenèse dirigée par sites ont confirmé que Cys216 était le site clé de la S-nitrosylation de CRTC1, avec une réduction de près de 80 % de la formation de SNO-CRTC1 après mutation.
  3. SNO-CRTC1 perturbe l’interaction entre CRTC1 et CREB : Les expériences de co-immunoprécipitation ont montré que bien que SNO-CRTC1 s’accumule dans le noyau, sa liaison avec CREB ne s’accroît pas, entraînant une diminution de l’expression génique dépendante de CREB.
  4. Le mutant non nitrosylable de CRTC1 améliore la morphologie et la fonction des neurones AD : Dans les neurones AD dérivés de hiPSC, le mutant non nitrosylable de CRTC1 améliore significativement la longueur des neurites et le taux de survie cellulaire, tout en restaurant l’expression des gènes dépendants de CREB.
  5. Effet protecteur du mutant non nitrosylable de CRTC1 dans les modèles murins d’AD : Chez les souris 5xFAD, l’expression de CRTC1 non nitrosylé améliore significativement la plasticité synaptique et la LTP, tout en augmentant l’expression des marqueurs synaptiques.

Conclusion et signification

Cette étude montre que la S-nitrosylation de CRTC1 joue un rôle important aux stades précoces de l’AD en perturbant son interaction avec CREB, entraînant une altération de l’expression génique liée à la plasticité neuronale et à la mémoire. En introduisant un mutant non nitrosylable de CRTC1, les chercheurs ont réussi à inverser les défauts neuronaux et les dommages fonctionnels synaptiques dans les modèles d’AD. Cette découverte offre une nouvelle cible thérapeutique pour une intervention précoce dans l’AD, indiquant que l’inhibition de la S-nitrosylation de CRTC1 pourrait être une stratégie thérapeutique efficace.

Points forts de l’étude

  1. Révélation d’un nouveau mécanisme de S-nitrosylation de CRTC1 dans l’AD : Cette étude explique pour la première fois comment la S-nitrosylation de CRTC1 perturbe son interaction avec CREB, entraînant une altération de l’expression génique liée à l’AD.
  2. Potentiel thérapeutique du mutant non nitrosylable de CRTC1 : Le mutant non nitrosylable de CRTC1 introduit par CRISPR/Cas9 montre des effets neuroprotecteurs significatifs dans les modèles cellulaires et animaux, offrant une nouvelle direction pour le traitement de l’AD.
  3. Validation multi-modèles : L’étude a validé la S-nitrosylation de CRTC1 dans des cellules, des neurones dérivés de hiPSC et des modèles de souris transgéniques, renforçant la crédibilité des conclusions.

Autres informations de valeur

L’étude a également révélé que la S-nitrosylation de CRTC1 pourrait entraîner une perte synaptique et une baisse des fonctions cognitives en régulant à la baisse l’expression de BDNF. En restaurant l’expression de BDNF, le mutant non nitrosylable de CRTC1 peut améliorer de manière significative la fonction synaptique et les performances cognitives dans les modèles d’AD. Cette découverte soutient davantage l’application potentielle de BDNF dans le traitement de l’AD.