Sélectivité mixte dans la zone antérieure intrapariétale des singes pendant les processus visuels et moteurs

Rapport sur l’étude de la sélectivité mixte dans la région antérieure du lobe pariétal chez les singes durant les processus visuels et moteurs

Contexte de recherche

Ces dernières années, la région antérieure du lobe pariétal (anterior intraparietal area, AIP) a suscité un grand intérêt dans le domaine des neurosciences. L’AIP est considérée comme un point de convergence pour de multiples informations visuelles et somatosensorielles, incluant des informations sur les propriétés physiques des objets et les actions observées chez autrui, ainsi que des signaux moteurs et des informations de haut niveau provenant du cortex frontal. Cependant, les principes fondamentaux de ce codage multimodal restent flous, notamment en ce qui concerne la manière dont les neurones de l’AIP codent les informations dans diverses tâches et conditions.

La perspective traditionnelle suggère que les neurones dans l’AIP peuvent être classés en plusieurs types : neurones moteurs, neurones visuels, neurones canoniques et neurones miroirs. Ces neurones codent respectivement les informations motrices pures, visuelles pures ou à la fois visuelles et motrices d’objets ou d’actions. Cependant, la plupart de ces études se concentrent sur une seule tâche et manquent de compréhension sur comment le codage multimodal émerge dans l’AIP.

Source de l’article

Cet article intitulé « Mixed Selectivity in Monkey Anterior Intraparietal Area During Visual and Motor Processes » est rédigé par Monica Maranesi, Marco Lanzilotto, Edoardo Arcuri et Luca Bonini, affiliés au Département de Médecine et de Chirurgie de l’Université de Parme, en Italie. Cet article a été publié dans la revue scientifique « Progress in Neurobiology » et mis en ligne le 10 avril 2024.

Processus de recherche

Pour explorer les principes fondamentaux du codage multimodal dans l’AIP, l’équipe de recherche a mené des expériences d’enregistrement chronique des activités neuronales uniques chez deux singes. Ces expériences ont impliqué plusieurs tâches et conditions :

  1. Tâche visuo-motrice (VMT) : Les singes doivent effectuer une tâche go/no-go incluant la préhension d’un objet ou le maintien en position statique.
  2. Tâche d’observation : Les singes observent les expérimentateurs réaliser la même tâche dans leur espace proche (OTP) et dans leur espace éloigné (OTE).
  3. Tâche d’observation vidéo (OTV) : Les singes regardent des vidéos montrant des actions dirigées vers un objectif ou des actions feintes de la main ainsi que des vidéos des objets isolés en mouvement ou statiques.

L’équipe de recherche a analysé en phases les activités de 134 neurones indépendants, issus de données enregistrées à différentes positions de l’AIP chez les deux singes. La plupart des cellules ont montré une sélectivité mixte pour les objets observés, les actions effectuées et les actions observées, particulièrement lorsque ces informations provenaient de l’espace de travail proche des singes.

Principaux résultats

  1. Classification des neurones : Basé sur la tâche VMT, l’équipe a classé les neurones en quatre catégories : neurones visuo-moteurs, liés à la vision, liés au mouvement et non liés à la tâche. Parmi eux, 79 neurones étaient visuo-moteurs, 26 neurones étaient liés à la vision, 13 à la motricité, et 16 neurones n’étaient pas liés à la tâche.

  2. Sélectivité mixte : La majorité (96%) des neurones visuo-moteurs répondent également aux actions des autres durant les tâches d’observation (en temps réel, en vidéo ou les deux). À l’inverse, moins de 10% des neurones ont montré une sélectivité pure à ces types de stimuli. La plupart (plus de 90%) des neurones ajustent également leur réponse lors de l’observation de l’objet cible ou des retours visuels de leurs propres mains.

  3. Clustering des tâches comportementales : En calculant les distances de Mahalanobis entre différentes conditions et périodes de tâche, il est apparu qu’au stade de base, les tâches étaient initialement séparées dans l’espace de travail interne ou externe des singes, avec une séparation plus nette des objets cibles durant les phases visuelles et motrices.

  4. Distinction entre codage réel et codage visuel pur : Lors de tests en condition de barrière, une partie des neurones visuels a été significativement affectée par la présence de la barrière, ce qui indique que ces neurones représentaient des objets liés au codage réel, tandis que certains neurones codent uniquement les caractéristiques 3D de l’objet de manière purement visuelle.

Conclusion de la recherche

Les résultats montrent que presque tous les neurones visuo-moteurs dans l’AIP codent non seulement les informations sur l’objet et les actions de soi, mais réagissent également aux actions des autres. Par conséquent, la classification traditionnelle basée sur la sélectivité univariée est trop simpliste. Au contraire, les neurones de l’AIP montrent une variété et une combinaison de sélectivités, soulignant l’importance du codage pratique fonctionnel dans l’AIP, similaire à la situation observée dans le cortex prémoteur.

Il est notable que l’activité de certaines cellules de l’AIP est influencée par des facteurs visuels et moteurs de manière complexe et contextuelle. De plus, une analyse en clustering hiérarchique non supervisée a révélé des groupes de neurones avec des caractéristiques de modulation complexes entre différentes tâches et conditions.

Points forts de la recherche

  1. Découverte de la sélectivité mixte : La preuve que les neurones de l’AIP sont sélectifs non seulement pour un type d’information (comme les objets ou les actions) mais qu’ils montrent aussi une sélectivité mixte.
  2. Mode de codage distribué : L’étude montre que le codage multimodal dans l’AIP se fait par une sélectivité partiellement mixte des neurones dans diverses tâches et conditions, plutôt que par le codage indépendant de catégories spécifiques de neurones.
  3. Défi aux vues traditionnelles : Cette recherche conteste la méthode traditionnelle de classification neuronale basée sur la sélection pure, offrant une compréhension plus complexe et complète de la fonction de l’AIP.

Valeur de la recherche

Cette étude présente une grande importance théorique dans le domaine des neurosciences fondamentales, ainsi qu’un potentiel d’application clinique pour comprendre et traiter les maladies associées aux dysfonctions du cortex pariétal antérieur (comme la négligence spatiale et l’apraxie). En outre, cette recherche ouvre de nouvelles directions pour les futures études en neurosciences, en particulier dans les domaines de la sélectivité multivariée et du codage distribué.

Conclusion

Cette recherche, à travers l’enregistrement et l’analyse détaillés des activités des neurones uniques dans la région AIP des singes, révèle la sélectivité mixte et les modulations complexes de ces neurones lors du traitement des informations visuelles et motrices. Elle apporte une contribution significative aux sciences neurologiques, en particulier dans l’étude des mécanismes d’intégration et de codage de l’information multimodale.