Réponses des semis d'arbres tropicaux à l'ajout de nutriments : une méta-analyse pour comprendre les changements futurs dans la dynamique des forêts tropicales

Réponse des semis d’arbres tropicaux à l’ajout de nutriments : une méta-analyse pour comprendre les changements futurs dans la dynamique des forêts tropicales

Contexte académique

Les forêts tropicales sont des composantes clés de la biodiversité mondiale et des fonctions écosystémiques. Cependant, en raison des activités humaines et des changements climatiques, ces forêts font face à des pressions sans précédent. En particulier, l’augmentation du lessivage et des dépôts de nutriments pourrait modifier de manière significative la productivité, la structure et les fonctions de la végétation tropicale. Pour mieux comprendre comment les dépôts de nutriments affectent la régénération des écosystèmes tropicaux, les chercheurs ont mené une revue systématique et une méta-analyse des expériences d’ajout d’azote (N), de phosphore (P), d’azote-phosphore (NP) ou d’azote-phosphore-potassium (NPK) sur les semis d’arbres et d’arbustes tropicaux.

Les limitations en nutriments dans les régions tropicales entraînent généralement des contraintes multiples sur les ressources. Des études antérieures ont montré que la productivité des forêts tropicales pourrait être limitée à la fois par l’azote et le phosphore, mais cette conclusion n’est pas universellement applicable à toutes les régions et écosystèmes. De plus, les premières étapes de croissance des semis sont particulièrement sensibles aux changements de disponibilité des ressources, et l’ajout de nutriments peut influencer le recrutement, la croissance et les taux de survie des semis, affectant ainsi la composition et la distribution spatiale des espèces. Par conséquent, comprendre l’impact de l’ajout de nutriments sur les semis tropicaux est essentiel pour prédire les changements futurs dans la dynamique des forêts tropicales.

Source de l’article

Cet article a été co-écrit par Daisy Cárate Tandalla, Jürgen Homeier et Péter Batáry, respectivement affiliés à RPTU Kaiserslautern-Landau en Allemagne, à l’Université de Göttingen et à l’Institut d’Écologie et de Botanique en Hongrie. L’étude a été acceptée le 15 novembre 2024 et publiée dans la revue Current Forestry Reports, avec le DOI 10.1007/s40725-024-00240-6.

Méthodologie de l’étude

1. Recherche documentaire et extraction des données

Les chercheurs ont collecté des données expérimentales sur la réponse des semis d’arbres et d’arbustes tropicaux à l’ajout de nutriments dans les régions tropicales et subtropicales, en utilisant une méthode de revue systématique et de méta-analyse. La recherche documentaire a été principalement effectuée dans les bases de données Web of Science et Scopus, en utilisant la stratégie de recherche PICO (Population, Intervention, Comparator, Outcome). Au total, 59 articles pertinents ont été sélectionnés, couvrant 160 espèces avec 264 observations de taux de croissance, 149 observations de biomasse aérienne et 179 observations de biomasse souterraine.

2. Standardisation et classification des données

Pour assurer la cohérence des données, les chercheurs ont standardisé la classification des stratégies de croissance des espèces et des conditions climatiques. Les stratégies de croissance des espèces ont été définies en fonction de la densité du bois (Wood Specific Gravity, WSG), tandis que les données climatiques ont été extraites du modèle climatique CHELSA, incluant la température annuelle moyenne (MAT), les précipitations annuelles moyennes (MAP) et la saisonnalité des précipitations.

3. Calcul des tailles d’effet et analyse statistique

Les chercheurs ont utilisé le ratio de réponse (Response Ratio) comme indicateur de la taille de l’effet, calculant la différence entre les groupes expérimentaux et les groupes témoins. Pour tenir compte de l’hétérogénéité entre les études, un modèle de méta-analyse à effets mixtes hiérarchiques a été utilisé, intégrant plusieurs variables modératrices telles que le type d’expérience, le type de nutriment, les conditions climatiques et les niveaux de lumière.

