Changement climatique et séquestration du carbone : les espèces d'arbres envahissantes établies offrent des opportunités pour la résilience des forêts face au changement climatique
Résilience des forêts face au changement climatique et rôle des espèces d’arbres envahissantes
Contexte académique
Avec l’intensification du changement climatique mondial, la résilience des écosystèmes forestiers est gravement menacée. Le changement climatique entraîne un déclin de la vitalité des principales espèces d’arbres indigènes, affaiblissant ainsi la capacité des forêts à fournir des services écosystémiques. Parallèlement, les espèces d’arbres envahissantes établies (Established Invasive Tree Species, EITS) peuvent occuper ces espaces vacants, entravant la régénération des espèces indigènes. Ce problème a attiré l’attention des gestionnaires forestiers, en particulier dans le contexte du changement climatique, où la gestion de l’expansion de ces espèces envahissantes est devenue un défi urgent à relever. Les mesures de contrôle traditionnelles sont souvent coûteuses et peu efficaces, ce qui a incité les chercheurs à explorer comment, dans le cadre de la gestion forestière intelligente face au climat (Climate-Smart Forest Management), ces espèces envahissantes pourraient être utilisées pour renforcer la résilience des forêts.
Source de l’article
Cet article a été rédigé par Bart Nyssen et d’autres chercheurs issus de plusieurs institutions, notamment Bosgroep Zuid Nederland, KU Leuven, Wageningen University, etc. L’article a été accepté le 21 août 2024 et publié en ligne le 14 octobre 2024 dans la revue Current Forestry Reports. Le titre de l’article est Established Invasive Tree Species Offer Opportunities for Forest Resilience to Climate Change.
Thème et points principaux de l’article
Le thème central de l’article est d’explorer comment, dans un contexte où les espèces d’arbres envahissantes (EITS) sont déjà largement présentes, la gestion forestière intelligente face au climat peut renforcer la résilience des forêts. L’article pose deux questions de recherche principales : 1. Comment intégrer les EITS dans les écosystèmes forestiers afin qu’elles contribuent positivement à la biodiversité forestière et aux services écosystémiques ? 2. Les EITS peuvent-elles renforcer la capacité d’adaptation des forêts au changement climatique ?
Point principal 1 : Défis et opportunités des EITS
L’impact des EITS sur les écosystèmes forestiers est double. D’une part, elles peuvent entraver la régénération des espèces indigènes en modifiant la disponibilité des ressources telles que la lumière, les nutriments et l’eau, et même modifier les risques d’incendie. D’autre part, les EITS peuvent également favoriser la restauration des forêts en formant rapidement une canopée forestière et en améliorant le microclimat. Par exemple, des espèces comme Ailanthus altissima (l’ailante) et Prunus serotina (le cerisier noir) permettent une régénération réussie des espèces indigènes sous leur canopée une fois la forêt mature établie.
Preuves à l’appui : - La capacité d’expansion rapide d’Ailanthus altissima lui confère un avantage compétitif dans le contexte du changement climatique, mais les espèces indigènes peuvent se régénérer efficacement sous sa canopée. - La litière à décomposition rapide de Prunus serotina augmente la fertilité du sol, favorisant ainsi la succession forestière.
Point principal 2 : Contribution des EITS à la diversité des espèces et à la production de bois
La plantation à haute densité d’EITS peut avoir un impact négatif sur la biodiversité, mais dans les plantations à long terme ou abandonnées, la diversité des plantes et des oiseaux est souvent élevée. Par exemple, les plantations d’Eucalyptus globulus (l’eucalyptus bleu) et de Pinus radiata (le pin radiata) peuvent offrir des opportunités de régénération pour les espèces indigènes lorsqu’elles sont gérées sur le long terme.
Preuves à l’appui : - Dans les plantations à long terme d’Eucalyptus globulus, des espèces indigènes comme les chênes et les châtaigniers peuvent se régénérer sous la canopée. - Au Chili, les plantations de Pinus radiata ont favorisé la restauration de la diversité forestière grâce à la plantation d’espèces tolérantes à l’ombre.
Point principal 3 : Contribution des EITS à la résilience climatique
Les EITS ont généralement une large amplitude climatique et une forte tolérance à la sécheresse, ce qui leur permet de mieux s’adapter aux conditions climatiques extrêmes dans un contexte de changement climatique. Par exemple, Robinia pseudoacacia (le robinier) montre une forte résilience dans les régions arides en raison de sa tolérance à la sécheresse et à la chaleur.
Preuves à l’appui : - Robinia pseudoacacia démontre une forte adaptabilité dans des conditions de sécheresse et de chaleur extrêmes, offrant un tampon climatique aux forêts. - Les EITS, en formant rapidement une canopée forestière, peuvent améliorer le microclimat forestier, réduisant ainsi l’impact des températures extrêmes sur la végétation sous-jacente.
Point principal 4 : Potentiel d’intégration des EITS
En renforçant la diversité structurelle et spécifique des forêts, l’expansion des EITS peut être efficacement contrôlée. Par exemple, en augmentant la structure verticale des forêts et en favorisant la compétition entre les espèces pionnières et les espèces de succession tardive, les opportunités d’invasion des EITS peuvent être réduites.
Preuves à l’appui : - Dans les forêts complexes, la capacité d’invasion des EITS est limitée, car leur besoin élevé en lumière les empêche de s’établir sous la canopée. - En augmentant la diversité fonctionnelle et la redondance des forêts, la résistance à l’invasion des EITS peut être renforcée.
Signification et valeur de l’article
Cet article offre aux gestionnaires forestiers une nouvelle perspective, à savoir qu’en intégrant les EITS dans les écosystèmes forestiers grâce à une gestion forestière intelligente face au climat, la capacité d’adaptation des forêts au changement climatique peut être renforcée. L’article met en avant le potentiel des EITS dans la restauration des forêts et les services écosystémiques, en particulier dans un contexte de changement climatique accru, où les EITS pourraient devenir un outil important pour la restauration forestière. De plus, l’article souligne la nécessité de recherches supplémentaires sur les fonctions écologiques des EITS afin d’évaluer plus complètement leur impact sur les écosystèmes forestiers.
Points forts
- Perspective de recherche novatrice : L’article dépasse la vision traditionnelle négative des espèces d’arbres envahissantes en mettant en avant leur rôle potentiellement positif dans le contexte du changement climatique.
- Revue de littérature exhaustive : Basé sur 466 références, l’article propose un cadre de recherche complet sur l’impact des EITS sur les écosystèmes forestiers.
- Valeur pratique : L’article fournit des recommandations concrètes aux gestionnaires forestiers, comme augmenter la diversité forestière pour contrôler l’expansion des EITS.
Autres informations utiles
L’article cite également cinq EITS largement répandues dans le monde (Ailanthus altissima, Eucalyptus globulus, Pinus radiata, Prunus serotina et Robinia pseudoacacia), en décrivant en détail leurs caractéristiques écologiques et leurs recommandations de gestion. Ces informations offrent des références concrètes pour les gestionnaires forestiers.
Cet article propose de nouvelles idées pour relever les défis de la gestion forestière dans un contexte de changement climatique, en mettant en avant le rôle potentiel des EITS dans le renforcement de la résilience des forêts, ce qui a une valeur scientifique et pratique significative.