L'inhibition opportune de la signalisation TGFβ induit la formation de la notochorde

Modèle in vitro du développement du tronc des vertébrés

Contexte académique

Le développement du tronc des vertébrés est un processus hautement coordonné impliquant la génération et l’organisation de multiples types cellulaires. Ce processus est orchestré par des populations de cellules progénitrices situées dans la région postérieure de l’embryon, qui se différencient en structures telles que le tube neural, les somites et la notochorde. La notochorde, une structure caractéristique des chordés, fournit non seulement un support mécanique pendant le développement embryonnaire, mais régule également la formation des tissus environnants par la sécrétion de molécules de signalisation. Cependant, les modèles in vitro actuels, tels que ceux basés sur la différenciation des cellules souches pluripotentes (PSCs), bien qu’ils puissent reproduire certains aspects du développement du tronc, manquent souvent de la notochorde et des tissus qui en dépendent, comme la plaque ventrale du tube neural. Cela limite leur utilité dans l’étude des mécanismes sous-jacents au développement du tronc des vertébrés.

Pour combler cette lacune, une équipe de recherche du Francis Crick Institute a réalisé une analyse transcriptomique à l’échelle de la cellule unique pour cartographier le développement du tronc chez l’embryon de poulet, et a développé un nouveau modèle in vitro permettant de différencier des cellules souches pluripotentes humaines en structures tridimensionnelles du tronc comprenant une notochorde. Cette étude révèle les mécanismes de formation de la notochorde chez les vertébrés et offre un nouvel outil pour étudier la formation des tissus dans un environnement physiologiquement pertinent.

Équipe de recherche et informations de publication

Cette recherche a été menée par Tiago Rito, Ashley R. G. Libby, Madeleine Demuth, Marie-Charlotte Domart, Jake Cornwall-Scoones et James Briscoe, tous membres du Francis Crick Institute à Londres, au Royaume-Uni. L’article, intitulé “Timely TGFβ signalling inhibition induces notochord”, a été publié en ligne le 1er novembre 2024 dans la revue Nature.

Démarche et conception expérimentale

1. Analyse transcriptomique à l’échelle de la cellule unique

L’équipe a d’abord réalisé une analyse transcriptomique à l’échelle de la cellule unique sur la région caudale d’embryons de poulet, couvrant les stades 4, 7, 10 et 13 somites (stades 8 à 11 de Hamburger-Hamilton). En utilisant le clustering de Louvain et l’expression de gènes marqueurs, les chercheurs ont défini plusieurs types cellulaires, notamment la ligne primitive, le mésoderme précoce, le mésoderme présomitique, le mésoderme latéral et les cellules de la notochorde. Les cellules de la notochorde expriment des gènes marqueurs spécifiques tels que TBXT, NOTO, SHH et CHRD.

2. Construction du modèle in vitro

Sur la base des données transcriptomiques de l’embryon de poulet, l’équipe a développé un modèle in vitro utilisant des cellules souches embryonnaires humaines (hESCs) pour simuler le développement du tronc. Les chercheurs ont d’abord activé les voies de signalisation Wnt et FGF dans des cultures monocouches, tout en inhibant les signaux BMP et Nodal, ce qui a permis d’induire des cellules progénitrices neuromesodermiques (NMPs) exprimant SOX2 et TBXT. Ensuite, les hESCs ont été cultivées sur des substrats micropatternés de laminine, où les cellules ont formé des motifs d’expression génique ordonnés, avec des cellules neurales SOX2+ au centre et des cellules mésodermiques TBXT+ à la périphérie.

3. Régulation des voies de signalisation

Pour mieux comprendre le rôle des voies de signalisation dans la détermination du destin cellulaire, l’équipe a analysé la dynamique des signaux YAP, ERK1/2 et Wnt au cours du développement des neuruloïdes. Les chercheurs ont découvert que l’inactivation de YAP favorisait l’activation de la voie Wnt et l’expression de TBXT, tandis que l’activité persistante de la voie MAPK maintenait l’expression de TBXT à la périphérie. De plus, le moment de l’inhibition des signaux BMP et Nodal s’est avéré crucial pour la formation des cellules de la notochorde. Un retard dans l’inhibition de ces signaux a significativement augmenté la proportion de cellules TBXT+FOXA2+ ressemblant à la notochorde.

