Tendances dans le dépistage des risques sociaux dans les pratiques médicales aux États-Unis

Rapport sur les tendances du dépistage des risques sociaux dans les cabinets médicaux aux États-Unis

Contexte académique

Ces dernières années, l’importance du dépistage des risques sociaux (social risk screening) dans le domaine des soins de santé a pris de l’ampleur, avec de plus en plus de recherches se concentrant sur l’identification des facteurs de risque sociaux chez les patients, tels que l’insécurité alimentaire, l’instabilité du logement, les besoins en services publics, la violence interpersonnelle et les besoins de transport. Ces facteurs de risque sociaux sont étroitement liés à l’état de santé des patients, et leur identification et leur prise en charge peuvent contribuer à améliorer la santé globale des patients. Cependant, bien qu’il existe déjà de nombreuses études sur la mise en œuvre du dépistage des risques sociaux, les recherches sur les tendances de ce dépistage dans les cabinets médicaux aux États-Unis restent limitées.

En 2017, l’enquête nationale sur les organisations et systèmes de santé (National Survey of Healthcare Organizations and Systems, NSHOS) a montré que plus de la moitié des cabinets de médecine générale dépistaient systématiquement la violence interpersonnelle (56,4 %), mais que les taux de dépistage pour les autres risques sociaux étaient plus faibles (insécurité alimentaire 29,6 %, instabilité du logement 27,8 %, besoins en services publics 23,1 %, besoins de transport 35,4 %). Depuis 2017, on ignore si la mise en œuvre du dépistage des risques sociaux a évolué, en particulier si les cabinets médicaux ont augmenté leur dépistage de ces risques sociaux.

Source de l’étude

Ce rapport de recherche a été rédigé par Amanda L. Brewster, Hector P. Rodriguez, Genevra F. Murray, Valerie A. Lewis, Karen E. Schifferdecker et Elliott S. Fisher, respectivement de l’Université de Californie à Berkeley, de l’Université de New York, de l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill et du Dartmouth College. L’étude a été publiée le 3 janvier 2025 dans la revue JAMA Network Open, sous le titre Trends in Screening for Social Risk in US Physician Practices.

Conception et méthodologie de l’étude

Conception de l’étude

Cette étude a utilisé une conception transversale répétée pour analyser les données des enquêtes NSHOS de 2017 et 2022. Le NSHOS est une enquête nationale représentative des cabinets médicaux comprenant au moins trois médecins de soins primaires pour adultes. En 2017, 2333 cabinets ont répondu à l’enquête (taux de réponse de 46,9 %), et en 2022, 1252 cabinets ont répondu (taux de réponse de 35,8 %). Pour assurer la comparabilité des données, l’étude n’a utilisé que les questions communes aux deux enquêtes.

Variables de l’étude

Variable dépendante

La variable dépendante principale était de savoir si les cabinets médicaux dépistaient systématiquement cinq risques sociaux courants : l’insécurité alimentaire, l’instabilité du logement, les besoins en services publics, la violence interpersonnelle et les besoins de transport. L’étude a également calculé le nombre de risques sociaux dépistés par cabinet (0 à 5).

Variables indépendantes

Les variables indépendantes comprenaient l’année de l’enquête (2017 ou 2022) et les caractéristiques des cabinets, telles que la part des revenus provenant de Medicaid, les scores de culture d’innovation, les scores de capacité des systèmes d’information et les scores d’exposition aux réformes de paiement.

Covariables

Les covariables comprenaient la propriété du cabinet, sa taille et sa localisation géographique.

Analyse des données

L’étude a utilisé des modèles de régression de Poisson multivariés pour analyser la relation entre l’année de l’enquête, les caractéristiques des cabinets et le nombre de risques sociaux dépistés. Pour vérifier la robustesse des résultats, des analyses de sensibilité ont été réalisées, notamment en utilisant des modèles à effets fixes pour analyser les cabinets ayant répondu aux deux enquêtes, et en testant les interactions entre l’année et les caractéristiques des cabinets.

