Le signal d'antigène intratumoral piège les cellules T CD8+ pour confiner l'épuisement au site tumoral
Recherche en immunologie tumorale : État d’épuisement des cellules CD8+ T dans les tumeurs
Ces dernières années, l’immunothérapie a fait des progrès significatifs dans le domaine du traitement des tumeurs. Cependant, il reste difficile de suivre le comportement des lymphocytes après un signal antigénique. Cette étude vise à résoudre ce problème en développant des souris rapporteurs de signal du récepteur antigénique (Antigen Receptor Signaling Reporter, AGRSR) pour évaluer le comportement des cellules T actives dans les tumeurs. Cet article détaille les antécédents, les méthodes, les résultats et la signification de cette recherche.
Antécédents de la recherche
L’épuisement des cellules CD8+ T est un état de faible fonction permanent, épigénétiquement propagé (1, 2) et qui s’aggrave avec le temps (3). Cet état permet de prévenir les réactions immunitaires nuisibles (4, 5). Des études antérieures utilisant des expériences parallèles élégantes (6, 7) et des souris Kaede (8, 9) ont montré la présence de cellules CD8+ T épuisées dans les tissus tumoraux. Ces découvertes concordent avec les rapports montrant que les cellules CD8+ T expriment CD103, une protéine clé de résidence, et sont principalement confinées à la tumeur (10, 11). Cependant, des recherches récentes ont observé des cellules CD8+ T, y compris des cellules T spécifiques de l’antigène, quittant la tumeur (8, 9). Il reste donc incertain quels facteurs spécifiques régulent le comportement de résidence et d’extravasation des cellules CD8+ T dans les tumeurs.
Motivation et problématique de la recherche
Pour mieux comprendre le comportement des cellules CD8+ T dans les tumeurs, l’équipe de recherche a développé un nouveau type de souris AGRSR, conçues pour suivre les lymphocytes réactifs à l’antigène à des moments et des lieux spécifiques. Contrairement aux méthodes existantes de suivi des lymphocytes transgéniques TCR (14-16) et des tétramères (17, 18), ce système peut distinguer quand et où les cellules T reçoivent un signal antigénique. Cette nouvelle méthode aidera à vérifier le rôle des signaux antigéniques dans la régulation du comportement de résidence et d’extravasation des cellules CD8+ T dans les tumeurs.
Origine de la recherche
Cet article rédigé par Takahashi et al. a été publié dans la revue Science Immunology. Les auteurs proviennent de plusieurs institutions de recherche, dont l’Université de Cambridge, l’Université de Tokyo, l’Université de Liverpool et le Wellcome Trust Sanger Institute.
Méthodologie de la recherche
Développement des souris AGRSR
L’équipe de recherche a créé des souris AGRSR pour évaluer les clones recevant des signaux TCR simultanément, y compris ceux dans les tissus à faible densité cellulaire. Chez les souris AGRSR, le promoteur Nur77 ne s’active dans les lymphocytes T que lors de la liaison du TCR, conduisant à l’expression équimolaire de la protéine fluorescente rouge (Katushka) et de la recombinase Cre-ERT2. En croisant avec la souche Rosa-LSL-EYFP, les chercheurs ont généré des souris AGRSR-LSL-EYFP, où le système transgénique marque de manière permanente les lymphocytes T et leurs descendants recevant les signaux TCR et tamoxifène.
L’équipe a d’abord croisé la lignée AGRSR avec la lignée transgénique OT-I TCR spécifique de l’OVA, dont les ligands peptidiques TCR sont caractérisés. La stimulation in vitro des cellules T CD8+ naïves de ces animaux a montré que les niveaux d’expression de Katushka étaient directement corrélés à l’activité stimulante de chaque ligand, suggérant que l’expression de Katushka dépend de l’intensité du signal TCR.
Processus de recherche
- Établissement du modèle murin : L’équipe de recherche a croisé des souris AGRSR avec les souris Rosa-LSL-EYFP pour générer des souris AGRSR-LSL-EYFP utilisées pour suivre les cellules T marquées par un signal antigénique.
