Sensibilité environnementale et impact du changement climatique sur la phénologie des feuilles, du bois et des racines dans les forêts décidues tempérées

Sensibilité environnementale et impact du changement climatique sur la phénologie des forêts décidues tempérées

Contexte académique

L’impact du changement climatique sur les écosystèmes mondiaux devient de plus en plus évident, en particulier sur la phénologie des forêts tempérées et boréales. La phénologie, qui étudie les événements saisonniers du cycle de vie des plantes tels que le débourrement des feuilles, la floraison et la sénescence foliaire, est cruciale pour comprendre comment les plantes réagissent aux changements climatiques. Ces événements influencent non seulement la croissance et la reproduction des plantes, mais aussi l’équilibre énergétique et les cycles biogéochimiques de l’écosystème dans son ensemble. Cependant, les recherches actuelles sur la phénologie des forêts décidues tempérées se concentrent principalement sur la phénologie foliaire printanière, tandis que les études sur la phénologie foliaire automnale, la phénologie du xylème et du phloème, ainsi que la phénologie racinaire, sont relativement limitées. De plus, les relations phénologiques entre les arbres dominants (overstory) et les plantes de sous-bois (understory) n’ont pas été suffisamment explorées.

Cet article vise à synthétiser les recherches récentes sur la sensibilité environnementale et l’impact du changement climatique sur la phénologie des forêts décidues tempérées, en mettant l’accent sur les changements dans la phénologie foliaire, du xylème, du phloème et des racines. Il explore également les relations phénologiques entre les arbres dominants et les plantes de sous-bois. En passant en revue les études existantes, cet article identifie les lacunes dans les connaissances actuelles et propose des orientations pour les recherches futures.

Source de l’article

Cet article a été co-écrit par plusieurs auteurs, dont les principaux sont Matteo Campioli, Lorène J. Marchand, Cedric Zahnd, entre autres, issus d’institutions telles que l’Université de Gand en Belgique et l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) en Suisse. L’article a été accepté le 15 octobre 2024 et publié dans la revue Current Forestry Reports, dans le cadre d’une revue sur les fonctions écologiques.

Points et arguments principaux

1. Sensibilité environnementale et impact du changement climatique sur la phénologie foliaire printanière

La phénologie foliaire printanière, telle que le débourrement des bourgeons et l’émergence des feuilles, est l’un des domaines les plus étudiés dans les forêts décidues tempérées. La température est le principal facteur influençant la phénologie foliaire printanière, en particulier après une période de froid hivernal, où une augmentation des températures printanières peut avancer significativement le débourrement des feuilles. Cependant, la photopériode joue également un rôle régulateur chez certaines espèces, en particulier dans les régions de haute latitude, où elle peut limiter la réponse de la phénologie au réchauffement climatique. De plus, la durée et l’intensité de la période de froid hivernal influencent également le degré d’avancement de la phénologie printanière.

Le changement climatique entraîne une avancée de la phénologie printanière, mais les réponses varient selon les espèces. Les espèces pionnières (comme le marronnier) sont plus sensibles à la température, tandis que les espèces tardives (comme le chêne) sont davantage influencées par la photopériode. Cette divergence peut entraîner un désynchronisme phénologique entre les espèces, affectant ainsi les relations de compétition et les flux d’énergie dans l’écosystème.

2. Sensibilité environnementale et impact du changement climatique sur la phénologie foliaire automnale

La phénologie foliaire automnale, telle que la sénescence et la chute des feuilles, est moins étudiée, mais sa réponse au changement climatique est tout aussi importante. Le début de la sénescence foliaire est influencé par plusieurs facteurs, notamment la température printanière, la disponibilité en eau et les conditions lumineuses. Les études montrent qu’une augmentation des températures printanières pourrait avancer le début de la sénescence, tandis qu’une sécheresse estivale pourrait retarder son processus. De plus, la photopériode a un impact plus important sur la sénescence foliaire dans les régions de haute latitude, mais son influence est moindre dans les zones tempérées.