Résultats de l’étude

Tendances du dépistage des risques sociaux

Les résultats montrent que le dépistage des risques sociaux par les cabinets médicaux a augmenté de manière significative entre 2017 et 2022. En 2022, 27 % des cabinets ont déclaré dépister systématiquement les cinq risques sociaux, contre 15 % en 2017 (p < 0,001). Les résultats non ajustés montrent que le nombre moyen de risques sociaux dépistés par cabinet est passé de 1,71 en 2017 à 2,34 en 2022.

Relation entre les caractéristiques des cabinets et le dépistage des risques sociaux

L’étude a révélé que certains types de cabinets étaient plus susceptibles de dépister davantage de risques sociaux, notamment les centres de santé qualifiés au niveau fédéral (FQHCs), les cabinets ayant des scores de culture d’innovation plus élevés, des systèmes d’information plus avancés et une plus grande exposition aux réformes de paiement. Plus précisément, les FQHCs dépistaient significativement plus de risques sociaux que les autres cabinets (IRR = 1,550, p < 0,001), et chaque augmentation d’un point du score de culture d’innovation était associée à une augmentation de 1,2 % du nombre de risques sociaux dépistés (IRR = 1,012, p < 0,001).

Analyse de sensibilité

Les résultats de l’analyse de sensibilité étaient cohérents avec l’analyse principale, confirmant la robustesse des résultats. En particulier, les modèles à effets fixes ont montré que les caractéristiques variant dans le temps étaient liées au dépistage des risques sociaux de manière similaire à l’analyse principale.

Discussion et conclusion

Discussion

L’étude montre que, bien que la prévalence du dépistage des risques sociaux dans les cabinets médicaux ait augmenté, moins d’un tiers des cabinets dépistent systématiquement les cinq risques sociaux. Cette augmentation suggère que les cabinets à travers le pays modifient leurs processus de soins pour prendre en compte de manière plus systématique les circonstances sociales des patients. Cependant, le dépistage en lui-même ne signifie pas nécessairement que les cabinets utilisent ces informations pour ajuster les soins ou orienter les patients vers des services sociaux.

L’étude a également révélé que, malgré une baisse des scores de culture d’innovation, cette culture restait fortement associée à un taux plus élevé de dépistage des risques sociaux. Cela pourrait être lié aux effets négatifs de la pandémie de COVID-19 sur le moral et l’innovation des travailleurs de la santé. À l’avenir, la question de savoir comment promouvoir davantage le dépistage des risques sociaux dans un contexte de ressources limitées reste un défi.

Conclusion

Cette étude fournit des preuves que le dépistage des risques sociaux a augmenté de manière significative ces dernières années. Cependant, il reste à voir si les cabinets peuvent utiliser ces données de dépistage pour améliorer la santé des patients. À mesure que les politiques et programmes visant à intégrer les soins sociaux dans les soins de santé se développent, il sera important d’étudier comment les processus de dépistage, d’orientation et de prestation de services liés aux risques sociaux sont associés aux résultats pour les patients.

Points forts de l’étude

  1. Augmentation significative du dépistage des risques sociaux : Entre 2017 et 2022, les cabinets médicaux ont significativement augmenté leur dépistage des risques sociaux, en particulier pour l’insécurité alimentaire, l’instabilité du logement et les besoins de transport.
  2. Impact des caractéristiques des cabinets : Les FQHCs, les cabinets ayant une culture d’innovation plus forte, des systèmes d’information plus avancés et une plus grande exposition aux réformes de paiement étaient plus susceptibles de dépister davantage de risques sociaux.
  3. Importance de la culture d’innovation : Malgré une baisse des scores de culture d’innovation, celle-ci reste un facteur clé dans la promotion du dépistage des risques sociaux.

Signification de l’étude

Cette étude met en lumière les tendances du dépistage des risques sociaux dans les cabinets médicaux aux États-Unis et fournit des informations importantes pour l’élaboration de politiques futures. Alors que le dépistage des risques sociaux se généralise, la manière dont ces données peuvent être utilisées pour améliorer la santé des patients deviendra un axe de recherche essentiel. De plus, l’étude souligne l’importance de la culture d’innovation et des systèmes d’information dans la promotion de l’innovation en matière de soins de santé.