L'association entre la fragmentation de l'activité physique et la mortalité toutes causes chez les Hispaniques : une étude de cohorte prospective

Contexte de l’étude et problème

Dans la société moderne, les modèles d’activité physique (Physical Activity, PA) et leur impact sur la santé sont des domaines importants pour la santé publique et la recherche médicale. Les études traditionnelles se concentraient principalement sur le volume total et l’intensité de l’activité physique, mais récemment, de plus en plus de recherches commencent à s’intéresser à la fragmentation de l’activité physique (Physical Activity Fragmentation). La fragmentation de l’activité physique désigne les transitions fréquentes entre un état actif et un état sédentaire, ce qui peut influencer la santé globale des individus. Bien que des études aient montré une association entre la fragmentation de l’activité physique et la mortalité toutes causes confondues chez les personnes âgées et les non-Hispaniques/Blancs, ces recherches étaient souvent limitées à des groupes d’âge spécifiques et des populations ethniques particulières, avec des périodes de suivi relativement courtes.

Par conséquent, il est nécessaire d’examiner davantage l’impact de la fragmentation de l’activité physique sur des populations diverses, en particulier les adultes Hispaniques/Latinos. Pour combler cette lacune, cette étude vise à évaluer l’association entre la fragmentation de l’activité physique et la mortalité toutes causes confondues chez les adultes Hispaniques/Latinos, et à examiner si cette association est indépendante du volume total d’activité physique. Cette étude espère fournir une nouvelle perspective pour comprendre l’impact des modèles d’activité physique sur la santé et offrir une base scientifique pour élaborer des interventions de santé ciblant les populations Hispaniques/Latinos.

Source de l’article

Cet article a été co-rédigé par Mauro F. F. Mediano, Yejin Mok, Shoshana H. Ballew et plusieurs autres chercheurs issus d’institutions telles que l’Institut national de maladies infectieuses Evandro Chagas de la Fondation Oswaldo Cruz au Brésil et le Département d’épidémiologie de la Bloomberg School of Public Health de l’université Johns Hopkins aux États-Unis. L’étude a été publiée dans “The Lancet Regional Health - Americas”, numéro 2025;42: 100996, avec un lien DOI de https://doi.org/10.1016/j.lana.2025.100996. Le titre de l’article est “L’association de la fragmentation de l’activité physique avec la mortalité toutes causes confondues chez les Hispaniques : une étude de cohorte prospective”.

Méthodologie de l’étude

Participants et collecte de données

Cette étude repose sur les données de l’Hispanic Community Health Study/Study of Latinos (HCHS/SOL), une étude de cohorte prospective basée sur la communauté menée dans quatre villes américaines (Bronx à New York, Chicago en Illinois, Miami en Floride et San Diego en Californie). Les participants étaient des adultes Hispaniques/Latinos âgés de 18 à 74 ans, dont 16,415 ont été recrutés. Parmi eux, 14,913 ont fourni des données issues d’accéléromètres, et après filtrage, l’échantillon final utilisé pour l’analyse comprenait 11,992 personnes.

Traitement des données et méthodes d’analyse

Mesures d’accéléromètre et calcul des indicateurs de fragmentation de l’activité physique

L’étude a utilisé des accéléromètres Actical (Respironics Co. Inc.), demandant aux participants de les porter pendant sept jours consécutifs pour enregistrer leurs activités quotidiennes. Les accéléromètres ont collecté des données chaque minute, utilisées pour calculer la somme quotidienne moyenne des comptes d’activité (Total Log-Transformed Activity Counts, TLAC). Pour évaluer le degré de fragmentation de l’activité physique, l’étude a introduit la probabilité de transition active-sédentaire (Active-to-Sedentary Transition Probability, ASTP), soit la probabilité moyenne par minute de passer d’un état actif à un état sédentaire. L’ASTP est calculée en divisant 1 par la durée moyenne d’activité (en minutes). De plus, l’ASTP ajusté par TLAC a été calculé pour exclure l’effet du volume total d’activité physique sur les résultats.

Surveillance des événements de décès

Les décès ont été identifiés via des entretiens annuels de suivi, des recherches d’avis de décès ou des correspondances avec l’Index National des Décès. La période de suivi allait de l’inscription jusqu’au 31 janvier 2022, durant laquelle 745 décès ont été enregistrés.

Analyse statistique

Des modèles de régression pondérée et des designs d’échantillonnage complexes ont été utilisés pour analyser les données, garantissant ainsi la représentativité des résultats. Plus précisément, l’étude a d’abord stratifié les données selon les caractéristiques démographiques, les variables cliniques et les facteurs de mode de vie, puis a utilisé des modèles de régression de Cox pour évaluer la relation entre l’ASTP et la mortalité toutes causes confondues. Pour vérifier la relation linéaire entre l’ASTP et la mortalité, un modèle de spline cubique restreint a été construit. En outre, des analyses de sensibilité ont été réalisées, notamment en ne considérant que les participants ayant au moins 5 jours valides d’enregistrement par accéléromètre et en excluant les décès survenus au cours des deux premières années de suivi afin de minimiser les biais potentiels dus à des facteurs confondants.