4. Génération d’organoïdes tridimensionnels du tronc

Sur la base de ces découvertes, l’équipe a appliqué les conditions de régulation des signaux à des cultures tridimensionnelles, générant avec succès des organoïdes du tronc (notoroïdes) contenant une notochorde. Ces organoïdes se sont allongés au cours de la culture, formant une structure interne TBXT+ ressemblant à la notochorde, entourée d’une couche externe de cellules épithéliales neurales SOX2+. L’analyse par séquençage d’ARN à l’échelle de la cellule unique a confirmé la présence de différents types cellulaires, y compris des cellules de la notochorde, du mésoderme somitique et des progéniteurs neuraux.

Résultats principaux

  1. Analyse transcriptomique à l’échelle de la cellule unique : L’équipe a cartographié avec succès le développement du tronc de l’embryon de poulet, définissant plusieurs populations de cellules progénitrices et leur distribution spatiale, en particulier les caractéristiques transcriptionnelles des progéniteurs de la notochorde.

  2. Construction du modèle in vitro : En régulant les voies de signalisation Wnt, FGF, BMP et Nodal, les chercheurs ont induit avec succès la différenciation des cellules souches pluripotentes humaines en structures tridimensionnelles du tronc contenant une notochorde.

  3. Régulation des voies de signalisation : L’étude a révélé que l’inactivation de YAP et l’activité persistante de la voie MAPK sont des facteurs clés dans l’expression de TBXT et la formation des cellules de la notochorde. De plus, le moment de l’inhibition des signaux BMP et Nodal a un impact significatif sur la proportion de cellules ressemblant à la notochorde.

  4. Génération d’organoïdes tridimensionnels du tronc : L’équipe a généré avec succès des organoïdes du tronc contenant une notochorde, qui présentent des structures tissulaires et des profils d’expression génique similaires à ceux observés in vivo.

Conclusion et signification

Cette étude, grâce à l’analyse transcriptomique à l’échelle de la cellule unique et à la construction de modèles in vitro, a révélé les mécanismes moléculaires de la formation de la notochorde chez les vertébrés et a développé un nouveau modèle capable de simuler plusieurs étapes clés du développement du tronc humain. Cette recherche offre non seulement de nouvelles perspectives sur le développement du tronc des vertébrés, mais fournit également un outil précieux pour étudier la formation des tissus et les modèles de maladies dans un environnement physiologiquement pertinent.

Points forts de la recherche

  1. Mécanismes moléculaires de la formation de la notochorde : L’étude a révélé pour la première fois le rôle synergique des signaux YAP, Wnt et FGF dans la formation de la notochorde, en particulier l’effet de l’inactivation de YAP sur l’expression de TBXT.

  2. Développement d’un nouveau modèle in vitro : L’équipe a réussi à construire des organoïdes tridimensionnels du tronc contenant une notochorde, comblant une lacune importante dans les modèles in vitro actuels.

  3. Fenêtre temporelle de la régulation des signaux : L’étude a montré que le moment de l’inhibition des signaux BMP et Nodal est crucial pour la formation des cellules de la notochorde, offrant des indications précieuses pour optimiser les conditions de différenciation in vitro.

Autres informations utiles

L’équipe a également décrit en détail les types cellulaires et les structures tissulaires des organoïdes tridimensionnels du tronc grâce au séquençage d’ARN à l’échelle de la cellule unique et à l’analyse d’imagerie, validant ainsi la pertinence physiologique du modèle. De plus, les chercheurs ont observé que les cellules ressemblant à la notochorde peuvent réguler la formation des tissus neuraux environnants par la sécrétion de SHH, un processus cohérent avec le développement in vivo.

En résumé, cette recherche fournit de nouveaux outils et perspectives pour l’étude du développement du tronc des vertébrés, avec des implications scientifiques et applicatives significatives.