Quantification de l'impact de la pollution atmosphérique due à la production d'électricité au charbon sur la productivité agricole en Inde
L’impact de la pollution atmosphérique des centrales thermiques au charbon sur la productivité agricole en Inde
Contexte académique
L’Inde est l’un des plus grands pays producteurs agricoles au monde et l’un des pays les plus touchés par la pollution atmosphérique. Les centrales thermiques au charbon sont une source majeure d’électricité en Inde, mais les polluants atmosphériques qu’elles produisent, en particulier les oxydes d’azote (NO₂), ont un impact significatif sur la productivité agricole. Bien que les effets de la pollution atmosphérique sur la santé humaine aient été largement étudiés, son impact quantitatif sur la productivité agricole n’a pas encore été pleinement évalué. Cette étude vise à quantifier l’impact des émissions de NO₂ des centrales thermiques au charbon sur la productivité du riz et du blé en Inde, explorant ainsi comment cette pollution affecte la sécurité alimentaire et le développement économique.
La sécurité alimentaire en Inde est étroitement liée à l’approvisionnement en électricité. Avec l’augmentation de la population et du développement économique, l’Inde doit trouver un équilibre entre l’augmentation de la production de denrées alimentaires et l’élargissement de l’approvisionnement en électricité. Cependant, la pollution atmosphérique générée par les centrales thermiques au charbon peut avoir des effets négatifs sur la production de cultures, affaiblissant ainsi la capacité de production alimentaire de l’Inde. Par conséquent, cette étude est non seulement cruciale pour l’Inde, mais aussi pour la sécurité alimentaire mondiale.
Source de l’étude
Cette recherche a été menée par Kirat Singh, David B. Lobell et Inês M. L. Azevedo, membres du programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement et les ressources de l’Université de Stanford. L’article a été publié dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) le 3 février 2025.
Méthodologie de la recherche
1. Collecte et intégration des données
L’équipe de recherche a intégré plusieurs sources de données, notamment : - Données d’observation par satellite : Données quotidiennes de concentration verticale troposphérique (TVCD) de NO₂ provenant du capteur TROPOMI. - Données de production d’électricité : Séries chronologiques quotidiennes de production d’électricité fournies par l’Autorité centrale de l’électricité de l’Inde. - Données végétales : Données quotidiennes de réflectance infrarouge proche (NIRv) obtenues via le capteur MODIS pour évaluer l’état des cultures. - Données météorologiques : Données de direction du vent, température et précipitations issues du jeu de données ERA5-Land. - Données de terres cultivées : Données de couverture des terres cultivées provenant du jeu de données WorldCover de l’Agence spatiale européenne (ESA).
Ces données ont été intégrées dans un cadre unifié avec une résolution spatiale de 1 km et une portée temporelle de 2018 à 2022.
2. Construction du modèle de régression
L’équipe de recherche a construit un modèle de régression pour estimer la contribution des centrales thermiques au charbon à la concentration de NO₂. Les étapes clés du modèle comprennent : - Classification par direction du vent : Division du vent en huit directions (nord, nord-est, est, sud-est, etc.) et calcul de la production d’électricité pour chaque direction. - Classification par distance : Division de l’impact des centrales sur les terres cultivées en dix catégories de distance (0-10 km, 10-20 km, …, 90-100 km). - Contrôle des effets fixes : Utilisation d’effets fixes ponctuels et saison-état pour contrôler les facteurs invariants dans le temps et l’espace.
3. Association entre la concentration de NO₂ et la productivité agricole
L’étude utilise des coefficients préalablement publiés liant la concentration de NO₂ à la productivité agricole, appliqués aux variations de concentration de NO₂ estimées pour quantifier l’impact de la production d’électricité au charbon sur la productivité des cultures. Les étapes spécifiques incluent : - Estimation des variations de concentration de NO₂ : Basée sur le modèle de régression, estimation des variations de concentration de NO₂ due à la production d’électricité au charbon pour chaque point de terre cultivée. - Estimation des pertes de productivité des cultures : Utilisation de la relation entre les variations de concentration de NO₂ et le NIRv pour estimer les pertes potentielles de rendement des cultures.
