Effets neurophysiologiques de l'acupuncture sèche des points gâchettes latents sur les réflexes spinaux
Effets neurophysiologiques de la puncture sèche profonde sur les réflexes spinaux
Contexte académique
La puncture sèche profonde (Deep Dry Needling, DDN) est une méthode couramment utilisée pour traiter les points gâchettes musculaires (Trigger Points, TrPs), en particulier chez les patients souffrant de douleurs neuromusculaires et de spasticité. Bien que la DDN soit largement utilisée en pratique clinique, ses mécanismes neurophysiologiques ne sont pas encore entièrement compris. Les points gâchettes sont classés en points gâchettes actifs et latents. Les points gâchettes latents ne provoquent pas nécessairement de douleur, mais peuvent affecter la fonction musculaire, l’amplitude des mouvements et la fatigabilité musculaire. Par conséquent, étudier les effets de la DDN sur les réflexes spinaux, en particulier dans le traitement des points gâchettes latents, peut aider à comprendre ses effets neurophysiologiques et fournir une base théorique pour la rééducation neurologique.
Cette étude vise à explorer les effets de la DDN sur les réflexes spinaux, en particulier sur le réflexe H (Hoffmann reflex) et l’inhibition réciproque (reciprocal inhibition) des muscles triceps surae. En étudiant les effets modulateurs de la DDN sur les réflexes spinaux, cette recherche peut fournir une base scientifique pour l’application de la DDN en rééducation neurologique.
Source de l’article
Cet article a été co-écrit par Gretchen Seif, Alan M. Phipps, Joseph M. Donnelly, Blair H. S. Dellenbach et Aiko K. Thompson. Les auteurs sont affiliés au College of Health Professions de l’Université médicale de Caroline du Sud, au Département des sciences de la santé et de la recherche, ainsi qu’au Département de physiothérapie de l’Université de St. Augustine pour les sciences de la santé. L’article a été publié pour la première fois le 20 décembre 2024 dans le Journal of Neurophysiology, avec le DOI 10.1152/jn.00366.2024.
Méthodologie et résultats
Méthodologie
Cette étude a recruté 17 adultes en bonne santé âgés de 22 à 57 ans, sans antécédents de troubles neurologiques ou orthopédiques connus, et présentant des points gâchettes latents dans le muscle gastrocnémien médial (medial gastrocnemius, MG). L’étude a été menée à quatre moments : avant la DDN, immédiatement après, 90 minutes après et 72 heures après le traitement. À chaque moment, les mesures suivantes ont été effectuées : 1. Réflexe H et onde M : Le réflexe H maximal (Hmax) et l’onde M maximale (Mmax) des muscles triceps surae (comprenant le soléaire, le gastrocnémien médial et le gastrocnémien latéral) ont été mesurés par stimulation électrique du nerf tibial postérieur (posterior tibial nerve, PTN). 2. Inhibition réciproque : L’inhibition réciproque des muscles triceps surae a été mesurée par stimulation électrique du nerf fibulaire commun (common peroneal nerve, CPN). 3. Amplitude de mouvement passive de la cheville (ROM) : L’amplitude de mouvement passive de la dorsiflexion de la cheville a été mesurée à l’aide d’un goniomètre standard.
Le processus de DDN était le suivant : les participants étaient allongés sur le dos, la jambe légèrement fléchie et en rotation externe. Les points gâchettes latents dans le MG étaient localisés par palpation, et une aiguille d’acupuncture en acier inoxydable à usage unique était insérée jusqu’à ce qu’une réponse de secousse locale (local twitch response, LTR) soit déclenchée. Ensuite, l’aiguille était déplacée de haut en bas près du point gâchette pendant 25 à 30 secondes, jusqu’à ce que toutes les LTR disparaissent.
Résultats principaux
Changements de l’onde M : L’étude a révélé que l’amplitude de l’onde M maximale (Mmax) du gastrocnémien médial diminuait significativement immédiatement après la DDN et 90 minutes après (respectivement de 14 % et 18 %), mais revenait à son niveau initial 72 heures après le traitement. En revanche, l’amplitude de l’onde M du soléaire et du gastrocnémien latéral n’a pas changé de manière significative. Cela suggère que la DDN a un effet temporaire sur la connexion neuromusculaire du muscle traité.
Changements du réflexe H : L’amplitude du réflexe H maximal (Hmax) des muscles triceps surae n’a pas changé de manière significative après la DDN, indiquant que la DDN n’affecte pas de manière significative les voies réflexes excitatrices de la moelle épinière.
Changements de l’inhibition réciproque : L’inhibition réciproque du soléaire a augmenté de manière significative immédiatement après la DDN et 72 heures après (respectivement de 30 % et 36 %), tandis que celle du gastrocnémien latéral n’a pas changé de manière significative. Cela suggère que la DDN pourrait moduler les interneurones inhibiteurs de la moelle épinière, renforçant ainsi les réflexes inhibiteurs du soléaire.
Changements de l’amplitude de mouvement de la cheville : L’amplitude de mouvement passive de la dorsiflexion de la cheville a augmenté de manière significative immédiatement après la DDN et 72 heures après (respectivement de 4° et 3°), mais est revenue à son niveau initial 90 minutes après. Cela indique que la DDN pourrait améliorer les propriétés mécaniques des muscles ou la modulation nerveuse, augmentant ainsi l’amplitude des mouvements articulaires.
Conclusions et implications
Cette étude a révélé que la DDN a un effet temporaire sur la connexion neuromusculaire du muscle traité (gastrocnémien médial), se manifestant par une diminution temporaire de l’amplitude de l’onde M. De plus, la DDN a renforcé l’inhibition réciproque du soléaire, indiquant qu’elle module les voies inhibitrices de la moelle épinière. Ces résultats mettent en lumière les effets neurophysiologiques complexes de la DDN au niveau spinal, fournissant un soutien théorique pour son application en rééducation neurologique.
Points forts de l’étude
- Effet spécifique : La DDN a un effet spécifique sur l’amplitude de l’onde M du muscle traité, sans affecter les autres muscles, indiquant que son action est localisée.
- Modulation des réflexes spinaux : La DDN renforce l’inhibition réciproque du soléaire, démontrant son effet modulateur sur les voies inhibitrices de la moelle épinière.
- Effet dépendant du temps : Les effets de la DDN sur l’onde M et l’inhibition réciproque sont dépendants du temps, suggérant que ses mécanismes d’action impliquent plusieurs processus neurophysiologiques.
Autres informations pertinentes
Cette étude a également révélé que les effets de la DDN sur l’amplitude de mouvement de la cheville et les changements de l’inhibition réciproque suivent une évolution temporelle similaire, suggérant qu’ils pourraient être régulés par les mêmes mécanismes neurophysiologiques. De plus, l’effet temporaire de la DDN offre une fenêtre temporelle pour des exercices de rééducation immédiatement après le traitement ou 72 heures plus tard, afin de maximiser les effets thérapeutiques.
Conclusion
Cette étude, grâce à une conception expérimentale systématique, a mis en évidence les effets complexes de la DDN sur les réflexes spinaux, fournissant une base scientifique importante pour son application en rééducation neurologique. Les recherches futures pourraient explorer les effets de la DDN dans différentes populations cliniques et comparer son efficacité à d’autres méthodes de traitement des points gâchettes, afin d’optimiser son utilisation clinique.