Modèles alarmants de perte de forêts matures dans la forêt atlantique brésilienne

Contexte académique

La forêt atlantique brésilienne est l’un des points chauds mondiaux de la biodiversité, abritant un grand nombre d’espèces endémiques et fournissant des services écosystémiques essentiels. Cependant, une longue histoire de déforestation a réduit sa couverture forestière originale à seulement 24 %. Malgré les mesures de protection légales en place, le rythme de la perte forestière reste préoccupant. Pour mieux comprendre l’efficacité des lois actuelles dans la lutte contre la déforestation, les chercheurs ont mené une analyse quantitative et qualitative complète de la perte des forêts matures dans la forêt atlantique brésilienne. Cette étude vise à révéler les modèles spatiaux et temporels de la perte forestière, à évaluer son illégalité et à fournir une base scientifique pour les futures politiques de conservation.

Source de l’article

Cette étude a été réalisée par Silvana Amaral, Jean Paul Metzger, Marcos Rosa, Bruno Vargas Adorno, Gabriel Crivellaro Gonçalves et Luis Fernando Guedes Pinto. Les auteurs sont affiliés à l’Institut national de recherches spatiales du Brésil (INPE), à l’Université de São Paulo et à la fondation SOS Mata Atlântica. L’article a été publié en mars 2025 dans la revue Nature Sustainability, avec le DOI 10.1038/s41893-025-01508-w.

Méthodologie de recherche

1. Collecte et traitement des données

L’étude s’appuie sur des données d’images satellites de 2010 à 2020, utilisant les images Landsat et PlanetScope pour surveiller les changements de couverture forestière. L’équipe de recherche a d’abord défini et identifié les forêts matures (mature forests), c’est-à-dire les forêts primaires ou les forêts secondaires à un stade avancé sans perturbation notable. En combinant l’interprétation visuelle et la classification automatique, l’équipe a cartographié 14 401 polygones de déforestation (deforestation polygons), couvrant une superficie totale de 186 289 hectares.

2. Analyse spatiale et temporelle

Les chercheurs ont analysé la distribution spatiale et temporelle de ces polygones de déforestation. Grâce à une analyse de densité par noyau (kernel density analysis), l’équipe a identifié deux zones principales de déforestation : un point chaud nord (dans les États de Bahia et Minas Gerais) et un point chaud sud (dans les États du Paraná et de Santa Catarina). De plus, l’étude a examiné les types de tenure foncière (land tenure) associés à la déforestation, y compris les terres privées, les zones protégées, les terres indigènes et les projets de colonisation.

3. Changements d’utilisation et de couverture des terres

Pour comprendre les changements d’utilisation des terres après la déforestation, l’équipe a utilisé les images PlanetScope pour classer l’utilisation et la couverture des terres (LULC) en 2021. Les chercheurs ont constaté que la plupart des zones déboisées étaient transformées en pâturages (pasture), en cultures temporaires (temporary crops) et en végétation secondaire (secondary vegetation). Ces changements présentaient des différences significatives selon les types de tenure foncière.

4. Estimation des émissions de gaz à effet de serre

L’étude a également estimé les émissions de gaz à effet de serre résultant de la déforestation entre 2010 et 2020. En utilisant la méthodologie du système d’estimation des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre du Brésil (SEEG), l’équipe a calculé que ces pertes forestières ont émis 89,14 millions de tonnes d’équivalent CO2 (MtCO2e), soit 3 % des émissions totales du Brésil en 2023.

Principaux résultats

1. Distribution spatiale de la déforestation

L’étude montre que la déforestation est principalement concentrée dans les États de Bahia et Minas Gerais (50 %) ainsi que dans les États du Paraná et de Santa Catarina (16 %). Dans le point chaud nord, la déforestation est principalement liée à l’abattage des forêts saisonnières décidues (seasonal decidual forests) et semi-décidues (seasonal semideciduous forests), tandis que dans le point chaud sud, elle concerne surtout les forêts mixtes ombrophiles (mixed ombrophilous forests).

2. Tenure foncière et déforestation

L’étude révèle que 73 % de la déforestation a eu lieu sur des terres privées, tandis que les taux de déforestation dans les zones protégées et les terres indigènes sont plus faibles. Néanmoins, le taux de déforestation dans les terres indigènes (0,8 %) reste proche de la moyenne des terres privées (1,3 %), indiquant que ces zones sont également sous pression.

3. Changements d’utilisation des terres

Les changements d’utilisation des terres après la déforestation montrent que les pâturages et les cultures temporaires sont les principaux types de transformation. Sur les terres privées, les pâturages représentent 38 à 43 % et les cultures temporaires 11 à 15 %. Dans les zones protégées et les terres indigènes, la végétation secondaire est la principale couverture, suggérant un potentiel de restauration forestière plus élevé dans ces zones.

4. Émissions de gaz à effet de serre

Les estimations des émissions de gaz à effet de serre s’élèvent à 89,14 MtCO2e, principalement dues à la perte de stock de carbone dans les forêts matures. Ces résultats indiquent que la déforestation menace non seulement la biodiversité, mais a également un impact significatif sur le changement climatique.

Conclusion et signification

Cette étude met en lumière la gravité de la perte des forêts matures dans la forêt atlantique brésilienne et souligne les limites des mesures de protection légales actuelles. Les résultats montrent que, malgré les lois de protection, la déforestation reste répandue et largement illégale. L’étude insiste sur l’importance de renforcer les mesures de protection, en particulier dans les zones de déforestation intense. De plus, elle fournit une base scientifique pour les futures politiques de restauration et de conservation des forêts, notamment en matière de planification de l’utilisation des terres et de stratégies de réduction des émissions de carbone.

Points forts de l’étude

  1. Identification des points chauds : Pour la première fois, l’étude a identifié deux zones principales de déforestation dans la forêt atlantique brésilienne grâce à une analyse de densité par noyau, révélant les facteurs de déforestation dans différentes régions.
  2. Analyse de la tenure foncière : L’étude a examiné en détail les taux de déforestation selon les types de tenure foncière, fournissant des bases pour des politiques de protection ciblées.
  3. Changements d’utilisation des terres : Grâce aux images satellites à haute résolution, l’étude a révélé les changements d’utilisation des terres après la déforestation, offrant des données cruciales pour comprendre les impacts à long terme.
  4. Estimation des émissions de gaz à effet de serre : L’étude a estimé les émissions de gaz à effet de serre dues à la déforestation, soutenant les objectifs de réduction des émissions du Brésil.

Autres informations utiles

L’étude note également que, bien que la végétation secondaire occupe une grande partie des zones déboisées, ces forêts secondaires ont une faible biodiversité et un faible stock de carbone, et sont susceptibles d’être à nouveau perdues. Par conséquent, l’étude appelle à ce que les futures politiques de protection ne se concentrent pas seulement sur la prévention de la déforestation, mais aussi sur la restauration et la gestion des forêts secondaires.

Les données et les résultats de cette étude sont accessibles via la plateforme Zenodo, disponibles pour d’autres chercheurs et décideurs politiques.