4. Analyse des données et résultats
L’équipe de recherche a quantifié l’incertitude en utilisant la méthode bootstrap, calculant des intervalles de prédiction à 95 %. Les principaux résultats de l’analyse des données comprennent : - Variations de concentration de NO₂ : Les émissions de centrales thermiques ont un impact significatif sur la concentration de NO₂ jusqu’à 100 km, en particulier dans la direction du vent. - Pertes de rendement des cultures : Dans certaines régions, les pertes annuelles de rendement du riz et du blé dépassent 10 %, ce qui équivaut à six ans de croissance moyenne annuelle du rendement en Inde entre 2011 et 2020. - Pertes économiques : En convertissant les pertes de rendement en pertes économiques, l’étude estime que les pertes économiques annuelles dues aux centrales thermiques atteignent plusieurs centaines de millions de dollars.
Principaux résultats
1. Variations de concentration de NO₂
L’étude a révélé que les émissions de centrales thermiques ont un impact significatif sur la concentration de NO₂ jusqu’à 100 km. Les terres cultivées situées dans la direction du vent sont les plus touchées, et l’impact est particulièrement marqué dans un rayon de 30 km. Cet effet est plus prononcé pendant l’hiver (saison de croissance du blé).
2. Pertes de rendement des cultures
L’étude estime que le rendement annuel du riz et du blé dans certaines régions a perdu plus de 10 %. Par exemple, dans l’État de Bengale occidental, le Madhya Pradesh et l’Uttar Pradesh, les pertes de rendement des cultures dues aux émissions de NO₂ des centrales thermiques sont significatives. Ces pertes constituent une menace sérieuse pour la sécurité alimentaire en Inde.
3. Pertes économiques
En convertissant les pertes de rendement en pertes économiques, l’étude estime que les pertes économiques annuelles dues aux centrales thermiques atteignent plusieurs centaines de millions de dollars. En 2019, les pertes économiques pour le riz et le blé étaient respectivement de 420 millions de dollars et 400 millions de dollars.
4. Comparaison entre les pertes de santé et de cultures
L’étude compare également les impacts des centrales thermiques sur la santé et les cultures. Bien que les montants totaux des pertes de cultures soient inférieurs à ceux des pertes de santé, l’apport des pertes de cultures par unité de production d’électricité est supérieur à celui des pertes de santé. Dans certaines centrales, l’intensité des pertes de cultures dépasse même celle des pertes de santé.
Conclusion
Cette étude quantifie pour la première fois l’impact des émissions de NO₂ des centrales thermiques au charbon sur la productivité du riz et du blé en Inde. Elle montre que les centrales thermiques ne seulement menacent la santé humaine, mais ont également un impact significatif sur la sécurité alimentaire en Inde. Les résultats de cette étude fournissent une base scientifique pour que le gouvernement indien élabore des politiques de réduction des émissions, soulignant l’importance de prendre en compte l’impact sur l’agriculture lors de la réduction de la production d’électricité au charbon.
Points forts de l’étude
- Évaluation quantitative : La première quantification de l’impact spécifique des centrales thermiques sur la productivité des cultures, comblant un vide dans les recherches existantes.
- Intégration de multiples sources de données : Intégration de données d’observations par satellite, de production d’électricité, de données météorologiques et de terres cultivées, montrant l’application puissante de données multi-sources dans les recherches environnementales.
- Signification pour les politiques : Les résultats de cette étude sont essentiels pour orienter les politiques énergétiques et agricoles en Inde et dans d’autres pays en développement.
Autres valeurs ajoutées
L’étude propose également des pistes pour des recherches futures, notamment : - Impact des autres sources d’émissions de NO₂ : Évaluation future de l’impact d’autres sources d’émissions de NO₂ (comme les transports et l’industrie) sur la productivité des cultures. - Stratégies de réduction saisonnière : L’étude indique que des stratégies de réduction ciblées pendant la saison de croissance des cultures pourraient apporter des bénéfices sociaux plus importants.
Cette étude fournit non seulement une base scientifique pour l’Inde, mais offre également des expériences précieuses pour d’autres pays du monde confrontés à des problèmes similaires.