Le changement climatique pourrait prolonger la période de sénescence foliaire, en particulier dans des conditions de températures plus élevées et de disponibilité en eau suffisante. Cependant, l’augmentation des épisodes de sécheresse pourrait raccourcir la période phénologique automnale, affectant ainsi l’absorption de carbone et le cycle des nutriments dans la forêt.

3. Sensibilité environnementale et impact du changement climatique sur la phénologie du xylème et du phloème

La phénologie du xylème et du phloème est essentielle pour la croissance des arbres et le transport des nutriments. Le début de la formation du xylème (xylogenèse) au printemps est influencé par la température et l’humidité du sol, tandis que la fin de la formation du xylème à l’automne est affectée par les sécheresses estivales et les événements climatiques extrêmes. Les études suggèrent que le changement climatique pourrait prolonger la période de formation du xylème, mais dans des conditions de sécheresse, cette formation pourrait se terminer plus tôt.

La phénologie du phloème est moins étudiée, mais elle est fortement sensible à la disponibilité en eau. En conditions de sécheresse, la largeur et la taille des cellules du phloème pourraient être affectées, influençant ainsi le transport et le stockage des nutriments chez les arbres.

4. Sensibilité environnementale et impact du changement climatique sur la phénologie racinaire

La phénologie racinaire (phénologie des racines fines) est un domaine important de la recherche sur les écosystèmes forestiers souterrains. Les études montrent que les pics de croissance racinaire se produisent généralement au printemps et à l’automne, mais il existe des variations importantes entre les espèces et les années. La température est le principal facteur influençant la phénologie racinaire, tandis que les variations de l’humidité du sol affectent également le moment et l’intensité de la croissance racinaire. Le changement climatique pourrait avancer la phénologie racinaire, en particulier dans des conditions de températures plus élevées et de sécheresse.

5. Relations phénologiques entre les arbres dominants et les plantes de sous-bois

Les relations phénologiques entre les arbres dominants et les plantes de sous-bois sont cruciales pour le fonctionnement des écosystèmes forestiers. Les plantes de sous-bois adoptent souvent une stratégie d’avancement de la phénologie printanière pour profiter de la lumière avant la fermeture du couvert forestier (phénomène appelé “échappement phénologique”), mais cette stratégie augmente également le risque de dommages causés par les gelées tardives. Le changement climatique pourrait entraîner un désynchronisme phénologique entre les arbres dominants et les plantes de sous-bois, affectant ainsi la compétition pour la lumière et le cycle des nutriments dans la forêt.

Importance et valeur de l’article

En analysant de manière exhaustive la phénologie des forêts décidues tempérées, cet article révèle l’impact complexe du changement climatique sur les différents composants des écosystèmes forestiers. La recherche comble non seulement les lacunes dans les études actuelles sur la phénologie, mais fournit également des orientations importantes pour les recherches futures. Par exemple, les études futures devraient se concentrer sur les mécanismes de début de la sénescence foliaire, les facteurs influençant la phénologie racinaire et les relations phénologiques entre les arbres dominants et les plantes de sous-bois. De plus, cet article souligne l’importance de la variabilité multi-échelle (individus, populations, écosystèmes) et des effets interannuels (effets hérités d’une année sur l’autre) dans les études phénologiques.

Points forts de la recherche

  1. Approche globale : Cet article couvre plusieurs aspects de la phénologie des forêts décidues tempérées, offrant une perspective complète sur les études phénologiques.
  2. Avancées scientifiques : Il met particulièrement l’accent sur des domaines moins étudiés, tels que la phénologie foliaire automnale et la phénologie racinaire, comblant ainsi des lacunes dans les recherches actuelles.
  3. Valeur pratique : Les résultats de cette recherche fournissent une base scientifique pour prédire l’impact du changement climatique sur les écosystèmes forestiers, aidant à élaborer des stratégies de gestion adaptative.

Autres informations pertinentes

L’article souligne également que les futures recherches sur la phénologie devraient accorder plus d’attention à l’influence du microclimat, en particulier à l’intérieur des forêts, où les conditions microclimatiques peuvent varier considérablement entre les arbres dominants et les plantes de sous-bois. De plus, une combinaison de méthodes de surveillance à long terme et d’expérimentations permettra de mieux comprendre les mécanismes des changements phénologiques et leurs conséquences écologiques.