Résultats principaux

1. Impact de l’ajout de nutriments sur le taux de croissance des semis

Globalement, l’ajout de nutriments a significativement augmenté le taux de croissance des semis tropicaux, avec une augmentation moyenne de 14 %. L’ajout de NPK a eu l’effet le plus marqué, augmentant le taux de croissance de 27 %, tandis que l’ajout de P seul a eu un effet plus faible, avec une augmentation de seulement 12 %. De plus, les semis dans les expériences de transplantation ont montré une augmentation de 20 % du taux de croissance, tandis que les expériences d’ajout in situ n’ont pas montré d’effet significatif.

2. Impact de l’ajout de nutriments sur la biomasse aérienne

L’ajout de nutriments a significativement augmenté la biomasse aérienne des semis, avec une augmentation moyenne de 26 %. L’ajout de N seul et de NP a eu les effets les plus marqués, augmentant respectivement la biomasse aérienne de 38 % et 48 %, tandis que l’ajout de P seul a eu un effet plus faible, avec une augmentation de seulement 16 %. De plus, les expériences en pots ont montré une augmentation de 30 % de la biomasse aérienne.

3. Impact de l’ajout de nutriments sur la biomasse souterraine

Contrairement à la biomasse aérienne, l’ajout de nutriments a eu un effet moindre sur la biomasse souterraine. Le seul effet significatif a été observé avec l’ajout de P seul, augmentant la biomasse souterraine de 17 %.

4. Rôle modérateur du climat et de la lumière

Les variables climatiques (telles que la température annuelle moyenne et les précipitations) n’ont pas eu d’effet significatif sur la réponse des semis, mais la saisonnalité des précipitations a montré un certain effet modérateur. Les semis dans les régions à saison sèche ont montré les augmentations les plus significatives du taux de croissance et de la biomasse aérienne, respectivement de 38 % et 70 %. De plus, les semis exposés à une lumière élevée ont montré des augmentations significatives du taux de croissance et de la biomasse aérienne.

Conclusions et implications

Cette étude, à travers une méta-analyse, révèle les modèles de réponse des semis tropicaux à l’ajout de nutriments, montrant que la limitation conjointe par l’azote et le phosphore est répandue dans les écosystèmes tropicaux. L’étude a également révélé que les méthodes expérimentales et les conditions climatiques ont un impact significatif sur la réponse des semis, en particulier dans les régions à saison sèche et sous des conditions de lumière élevée, où les effets de l’ajout de nutriments sont plus prononcés.

La valeur scientifique de cette étude réside dans le fait qu’elle fournit de nouvelles preuves pour comprendre les mécanismes de limitation des nutriments dans les forêts tropicales et offre des références importantes pour prédire les impacts futurs des changements climatiques et des activités humaines sur ces forêts. De plus, l’étude souligne l’importance de combiner les observations in situ et les méthodes expérimentales dans les futures recherches pour mieux comprendre les réponses réelles des espèces.

Points forts de l’étude

  1. Découverte de la limitation conjointe par plusieurs nutriments : L’étude confirme que la croissance des semis tropicaux est limitée à la fois par l’azote et le phosphore, remettant en question l’idée précédente selon laquelle les forêts tropicales sont principalement limitées par le phosphore.
  2. Rôle modérateur du climat et de la lumière : L’étude analyse systématiquement pour la première fois l’impact du climat et de la lumière sur la réponse des semis aux nutriments, révélant des effets significatifs dans les régions à saison sèche et sous une lumière élevée.
  3. Comparaison des méthodes expérimentales : L’étude compare les effets des expériences en pots, de transplantation et d’ajout in situ, fournissant des références importantes pour la conception des futures expériences.

Autres informations pertinentes

L’étude souligne également que les recherches futures devraient se concentrer sur l’impact de l’état de succession des forêts, du type de sol et de la topographie sur les effets de l’ajout de nutriments, afin de mieux comprendre la dynamique des nutriments dans les forêts tropicales. De plus, l’étude recommande de suivre davantage de paramètres, tels que l’état de succession des forêts, pour approfondir la compréhension des effets des dépôts de nutriments sur les sols et la végétation tropicale.