Modèles de méthylation de l'ADN dans la matière blanche du lobe frontal de l'atrophie multisystématisée, de la maladie de Parkinson et de la paralysie supranucléaire progressive : une enquête comparative croisée
Étude comparative des motifs de méthylation de l’ADN dans la substance blanche frontale de l’atrophie multisystématisée, de la maladie de Parkinson et de la paralysie supranucléaire progressive
Introduction au contexte académique
L’atrophie multisystématisée (Multiple System Atrophy, MSA) est une maladie neurodégénérative rare caractérisée par une perte neuronale et une gliogenèse, accompagnée d’inclusions cytoplasmiques gliales (glial cytoplasmic inclusions, GCIs) riches en α-synucléine dans les oligodendrocytes. Les manifestations cliniques de la MSA chevauchent celles d’autres syndromes parkinsoniens, tels que la maladie de Parkinson (Parkinson’s Disease, PD), la démence à corps de Lewy (Dementia with Lewy Bodies, DLB) et la paralysie supranucléaire progressive (Progressive Supranuclear Palsy, PSP), posant ainsi des défis pour le diagnostic précoce. Bien que ces maladies présentent certaines caractéristiques neuropathologiques communes à un stade avancé, chacune d’elles possède des marqueurs pathologiques uniques. Par exemple, la MSA et la PD sont toutes deux des synucléinopathies, la MSA étant caractérisée par des inclusions cytoplasmiques d’α-synucléine dans les oligodendrocytes, tandis que dans la PD, l’α-synucléine s’accumule principalement dans les neurones sous forme de corps de Lewy. La PSP, quant à elle, est une tauopathie 4R, caractérisée par une gliogenèse et des groupes de Tau agrégé, des enchevêtrements neurofibrillaires et des corps enroulés. Les recherches se sont traditionnellement focalisées sur les changements de la matière grise, mais des études récentes sur la pathologie de la matière blanche ont aussi mis en évidence de nouvelles preuves.
La méthylation de l’ADN est un mécanisme bien connu de la régulation épigénétique, et des chercheurs ont découvert des modifications de la méthylation de l’ADN dans plusieurs maladies neurodégénératives. Cependant, l’étude des motifs de méthylation de l’ADN dans la matière blanche pour les maladies parkinsoniennes multiples telles que la MSA, la PD et la PSP est une première. Cette étude vise à identifier les changements communs et spécifiques de la méthylation de l’ADN dans la matière blanche frontale des patients atteints de MSA, PD et PSP par une analyse de méthylation de l’ADN à l’échelle du génome.
Sources de l’article
Cet article, intitulé “DNA methylation patterns in the frontal lobe white matter of multiple system atrophy, Parkinson’s disease, and progressive supranuclear palsy: a cross-comparative investigation”, a été rédigé par Megha Murthy, Katherine Fodder, Yasuo Miki et al., en collaboration avec plusieurs institutions de recherche: UCL Queen Square Institute of Neurology (Royaume-Uni), Hirosaki University Graduate School of Medicine (Japon), Oslo University Hospital (Norvège) et University of Exeter (Royaume-Uni). L’article a été publié en 2024 dans «Acta Neuropathologica», et a été accepté le 4 juillet 2024.
Processus de recherche
Sujets et sources des échantillons: Les sujets de l’étude comprennent des patients diagnostiqués avec MSA, PD et PSP, ainsi qu’un groupe de contrôle sain, totalisant 66 cas. Les échantillons proviennent de la Queen Square Brain Bank de l’UCL Queen Square Institute of Neurology, et tous les échantillons de tissus cérébraux ont été approuvés par un comité d’éthique.
- Patients MSA: 17 cas
- Patients PD: 17 cas
- Patients PSP: 16 cas
- Groupe de contrôle sain: 15 cas
Extraction de l’ADN et analyse de la méthylation: Environ 100 microgrammes de tissu de la matière blanche ont été extraits du lobe frontal (région de Brodmann 9) congelé frais pour obtenir l’ADN génomique en utilisant la méthode phénol-chloroforme-isoamyl. Ensuite, la conversion au bisulfite a été réalisée en utilisant le kit EZ DNA Methylation (Zymo Research). La méthylation de l’ADN à l’échelle du génome a été analysée à l’aide de la puce Infinium HumanMethylationEPIC BeadChip (Illumina).