Résultats de l’étude

Caractéristiques de base

En général, les individus avec un ASTP élevé présentaient souvent un mode de vie et une condition de santé plus dégradés, comme un IMC plus élevé, plus de comorbidités, plus de symptômes dépressifs, une qualité alimentaire inférieure, un niveau d’activité physique plus faible et un temps sédentaire plus important. Ces individus étaient plus susceptibles d’être Dominicains, Cubains et Porto-Ricains, avec un niveau d’éducation et une couverture d’assurance-maladie relativement élevés.

Résultats de l’analyse de survie

Au cours d’une période de suivi moyenne de 11,2 ans, 745 décès ont été enregistrés, avec un taux de mortalité cumulée de 10 ans de 4,8‰. Les résultats montrent que le risque de mortalité toutes causes confondues était de 1,45 (IC 95% 1,10–1,92) pour les individus dans le tertile supérieur de l’ASTP par rapport à ceux dans le tertile inférieur. Pour chaque augmentation de 0,1 unité de l’ASTP, le risque de mortalité augmentait de 22% (HR 1,22 ; IC 95% 1,07–1,39). Même après ajustement pour le volume total d’activité physique, cette association demeurait significative, avec un risque de mortalité de 1,46 (IC 95% 1,06–2,00) pour le tertile supérieur d’ASTP ajusté par TLAC par rapport au tertile inférieur.

Analyses de sensibilité

Les analyses de sensibilité ont montré que, qu’il s’agisse des sous-échantillons ayant au moins 5 jours valides d’enregistrement par accéléromètre ou des décès exclus au cours des deux premières années de suivi, l’association entre l’ASTP et la mortalité restait significative. De plus, les analyses de sous-groupes ont révélé des associations cohérentes entre l’ASTP et la mortalité chez les hommes et les femmes, ainsi que chez les participants âgés de moins de 60 ans et de 60 ans ou plus.

Conclusion et implications

Cette étude a pour la première fois systématiquement évalué la relation entre la fragmentation de l’activité physique et la mortalité toutes causes confondues chez les adultes Hispaniques/Latinos, et a découvert que des valeurs ASTP plus élevées étaient associées à un risque accru de mortalité, indépendamment du volume total d’activité physique. Ces résultats soutiennent l’idée que l’ASTP pourrait être un nouveau marqueur de modèle d’activité physique, utile pour identifier les risques de pronostic défavorable, et offrent une base scientifique pour élaborer des stratégies d’intervention visant à améliorer les modèles d’activité physique quotidienne. Par exemple, en augmentant la durée des activités continues (comme la marche continue), on peut réduire la fragmentation de l’activité physique, contribuant ainsi à diminuer le risque de mortalité. Les futures recherches devraient explorer davantage la relation entre l’ASTP et d’autres résultats de santé, et développer des mesures d’intervention efficaces pour optimiser les modèles d’activité physique quotidienne.

Points forts de l’étude

  1. Découverte importante : Première confirmation de l’association significative entre la fragmentation de l’activité physique et la mortalité toutes causes confondues chez les adultes Hispaniques/Latinos, indépendamment du volume total d’activité physique.
  2. Signification du problème : Résout les problèmes de diversité des échantillons insuffisante et de courte période de suivi dans les études existantes, comblant une lacune dans la recherche sur les populations Hispaniques/Latinos.
  3. Nouveauté de la méthode : Introduit l’ASTP comme indicateur de mesure de la fragmentation de l’activité physique, permettant une description plus complète des modèles d’activité physique quotidienne, y compris les activités légères et modérément vigoureuses.
  4. Valeur pratique : Offre une nouvelle perspective aux décideurs politiques en matière de santé publique, soulignant l’importance de l’amélioration des modèles d’activité physique quotidienne, en particulier pour les populations Hispaniques/Latinos.

Informations supplémentaires de valeur

Bien que cette étude ait utilisé des méthodes statistiques rigoureuses et des techniques d’analyse de données, elle présente néanmoins certaines limitations. Par exemple, l’absence d’informations sur les causes de décès a limité l’analyse approfondie de la mortalité spécifique à certaines causes ; les accéléromètres portés à la hanche peuvent ne pas capturer précisément certains types d’activités (comme le vélo ou la natation) ; certaines informations dépendaient de rapports auto-déclarés, ce qui peut entraîner des biais d’information. Cependant, ces limitations n’ont pas affecté les conclusions principales de l’étude, soulignant plutôt les directions futures de la recherche.