Expériences traumatiques, symptômes dissociatifs et alexithymie chez les patients atteints d'alopécie areata
Étude sur les expériences traumatiques, les symptômes dissociatifs et l’alexithymie chez les patients atteints d’alopécie areata
Contexte académique
L’alopécie areata (AA) est une maladie auto-immune inflammatoire ciblant les follicules pileux, dont la cause exacte reste inconnue. Les études suggèrent que les facteurs génétiques, environnementaux, auto-immuns et psychologiques pourraient jouer un rôle important dans son apparition, en particulier le stress psychologique et les expériences traumatiques. Des recherches récentes indiquent que les expériences traumatiques, les symptômes dissociatifs et l’alexithymie pourraient être liés à la pathogenèse de l’AA. Les symptômes dissociatifs, un mécanisme de défense psychologique survenant après un traumatisme, se manifestent par une dissociation de la mémoire, de la conscience ou de l’identité, tandis que l’alexithymie se caractérise par des difficultés à identifier et à décrire les émotions. Ces facteurs psychologiques pourraient influencer l’apparition de l’AA via la modulation du système immunitaire. Cependant, les mécanismes précis de ces facteurs chez les patients atteints d’AA n’ont pas été systématiquement étudiés. Pour explorer cette question, Furkan Demirgil et son équipe ont mené une étude visant à examiner les manifestations des expériences traumatiques, des symptômes dissociatifs et de l’alexithymie chez les patients atteints d’AA, ainsi que leur relation avec la maladie.
Source de l’article
Cet article a été rédigé par Furkan Demirgil, Nesim Kuğu et Yavuz Yılmaz, respectivement du département de psychiatrie de l’hôpital d’État de Toros à Mersin et de la faculté de médecine de l’Université de Cumhuriyet à Sivas, en Turquie. L’article a été publié en 2024 dans le Journal of Dermatology, avec le DOI 10.1111⁄1346-8138.17572.
Déroulement et résultats de l’étude
Participants et groupes
L’étude a inclus 174 participants, répartis en trois groupes :
1. Groupe AA : 58 patients diagnostiqués avec l’AA, ayant consulté en dermatologie entre août 2021 et février 2023.
2. Groupe témoin dermatologique : 58 patients atteints de maladies dermatologiques (comme des naevus, des verrues, la gale ou des infections fongiques), considérées comme ayant une faible composante psychologique.
3. Groupe témoin sain : 58 individus en bonne santé sans maladies chroniques.
Tous les participants ont complété le Childhood Trauma Questionnaire (CTQ-28), l’Échelle des expériences dissociatives (DES), la Checklist for DSM-5 for Post-Traumatic Stress Disorder (PCL-5) et l’Échelle d’alexithymie de Toronto (TAS-20). Une entrevue clinique structurée pour le DSM-5 (SCID-5-CV) a également été utilisée pour exclure d’autres diagnostics psychiatriques.
Résultats
- Expériences traumatiques dans l’enfance : Le score total du CTQ-28 était significativement plus élevé dans le groupe AA que dans les groupes témoins (p < 0,001), en particulier pour la négligence émotionnelle (p < 0,001) et la négligence physique (p = 0,022). L’étude a révélé que la négligence émotionnelle dans l’enfance augmentait le risque de développer l’AA par un facteur de 6.
- Symptômes dissociatifs : Aucune différence significative n’a été observée entre les groupes sur l’échelle DES (p = 0,085), bien que le groupe AA ait obtenu des scores légèrement plus élevés.
- Alexithymie : Le groupe AA a obtenu des scores significativement plus élevés sur l’échelle TAS-20 que les groupes témoins (p = 0,016), indiquant une prévalence plus élevée de l’alexithymie chez les patients atteints d’AA.
- Trouble de stress post-traumatique (TSPT) : Le groupe AA a également obtenu des scores significativement plus élevés sur l’échelle PCL-5 que le groupe témoin sain (p = 0,024), suggérant une plus grande prévalence des symptômes de TSPT chez ces patients.
Analyse des données et conclusions
L’analyse statistique a été réalisée avec SPSS 21.0, en utilisant l’analyse de variance unidirectionnelle (ANOVA) et le test de Kruskal-Wallis pour les comparaisons de groupes multiples. Une analyse post hoc avec correction de Bonferroni a permis d’identifier les sources des différences. L’analyse de corrélation de Spearman a été utilisée pour évaluer les relations entre les échelles.
L’étude conclut que la négligence émotionnelle et physique dans l’enfance pourrait jouer un rôle majeur dans l’apparition de l’AA. De plus, l’alexithymie et les symptômes de TSPT sont plus fréquents chez les patients atteints d’AA. Les chercheurs suggèrent que l’évaluation et l’intervention psychologiques, en particulier pour les traumatismes de l’enfance et les troubles émotionnels, devraient être intégrées dans le traitement de l’AA.
Points forts de l’étude
- Innovation : Cette étude est la première à explorer systématiquement les manifestations des expériences traumatiques, des symptômes dissociatifs et de l’alexithymie chez les patients atteints d’AA, comblant ainsi une lacune dans la littérature existante.
- Analyse multifactorielle : L’étude ne se concentre pas uniquement sur les expériences traumatiques, mais examine également en profondeur le rôle des facteurs psychologiques tels que les symptômes dissociatifs et l’alexithymie dans l’AA.
- Valeur clinique : Les résultats fournissent une base scientifique pour l’intervention psychologique dans le traitement de l’AA, en mettant l’accent sur l’importance de traiter les traumatismes et les troubles émotionnels des patients.
Autres informations pertinentes
L’étude souligne également que les taux élevés d’alexithymie et de symptômes de TSPT chez les patients atteints d’AA pourraient être liés au développement et à la récurrence de la maladie. Les recherches futures pourraient explorer si les interventions ciblant ces facteurs psychologiques pourraient prévenir l’apparition de l’AA ou en atténuer les symptômes.