Représentation de l'hétérogénéité tumorale intra-génomique dans les modèles de xénogreffes dérivés de patients atteints de cancer du poumon non à petites cellules multi-régions

Modèle de xénogreffe dérivé de patients atteints de cancer du poumon non à petites cellules multi-régional reflétant l’hétérogénéité tumorale intratumorale au niveau génomique

Contexte académique et motivation de la recherche

Le modèle de xénogreffe dérivé de patients (Patient-Derived Xenograft, PDX) est largement utilisé dans la recherche sur le cancer. Ce modèle consiste à implanter des tumeurs humaines dans des souris immunodéficientes pour les faire proliférer. Ainsi, le modèle PDX est considéré comme représentant mieux les caractéristiques biologiques des tumeurs que les lignées cellulaires traditionnelles, car il préserve les interactions cellule-cellule et/ou cellule-matrice, la structure tridimensionnelle et les caractéristiques dérivées plus récentes. De nombreuses études montrent que la réponse médicamenteuse des modèles PDX est cohérente avec celle des patients individuels ou des groupes de patients, ce qui rend le modèle PDX utile en médecine personnalisée et pour les essais précliniques de médicaments, devenant un modèle important en biologie du cancer.

Cependant, la fidélité génomique des modèles PDX est cruciale pour son application en oncologie préclinique. Une question clé est de savoir si ces modèles peuvent refléter avec précision l’hétérogénéité (Heterogeneity) de la tumeur primaire au niveau génomique. Dans ce contexte, Robert E. Hyde et ses collaborateurs ont tenté d’évaluer systématiquement la caractérisation génomique des modèles PDX dans le cancer du poumon non à petites cellules (Non-Small Cell Lung Cancer, NSCLC).

Origine de la recherche et auteurs

Cette étude a été coécrite par Robert E. Hyde, Ariana Huebner, David R. Pearce et d’autres, les principaux chercheurs provenant de plusieurs institutions de recherche telles que l’University College London et le Francis Crick Institute. L’article a été publié dans “Nature Communications”, accepté le 28 mars 2024.

Méthodes de recherche et procédures

Cette recherche s’est basée sur l’étude de 48 modèles PDX provenant de 22 patients du projet de recherche TRACERx, comprenant les étapes suivantes :

  1. Échantillonnage multi-régional des tumeurs et établissement des modèles PDX : Utilisant un protocole d’échantillonnage défini, les chercheurs ont prélevé des échantillons de plusieurs régions des NSCLC primaires et ont créé des modèles PDX par injection sous-cutanée chez des souris NOD SCID Gamma (NSG). Ils ont observé le taux de réussite d’implantation et le temps de croissance des PDX à partir des différents échantillons tumoraux régionaux des patients.

  2. Séquençage de l’exome entier (Whole-Exome Sequencing, WES) : Les données de WES des modèles PDX de première génération (P0) et de troisième génération (P3) ont été comparées aux échantillons tumoraux primaires correspondants, permettant aux chercheurs d’analyser l’hétérogénéité génétique entre les échantillons tumoraux et les modèles PDX. Le traitement des données WES comprenait non seulement l’alignement des séquences et la détection de variantes, mais aussi l’utilisation d’un génome de référence de souris adaptatif pour isoler les lectures provenant des souris.

  3. Analyse des goulots d’étranglement génomiques et de l’hétérogénéité : La recherche a révélé des phénomènes de goulot d’étranglement génomique (Genomic Bottleneck) lors de l’établissement des modèles PDX, ces modèles représentant souvent un seul sous-clone tumoral, bien que des modèles indépendants puissent représenter différents sous-clones tumoraux. Ce goulot limite la capacité des modèles PDX à refléter entièrement l’hétérogénéité intratumorale.

  4. Filtrage des signaux et analyse des données : Un génome de référence NSG-adapté a été spécialement développé pour filtrer efficacement le bruit de fond dû à la présence d’ADN de souris dans les échantillons. En outre, l’analyse des données a utilisé divers outils et algorithmes tels que BamCpm, GATK et Somatic Variants, afin de garantir la haute qualité et l’exactitude des données expérimentales.

Principaux résultats de la recherche

  1. Établissement et expansion des modèles PDX : Le taux de réussite était d’environ 33,1 %, avec 50,0 % au niveau des patients. L’échantillonnage multi-régional a significativement augmenté le taux de réussite de l’établissement du modèle pour tous les sous-types pathologiques. Le temps de croissance moyen pour les modèles PDX de première génération (P0) était de 85 jours, et le temps de croissance médian s’est accéléré à 51 jours du P1 au P3.

  2. Cohérence histologique : La plupart des modèles PDX ont conservé une grande cohérence avec les caractéristiques histologiques des tumeurs primaires. Cependant, dans certains cas, des différences histologiques ont été observées dans les modèles P0 ou P3, comme une augmentation des composants cellulaires clairs rénaux et des changements dans la différenciation cellulaire épithéliale.

  3. Analyse génomique : Les PDX ont été modélisés sous forme de clones uniques ou multiples. Les scientifiques ont trouvé des différences génétiques significatives entre les modèles PDX et les régions tumorales originales, en partie à cause de l’effet de goulot d’étranglement lors de la modélisation PDX, entraînant un sous-clone unique dominant le modèle PDX dans son ensemble. De plus, ils ont constaté que les modèles PDX continuaient de présenter des variations et des évolutions génétiques au cours des passages successifs.

  4. Similarité génomique : La distance de mutation et la distance du nombre de copies ont été calculées, montrant que les modèles P0 PDX avaient la plus grande similarité génomique avec les régions tumorales originales, tandis que les modèles P3 PDX présentaient des variations dues principalement à l’évolution génétique au fil des passages.

Conclusion et valeur de la recherche

Les principales conclusions de cette étude sont les suivantes : 1. Limitations des modèles PDX : Un modèle PDX unique ne peut souvent pas reproduire de manière exhaustive l’hétérogénéité génomique de la tumeur primaire, en particulier en présence de multiples sous-clones tumoraux. Ce phénomène de goulot d’étranglement est particulièrement marqué lors de la phase initiale de création du modèle.

  1. Importance de l’échantillonnage multi-régional : L’échantillonnage multi-régional dans les modèles PDX augmente considérablement la capacité du modèle à représenter l’hétérogénéité intratumorale. Établir des modèles PDX reflétant différentes régions tumorales primaires aidera à capturer l’hétérogénéité intrinsèque de la tumeur.

  2. Optimisation des méthodes de modélisation et d’analyse : Pour garantir l’exactitude des données PDX, un outil innovant, le génome de référence de souris adaptatif, a été développé, améliorant l’exactitude et la faisabilité des données PDX.

Points forts de l’étude

Cette étude présente des innovations méthodologiques telles que le développement d’un génome de référence adapté aux NSG et une évaluation systématique de la fidélité génomique des modèles PDX, contribuant significativement au domaine académique. Ses conclusions fournissent de nouvelles perspectives et bases pour l’application des modèles PDX en recherche préclinique et en médecine personnalisée.