- Expériments de stimulation antigénique : L’équipe a validé la dépendance aux signaux TCR par des expériences in vitro et in vivo. In vivo, après traitement au tamoxifène, l’expression EYFP dépendant du signal TCR dans les cellules CD8+ T de la rate et des tumeurs a été vérifiée.
- Modèle tumoral : Utilisation du modèle de mélanome YUMMER1.7 pour étudier l’impact des signaux antigéniques sur la réponse des cellules T. L’équipe a constaté une augmentation significative de la fréquence des cellules CD8+ T EYFP+ dans les tumeurs, indiquant que ces cellules réagissaient aux antigènes tumoraux.
- Séquençage de l’ARN et du TCR à cellule unique : Par séquençage de l’ARN et du TCR à cellule unique, l’équipe a analysé les cellules T EYFP+ de la tumeur et de la rate, trouvant que les cellules CD8+ T de la tumeur présentaient des scores d’épuisement plus élevés.
Analyse des données
L’équipe de recherche a utilisé diverses techniques expérimentales et méthodes d’analyse, y compris :
- Cytométrie en flux : Analyse de l’expression de surface des anticorps des cellules T par cytométrie en flux pour évaluer l’expression EYFP et Katushka.
- Séquençage de l’ARN et du TCR à cellule unique : Analyse de l’expression génique et des séquences TCR des cellules T triées utilisant les technologies de séquençage de 10x Genomics.
- Analyse de données : Utilisation de packages logiciels R et Python pour l’analyse des données, incluant les algorithmes Seurat, Scanpy et TrajClust.
Résultats de la recherche
Épuisement des cellules CD8+ T capturant les signaux antigéniques dans les tumeurs
- Validation des souris AGRSR : L’équipe de recherche a réussi à créer des souris AGRSR et à valider leur capacité à marquer in vivo les cellules T recevant des signaux antigéniques.
- Étude du modèle tumoral : Dans le modèle de mélanome YUMMER1.7, après traitement au tamoxifène, la fréquence des cellules CD8+ T EYFP+ dans les tumeurs a considérablement augmenté, montrant une expression élevée de PD-1, indiquant un état d’épuisement.
- Analyse par séquençage de l’ARN à cellule unique : L’équipe a découvert que les cellules CD8+ T EYFP+ dans les tumeurs présentaient des scores d’épuisement plus élevés et des scores de cytotoxicité plus bas, tandis que les cellules CD8+ T EYFP+ dans la rate montraient des scores de cytotoxicité plus élevés.
- Rôle des signaux antigéniques dans les tumeurs : La recherche montre que les signaux antigéniques jouent un rôle dans l’isolation des réponses des cellules CD8+ T dans les tumeurs, permettant aux cellules T épuisées de rester dans des zones spécifiques des tissus tumoraux, protégeant ainsi l’organisme des dommages systémiques.
Signification de la recherche
Cette étude, en développant des souris AGRSR, a fourni un nouvel outil pour suivre in vivo l’impact des signaux antigéniques sur le comportement des cellules T. Les résultats révèlent comment les signaux antigéniques dans les tumeurs régulent le comportement de résidence et d’épuisement des cellules CD8+ T en isolant leur réponse. Cette découverte contribue à une compréhension approfondie des mécanismes de régulation de la réponse immunitaire dans le microenvironnement tumoral et fournit des indices importants pour le développement de nouvelles stratégies d’immunothérapie.
Points forts de la recherche
- Développement d’un nouvel outil : Le développement des souris AGRSR offre un outil puissant pour suivre in vivo les signaux antigéniques.
- Mécanisme d’action des signaux antigéniques : La recherche révèle comment les signaux antigéniques isolent les réponses des cellules CD8+ T, régulant leur comportement de résidence et d’épuisement.
- Régulation du microenvironnement tumoral : Les résultats fournissent une nouvelle perspective pour comprendre la régulation immunitaire dans le microenvironnement tumoral.
Cette recherche, par des méthodes expérimentales innovantes et une analyse approfondie des données, fournit une base théorique et pratique importante pour la recherche en immunothérapie des tumeurs. Les recherches futures peuvent explorer comment utiliser cette découverte pour optimiser les stratégies d’immunothérapie et améliorer l’efficacité des traitements.