Traitement des données et contrôle de la qualité: Les fichiers d’intensité bruts générés ont été importés dans le logiciel R pour un prétraitement détaillé et des contrôles de qualité rigoureux utilisant des packages Bioconductor tels que Minfi, CHAMP et Watermelon.
Décomposition du type cellulaire: En utilisant l’algorithme de décomposition du type cellulaire du package Minfi, les proportions relatives de divers types de cellules, telles que les neurones (NeuN+), les oligodendrocytes (SOX10+) et d’autres types de cellules gliales (Double-), ont été estimées pour évaluer la composition des échantillons.
Analyse différentielle de la méthylation de l’ADN: Un modèle de régression linéaire (package Limma) a été utilisé pour détecter les sites différentiellement méthylés dans les groupes MSA, PD et PSP comparés aux contrôles sains, ainsi qu’une comparaison entre les maladies.
Analyse des réseaux de co-méthylation des gènes (WGCNA): La méthode WGCNA a été utilisée pour construire des réseaux de co-méthylation afin d’identifier des modules associés aux maladies (clusters de sites de méthylation hautement corrélés).
Principaux résultats de l’étude et discussion
Analyse de la méthylation et motifs communs de la méthylation de l’ADN
L’étude a révélé des points communs significatifs dans la méthylation de l’ADN de la matière blanche frontale dans la MSA, PD et PSP, en particulier dans les sous-groupes de sites de méthylation de l’ADN montrant des effets de direction similaires. En particulier, des gènes associés à la gliose et à la démylélinisation, tels que EtNK1, Fam8A1 et DFNA5, ont été identifiés comme étant partagément différentiellement méthylés, suggérant que ces gènes pourraient jouer un rôle dans les processus pathologiques communs à toutes ces maladies parkinsoniennes.
Changements spécifiques de la méthylation de l’ADN et modules spécifiques
Bien que des similarités significatives aient été observées dans l’ensemble des trois maladies, des modifications spécifiques de la méthylation de l’ADN ont également été identifiées pour chacune d’elles. Par exemple, la région promotrice du gène Bcl7b dans la MSA a montré une hypométhylation, tandis que dans la PD, le gène UBE2f a montré une hyperméthylation, et dans la PSP, le gène D2HGDH a présenté une hyperméthylation. L’analyse de l’enrichissement en types de cellules a révélé que certains des modules étaient principalement associés aux oligodendrocytes, avec un enrichissement fonctionnel lié à l’interférence de l’ARN, à la transduction du signal, au stress du réticulum endoplasmique et aux processus mitochondriaux, tous associés aux processus neurodégénératifs.
Analyse des réseaux de co-méthylation et préservation des modules
Grâce à la méthode WGCNA, 32 modules de co-méthylation ont été identifiés, dont 15 étaient significativement associés à au moins un état de maladie. Les analyses d’enrichissement fonctionnel ont montré que ces modules contiennent des mécanismes moléculaires associés aux maladies neurodégénératives. L’analyse d’autres régions cérébrales et types de tissus a également montré que de nombreux modules associés à la maladie présentaient une conservation de moyenne à élevée dans d’autres ensembles de données, validant l’importance de ces modules dans les maladies neurodégénératives.
Association avec les caractéristiques cliniques et pathologiques
L’étude a également exploré les associations entre les sites de méthylation de l’ADN différentiellement méthylés et les caractéristiques de la maladie telles que le nombre de GCI dans la MSA, l’âge d’apparition et la durée de la maladie. Par exemple, le site hypométhylé cg15274294 a montré une corrélation négative avec le nombre de GCI dans le lobe frontal des patients atteints de MSA, suggérant que l’état de méthylation de ce site pourrait être lié aux changements pathologiques dans différents processus de la maladie.
Importance et valeur de l’étude
Cette étude a comparé pour la première fois de manière systématique les motifs de méthylation de l’ADN dans la matière blanche frontale de la MSA, de la PD et de la PSP, fournissant des perspectives importantes. La recherche a révélé de nombreuses caractéristiques communes de la méthylation de l’ADN dans la matière blanche frontale des trois maladies parkinsoniennes, suggérant qu’elles pourraient partager des mécanismes pathologiques et des voies moléculaires similaires. De plus, les sites spécifiques d’altération de la méthylation identifiés peuvent servir de nouvelles cibles pour le diagnostic précoce et les interventions thérapeutiques futures. Ces découvertes contribuent non seulement à une compréhension plus complète des mécanismes moléculaires des maladies neurodégénératives, mais fournissent également une base importante pour des études intégratives multi-omiques et des applications cliniques futures.